Une senteur ancienne et sacrée : le cèdre

Le cèdre est un conifère dont le bois odorant est utilisé depuis l’Antiquité dans la construction comme dans la parfumerie – servant aujourd’hui principalement aux parfums masculins, ainsi que d’autres bois odorants auxquels on associe la virilité. Les mentions les plus célèbres et les plus anciennes proviennent de l’Ancien Testament, où le cèdre est le bois choisi pour recouvrir presque entièrement la Maison de Yahvé – le premier Temple de Jérusalem – construite par Salomon.

Au chapitre 6 du Livre des Rois, qui traite de la construction de la Maison, il est ainsi précisé :

  • « Salomon bâtit la Maison et l’acheva. Il revêtit les murs de la Maison, à l’intérieur de planches de cèdre, depuis le sol de la Maison jusqu’aux poutres du plafond (…) »
  • « Il revêtit les 20 coudées à partir du fond de  la Maison, avec des planches de cèdre depuis le sol jusqu’aux poutres, et il en fit l’intérieur du Débir, le Saint des Saints. »
  • « Le cèdre de la Maison, à l’intérieur, était sculpté en coloquintes et en guirlandes de fleurs; tout était en cèdre, pas une pierre n’apparaissait (…)
  • il fit un autel le cèdre et le recouvrit d’or. »

La description de la Maison mentionne l’association des bois odorants – au premier rang duquel le cèdre, même s’il n’est pas le seul – et de l’or. Dans ce lieu, l’ambiance n’était pas que visuelle, elle était aussi olfactive; ça paraît un détail, mais c’était primordial dans l’Antiquité où  les parfums avaient une si grande importance et un grand rôle à jouer dans le sacré à l’Amour. Le Cantique des cantiques le mentionne d’ailleurs souvent parmi les autres parfums de l’époque.

Mais les Hébreux n’étaient pas les seuls à utiliser le cèdre, et Hérodote évoque justement dans son Histoire, le cosmétique des femmes Scythes qui mêlait bois de cèdre et d’acacia et qui, après avoir été appliqué sur la peau, séché et rincé, rendait la peau douce, claire, et délicieusement parfumée.

Cet usage du cèdre à la fois comme bois de construction et de senteur touche diverses cultures méditerranéennes et moyen-orientales depuis des millénaires, mais plus près de nous, dans la culture japonaise réputée ultra-moderne qui nous inspire plutôt des images de villes tentaculaires et de robots, c’est toujours la conception antique du parfum qui est appréciée et cultivée. En témoignent ces encens délicats, légèrement aromatiques et boisés, aux senteurs naturelles et un peu exotiques qu’ils ont créés.

De fait, au Japon, la parfumerie occidentale séduit peu, les Japonais ayant plus l’habitude de parfumer leurs vêtements aux bois naturels et leurs cheveux aux huiles sentant les fleurs. Dans cette île à la spiritualité à la fois animiste et bouddhiste, la nature est vénérée jusque dans les objets du quotidien, qu’on préfère bruts, non peints, non polis, dont on admire la rusticité. Dans la philosophie du zen, qui imprègne toute la culture japonaise, la simplicité et la beauté naturelle sont recherchées car elles facilitent le calme, la contemplation et préparent au détachement. C’est une philosophie complexe poussant les Japonais à la recherche la beauté des choses naturelles et simples – wabi – et lorsque ce sentiment est associé à la rusticité primitive, on atteint le sabi.

Dans le livre Zen tout simplement, David Scott explique un autre aspect de la préférence des Japonais pour le bois parmi les autres matériaux naturels qu’ils utilisent préférablement dans leurs objets quotidiens :

« Le bois est aussi préféré pour l’attirance qu’il exerce sur l’odorat et le toucher, ainsi que pour la satisfaction visuelle qu’il procure. Les commodes doublées de cèdre ou de bois de santal imprègnent les vêtements d’une délicate fragrance et éloignent les insectes, alors que l’arôme de pin montant d’une baignoire remplie d’eau chaude évoque les pinèdes. »

Le premier parfum que Serge Lutens avait créé pour Shiseido, Féminité du bois, sentait d’ailleurs le cèdre dont on retrouve l’odeur dans les intérieurs japonais qui, contre toute attente, entre fragrances naturelles de cèdre, de santal ou d’acacia, nous donneraient une petite idée de ce que sentaient endroits prestigieux et peaux parfumées du monde antique.

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Cet article, cette recette et ces photos – sauf photo à la Une  qui vient de http://arbres-remarquables.univ-lille1.fr– sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

 

 

Parfumer ses vêtements comme dans l’Antiquité (DIY)

Nos parfums sous forme de sprays alcoolisés qu’on pulvérise sur la peau mais plus idéalement sur un textile – dont les fibres retiennent plus facilement la fragrance – ne sont pas les seuls moyens de sentir bon. D’usage très contemporain, ils ne sont non seulement pas majoritaires mais sont en plus d’un usage très récent qui n’a rien de traditionnel.

Au Moyen-Orient où l’alcool est interdit dans les parfums, il n’est évidemment pas non plus possible de vaporiser un parfum huileux qui, s’il est délicieux, ne manquera pas de tacher un vêtement d’une grosse trace de gras qui évoque plus quelqu’un qui a mangé malproprement plutôt qu’une personne coquette qui voulait sentir bon.

Là-bas, comme dans l’Antiquité, on continue de parfumer son intérieur et ses vêtements aux encens, résines naturelles d’oliban, de myrrhe ou mélanges de résines, bois, fleurs, appelés bakhoor dont il existe une grande variété. Le textile, placé sur un tréteau en forme de pyramide – appelé mabkhara à Oman – est parfumé par l’encens sortant de l’encensoir placé en dessous, comme sur la photo.

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Cette façon de parfumer les vêtements est très séduisante pour ceux qui, comme moi, font une intolérance aux fragrances trop puissantes mais aussi pour ceux et celles qui aimeraient tenter les parfums naturels ou les manières de se parfumer traditionnelles – comme c’est aussi le cas en Afrique – et que nous pratiquions également dans l’Antiquité.

Dans nos sociétés modernes, c’est plutôt dans une penderie que nous pouvons parfumer nos vêtements au moyen d’un encensoir assez fermé pour ne pas mettre le vêtement en contact avec le charbon – ni même avec l’encensoir -. On peut ainsi faire brûler comme dans les pays arabes, résines d’oliban ou de myrrhe, selon ce qu’on préfère.

Si on veut découvrir un parfum spécifiquement antique, on peut brûler du labdanum – qui était le parfum préféré des Crétoises – mais aussi du patchouli – qui était connu à l’époque – du cyprès, si on l’aime, du cèdre et du génévrier. Vous pouvez aussi découvrir le parfum de robes de Dioscoride dont j’ai reconstitué la recette et que je vous propose sur Etsy. Pour tous ces parfums, il vous faudra généralement un charbon ardent et un encensoir.

Mais c’est avec la poudre de cade, genévrier sauvage typiquement méditerranéen toujours utilisé comme encens naturel et à l’odeur très agréable qu’on peut parfumer ses vêtements de façon traditionnelle et délicieuse sans charbon et au moyen d’une lampe Merlin – ainsi appelée car elle ressemble à un chapeau de Merlin.

Parfumer ses vêtements au cade

  • Matériel
  • Lampe Merlin
  • Poudre de cade
  • Briquet
  • Marche à suivre

Remplir le réservoir de poudre de cade en formant un cône identique à celui formé par le couvercle de la lampe. cone-de-cade

Enflammer le sommet avec un briquet et attendre qu’il s’éteigne pour remettre le couvercle à trous d’où s’échappera la fumée. Le feu va consumer doucement toute la poudre, répandant le parfum de cade.

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  • Utilisation

Placer votre lampe Merlin en bas de votre penderie pour que la fumée remonte et imprègne toute votre penderie. Fermez  la porte pour confiner l’endroit où vont se libérer les huiles essentielles qui imprégneront les textiles de votre placard, les parfumant naturellement et éloignant du même coup quelques nuisibles qui auraient bien aimé s’y installer.

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Cet article, cette recette et ces photos – sauf celle du mabkhara trouvé sur ce site – sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

 

 

La boutique du Labo de Cléopâtre

Ceux qui me suivent depuis quelques temps connaissent mon parcours de mon premier blog, Echodecythere, consacré à la beauté à mon second, le Labo de Cléopâtre, consacré aux cosmétiques antiques, et notamment ceux de Cléopâtre.

Maintenant, le Labo de Cléopâtre, c’est aussi une boutique sur Etsy en lien avec toutes mes recherches et les sujets évoqués sur mes blogs.

Alors, devinez ce que je vends dans ma boutique ?

 

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Nettoyant de Cléopâtre

 

  • Oui, je vends une version du Détergent de Cléopâtre, le parfum de la dernière reine d’Egypte d’après le Kosmètikon.
  • Non, on ne peut pas être sûr que c’était de façon certaine le parfum de Cléopâtre, et même, c’est certain que ce n’était pas exactement lui puisqu’on ne peut le reproduire fidèlement aujourd’hui. Mais plus de 6 ingrédients sur 10 utilisés dans la recette originale y sont présents dans des proportions et selon des modalités qui étaient exigées – du moins quand c’était possible. En bref, c’est un produit qui doit ressembler au niveau de sa texture et de son odeur au produit de beauté de Cléopâtre.

Mais on n’ouvre pas une boutique avec un seul produit…

Ce que je vous propose dans ma boutique, ce sont des senteurs de l’Antiquité, c’est-à-dire plusieurs authentiques parfums historiques dont aucun n’a été inventé. Chacun, en effet, est né soit d’une recette historique précise, soit d’une description ou d’un texte littéraire évoquant des parfums. Parfois, certains ingrédients n’existent plus, ne sont plus disponibles ou ne peuvent être utilisés en l’état. Dans ce cas, il a pu m’arriver de remplacer un ingrédient avec un autre qui lui était proche.

Que trouve-t-on concrètement dans ma boutique ?

  • Des mélanges d’encens correspondant à de vraies senteurs de l’Antiquité, comme l’encens d’Aphrodite.

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  • Des kyphis, autres mélanges d’encens d’origine égyptienne mais que tout le monde antique avait adopté et adapté.
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Kyphi sur la boutique du Labo de Cléopâtre
  • Des mélanges de plantes ou de résines plus ou moins en poudre qui servaient de parfums secs, qu’on appelait diapasmas et qui servent aujourd’hui à parfumer l’atmosphère d’un lieu, un petit espace, etc.

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  • Des pyramides auto-combustibles uniquement à base de plantes.
  • Des parfums huileux faits artisanalement et qui existaient dans plusieurs civilisations.
  • Un authentique khôl
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Parfum de Cléopâtre
  • Des brûle-encens artisanaux sans charbon pour ceux qui, comme moi, ne le supportent pas.
  • D’autres sortes de brûle-encens non artisanaux mais en lien avec l’univers du Labo.
  • Des bâtons d’encens artisanaux sans produits chimiques, sans ajouts d’huiles essentielles mais uniquement composées de plantes actives et à parfum connues et employées dans l’Antiquité.

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  • Des bains médicinaux et historiques, conçus par un médecin du 3 ème siècle.

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  • Attention : Chacun des parfums du Labo de Cléopâtre est un produit de senteur mais non un cosmétique. Ils ne sont pas destinés à entrer en contact avec la peau.
  • Les matières premières sont les résines odorantes, quelques écorces, feuilles, racines, épices qu’on employait dans les parfums antiques et qu’on utilise toujours dans les parfums orientaux. Par contre, inutile d’y chercher un produit chimique moderne, une plante découverte sur le sol américain ou utilisée seulement à partir du Moyen-Age, car vous n’en trouverez pas.
  • Mes produits ne contiennent pas non plus d’ajouts d’huiles essentielles ( sauf cas précisés pour les créations) pour renforcer l’odeur; le parfum est conforme à ce qui était possible et ce qui se faisait dans l’Antiquité. La tradition n’est d’ailleurs pas perdue puisque nous la connaissons depuis toujours à travers le simple sachet de lavande. L’Orient par contre, la connaît au travers des coussins remplis d’herbes et de fleurs séchées qu’on met un peu partout dans les chambres et les vêtements pour les parfumer.

Ce sont toutes ces traditions que je veux faire redécouvrir dans ma boutique en même temps que les senteurs qu’aimaient les Anciens. Ce sont des parfums à la fois simples et historiques que les gens goûtaient à travers les encens et donc la fumée – « per fume »- lors des rituels, fêtes ou commémorations, ou dans la vie quotidienne où les diapasmas étaient polyvalents et servaient autant de parfum que de cosmétique aux usages aussi complexes que ceux d’aujourd’hui.

Alors si les parfums et les cosmétiques antiques vous passionnent, venez visiter ma boutique où vous attendent ces parfums historiques dont la collection s’enrichira bientôt d’autres senteurs authentiques ressuscitées de l’Antiquité. Vous pourrez ainsi découvrir ce qu’on sentait et aimait sentir à l’époque où on vénérait Aphrodite et où la séduction de Cléopâtre faisait plus trembler que rêver les belles Romaines. Quoique…

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Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Tous les parfums de l’Arabie…

Depuis les années 70, l’Arabie évoque le pétrole, les états à la puissance économique fulgurante grâce à l’or noir. Mais traditionnellement, depuis l’Antiquité, l’Arabie est la zone géographique mythique des parfums. Et ce n’est pas sans raison puisque la plupart des plantes à parfum y poussaient ou bien y faisaient l’objet d’un commerce très prisé passant par son territoire, ce qui contribua à créer une des toutes premières routes commerciales de l’histoire : la route de l’encens.

De fait, dans le monde méditerranéen, la majorité des plantes à parfum étaient exotiques, rares et donc luxueuses. Il existait pourtant bien des aromates européens tels que l’iris, l’origan, le laurier ou même la rose; mais rien n’était apprécié comme les gommes-résines d’encens, de myrrhe, de baume, de labdanum et les racines et écorces exotiques comme le nard, la cardamome, etc.

Pour gonfler les prix, les marchands racontaient des histoires fabuleuses sur la provenance et la récolte de ces aromates d’exception. Ces fables ont été rapportées par les historiens de l’époque :

« Il est vrai que même les constituants du sol répandent des vapeurs naturelles semblables à d’agréables parfums qu’on brûle. Aussi en certains endroits de l’Arabie, quand on creuse le sol, trouve-t-on des veines odoriférantes dont l’exploitation donne naissance à des carrières de dimension colossale; on en extrait des matériaux pour construire des maisons… »

Diodore de Sicile, Bibliothèque historique. II, 49.

« Du côté du Midi, la dernière des terres habitées est l’Arabie; c’est le seul pays du monde qui produise l’encens, la myrrhe, la cannelle, le cinnamome et le labdanum. Tout cela, sauf la myrrhe, n’est pas conquis sans peine par les Arabes (…) car les arbres qui portent cet encens sont gardés par des serpents ailés, de petite taille, de couleurs diverses, qui se tiennent en grand nombre autour de chaque arbre, ceux-là même qui attaquent l’Egypte (..) »

Hérodote, Histoire III. 107

D’après Hérodote, le phénix lui-même, animal mythique qui renaît de ses cendres et qui est un symbole bien connu, doit lui-même sa force d’immortalité à sa consommation et sa vie d’une grande pureté puisque faites exclusivement de parfums.

Ces récits merveilleux, bien connus dans l’Europe cultivée d’autrefois, font dire à Lady Macbeth, pour exprimer l’immensité insurmontable de son crime dans la pièce de Shakespeare : « Reste toujours l’odeur de sang : tous les parfums de l’Arabie n’adouciraient pas cette petite main. »

Tout cela, ce ne sont que de vieilles légendes.

Et pourtant, lorsque vous suivez la route des parfums antiques, vous croisez toujours le chemin des pays arabes, des arbres à encens poussant au Yémen et surtout au Sultanat d’Oman, petit état qui possède les meilleures résines du monde.

A Muscat, la capitale, l’encensoir géant est le symbole de la ville comme du pays, reflétant la culture des habitants qui possèdent tous un encensoir servant à parfumer vêtements et pièces à vivre au point d’imprégner chacun d’entre eux et parfumer ainsi, sans qu’ils ne s’en rendent plus compte, tout l’espace où ils se déplacent. Une réalité qui rappelle les propos de Théophraste, dont les paroles ne paraissent plus aussi imagées qu’on aurait pu le croire :

« En Arabie cependant la brise qui souffle de la terre est, paraît-il, chargée de parfums. »

Théophraste, Recherches sur les plantes. IX, 7.

De fait, si l’Europe a perdu son goût pour les parfums en devenant chrétienne, l’Arabie, terre de parfums, n’a rien perdu de cette tradition en devenant musulmane puisque se parfumer fait partie des préceptes religieux, contribuant à en valider la pratique, la sacraliser et la faire perdurer.

Dans les pays arabes, en effet, la consommation de parfums est près de trois fois plus élevée que la nôtre, comme c’était le cas pour nous dans l’Antiquité, et touche de la même manière hommes et femmes. Les autres liens de la culture arabe avec le goût européen pour les parfums dans l’Antiquité sont nombreux :

  • Les matières premières, nobles, sont identiques : de l’oudh, de la rose, des gommes-résines odorantes qui font d’ailleurs toujours la base des parfums orientaux les plus estimés.
  • La base est composée d’huile et non d’alcool – l’alcool étant interdit en Islam.
  • Les manières variées de parfumer, qui vont de l’aspersion à la fumigation, pratique très courante pour parfumer via les bakhoor – encens parfumé très délicat.
  • Le lien entre le parfum et l’acte sacré, festif ou d’hospitalité.
  • Le goût pour les senteurs naturelles puissantes peu nombreuses mais de grande qualité.
  • Les mélanges : les Emiratis mélangent volontiers les parfums entre eux pour créer une senteur unique. C’était aussi le cas dans l’Antiquité où on obtenait des notes d’intensité variable en mélangeant les quelques parfums existants.
  • Le goût pour les parfums transcende les genres en dépassant les notions de parfums masculins ou féminins, faisant par exemple qu’hommes et femmes peuvent porter de la rose. Dans l’Antiquité aussi, les notions de parfums pour hommes ou pour femmes ne sont jamais évoquées.

Enfin, et c’est certainement une chose peu connue, mais de l’aveu même des créateurs, c’est l’influence des pays arabes et leur grande passion pour les parfums qui a permis à cette industrie de se renouveler de façon à la fois créative et qualitative.

Un peu plus sur le parfum dans la culture arabe : ici.

( Photo à la Une : encensoir géant de Muscat, capitale du Sultanat d’Oman. Posté par Lars Plougmann sur Flickr ici. )

Cet article est la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de le reproduire sans l’autorisation de son auteur.

Etuis à khôl de l’Antiquité

Au département Antiquités égyptiennes du musée du Louvre se trouvent de petites vitrines très intéressantes quand on s’intéresse aux cosmétiques antiques, ce sont celles consacrées à l’hygiène et à la beauté.

On y trouve divers objets servant à la mise en beauté comme des bijoux, miroirs, pinces à épiler, rasoirs, etc…Il y a aussi les cuillères à fard, diverses boîtes et vases, parfois encore scellés, mais dont l’utilisation n’est pas très claire.

Et puis, il y a les étuis à khôl en divers matériaux : os, ivoire, ébène, or, faïence, verre qui, comme les autres objets, ont parfois près de 4000 ans, offrant une diversité et une originalité de design à peu près identique à celles que nous déployons aujourd’hui pour les parfums.

Enfin, parfois, avec le glamour en moins. Car si les étuis à khôl en forme de palmier ou de colonne nous inspirent,

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les formes de monstres laids et ventrus nous font mesurer l’écart culturel qui existe entre nos pratiques de maquillage et celles des Egyptiens de l’Antiquité.

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On trouve également des boîtes ayant contenu plusieurs fards avec le nom de ceux-ci pour ne pas les confondre et le bâtonnet inséré pour les appliquer.

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Impressionnant, non ?

Oui, mais…

Quand on s’intéresse çà tout cela, on trouve qu’il manque plein de choses.

Le geste, l’usage ? Le musée ne peut les offrir et c’est normal.

En revanche, on ne voit pas à quoi ressemblent les pointes de ces bâtonnets, puisqu’elles sont insérées à leur place. Etait-ce un étui neuf ou a-t-il été utilisé ?

Une autre chose importante à laquelle nous ne pensons pas assez, c’est l’odeur. Un objet en bois, ça sent. Les matières organiques dont il est composé ou qu’il a côtoyées, le produit qu’il contient ou contenait, tout cela possède une odeur. Toutes ces senteurs nous donnent une foule d’informations en même temps que des sensations, des dimensions très importantes pour toutes celles qui aiment les cosmétiques et la beauté autant que pour les seuls historiens et conservateurs…Mais derrière une vitrine, cela ne sent rien pour le visiteur…

Enfin, dernier point et non des moindres : dans ces étuis à khôl, il reste du produit.

Un produit qui demeure caché, sur lequel – en tous cas la dernière fois que j’y suis allée – on ne propose aucune photographie, dont on ne connaît ni la couleur ni la texture, mais dont il y a plus de 5 ans, les chercheurs ont fait l’analyse chimique ici en employant tout un tas de machines compliquées.

Honnêtement, chers conservateurs, vous avez fait subir une impressionnante batterie d’analyses pour déterminer la composition exacte du khôl contenu dans ces boîtes conservées au musée – et à moins que ça n’ait déjà été fait entre temps – ce serait possible d’afficher juste une petite photo du contenu de ces boîtes pour les visiteurs ?

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Un cosmétique antique : l’huile de ricin (DIY)

Sur internet, les sites consacrés à l’huile de ricin pour les cheveux sont nombreux, preuve du succès de ce végétal pourtant toxique. Il concentre en effet le maximum de son poison dans ses graines, qui sont dangereuses aussi bien en ingestion qu’en inhalation, mais son huile, reconnue pour ses bienfaits pour la peau, se contente d’être laxative quand elle est ingérée.

Son utilisation la plus connue est sous forme de cure pour faire pousser les cheveux. Lors de cette cure, on enduit sur ses cheveux un mélange de 50% d’huile de ricin avec 50% d’une autre huile selon son type de cheveux (olive quand il est gras, noix de coco quand il est sec, par exemple). Car l’huile de ricin est si visqueuse que si on l’applique seule sur le cuir chevelu, on ne parvient pas à l’étaler et il est alors impossible de traiter la chevelure. Mélangée à une autre huile végétale, on peut profiter de ses bienfaits sur l’ensemble des cheveux.

Mais au fait, quels bienfaits possède cette huile de ricin ?

Sur les sites, on nous explique que l’huile de ricin a le pouvoir de faire pousser les cheveux, les cils, et d’hydrater la peau. Ce qu’on ne dit pas, c’est que ces vertus sont déjà mentionnées dans l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien. Dans son ouvrage, l’huile de ricin se nomme l’huile de cici :

« [L’huile de cici] améliore le teint de la peau et, par sa nature fertilisante, elle fait pousser les cheveux. »

Pline l’Ancien, Histoire naturelle. Livre XXIII. XLI.

Comme dans tout son ouvrage, Pline affirme, collectant le savoir collectif, mais n’explique pas, certainement parce que ses lecteurs risquaient déjà d’être au courant. Mais d’une manière générale, le style des Anciens est concis et les recettes sont bien imprécises, loin des longues explications d’aujourd’hui qui permettent un emploi correct des produits.

Quand vous découvrez cette information dans son livre, si vous devinez ce qu’il faut faire pour appliquer l’huile sur la peau, en revanche, pour les cheveux, pas de précision : ça fait pousser les cheveux, c’est tout ce qu’on saura.

Heureusement, d’autres ont conservé cette pratique antique de l’application de l’huile de ricin sur les cheveux pour les faire pousser et l’ont expliquée sur des sites et dans des livres, nous enseignant cette pratique plusieurs fois millénaires – comme le texte de Pline nous le prouve – et nous permettant de faire notre propre cure d’huile de ricin. Contre toute attente, c’est le livre de Pline qui m’a fait découvrir l’huile de ricin, et ce sont les blogs qui m’ont permis de tester l’efficacité et le plaisir qu’offre ce cosmétique millénaire.

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  • Ma cure d’huile de ricin

(Etant blonde, ayant les cheveux gras et étudiant les cosmétiques de l’Antiquité, j’ai choisi l’huile d’olive, mais rien n’empêche de préférer l’huile de coco quand on a les cheveux secs.)

  • Matériel
  • Huile de ricin
  • Huile d’olive
  • Bol
  • Cuillère à soupe
  • Peigne

Dans un bol, mélangez, selon la taille de vos cheveux, 1 à 2 cuillerées à soupe d’huile de ricin à 1 à 2 cuillerée à soupe d’huile d’olive ( vous devez obtenir un rapport de 50% de chaque huile). Appliquez aux doigts à partir du crâne et massez pour bien répartir sur l’ensemble des cheveux et bien irriguer les racines. Ceci fait, peignez vos cheveux et si vous les avez longs, ramenez-les en chignon pour ne pas tacher les vêtements.

Parallèlement, appliquez l’huile de ricin pure sur le visage et le cou et massez-les pour bénéficier de son pouvoir très hydratant. Contre toute attente, sa texture visqueuse en fait la plus confortable des huiles qui m’ait été donné d’utiliser. Enfin, enduisez-vous les mains et les ongles – desquels vous avez bien entendu retiré toute trace de vernis et massez-les pour les renforcer en vous apportant un maximum de confort.

Laissez poser de deux heures à une nuit selon votre confort puis faites un solide shampooing pour retirer l’huile. Sur la peau, votre activité quotidienne aura normalement suffi à retirer l’excédent d’huile, mais nettoyez-vous quand même.

Ce traitement se fait en cure tous les 6 à 7 jours au moins pendant 3 à 4 semaines, en faisant des pauses de plusieurs mois entre elles pour ne pas habituer le cuir chevelu à un excès d’hydratation qui ne serait plus efficace.

Si la première fois qu’on le fait, l’huile part bien au shampooing, les autres fois, elle est beaucoup plus résistante et il faut alors en faire plusieurs ou utiliser un détergent moins dilué – comme un shampooing solide – et faire un nettoyage plus poussé.

Après deux semaines de traitement, les cheveux sont effectivement magnifiques, la peau est nourrie, belle, et les ongles renforcés.

Voici d’authentiques secrets de beauté connus depuis un minimum de 2000 ans, qui se perpétuent et sur lesquels vous pouvez apprendre plus, par exemple ici.

Cet article est la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de le reproduire sans l’autorisation de son auteur.

Cosmétiques de Cléopâtre et tabous

Etudier les vrais cosmétiques de Cléopâtre est à la fois quelque chose de fascinant et de déconcertant. Fascinant parce qu’on ne peut être qu’impressionné par les millénaires qui nous séparent des quelques recettes conservées du Kosmètikon de Cléopâtre comme de celles laissées par d’autres, médecins ou botanistes antiques, et déconcertant parce que justement, après deux millénaires, le fossé culturel qui nous sépare est devenu si immense que ces recettes nous choquent.

A l’ère où pasteurisation, stérilisation, hygiénisme et orthorexie font loi, les droits des animaux émeuvent plus que le sort des hommes, au point que si le propriétaire d’un animal a laissé celui-ci dans des conditions de traitement déplorable à cause de sa santé mentale, physique ou économique défaillante, les médias vont préférer relever la peine de prison avec sursis que la détresse qui l’a conduit là et l’empathie que cela devrait aussi nous inspirer…

Dans un tel contexte, difficile d’être sensible aux vraies recettes de Cléopâtre qui, loin des roses, lait, jasmin, qui font rêver, emploient des fientes et des têtes de souris, des dents de cheval calcinées, de l’urine, de la poussière, les plus vulgaires plantes potagères et des racines dignes des pires potions de sorcière de notre imaginaire collectif.Ce tabou est le plus évident. Mais il en est d’autres plus subtils.

Ceux qui veulent étudier Cléopâtre « sérieusement » vont évidemment le faire d’un point de vue historique et politique. Or, ceux qui ont écrit sur elle étaient ces historiens et poètes romains qui ont subi ou construit  la politique de dénigrement des plus vulgaires destinée à la discréditer. L’histoire, la politique, du point de vue de la recherche, c’est « sérieux », et même s’il faut pour cela consulter des ouvrages d’auteurs qui n’ont pas eu de scrupules quant à la notion d’objectivité à la base des recherches actuelles.

Mais qu’en est-il des cosmétiques ? Les sujets « cosmétiques », « produits de beauté » sont en eux-mêmes toujours dénigrés en terme de culture. En gros, c’est « un truc de bonne femme ! ». Quelle personne « sérieuse » pourrait s’y intéresser à part pour faire de l’argent, créer une industrie – ce qui en effet fonctionne très bien – ? On pensait déjà comme ça à l’époque de Cléopâtre. Le seul intérêt que les chercheurs « sérieux » pourrait leur trouver relève de l’histoire de la chimie. Mais ce n’est pas tous les jours qu’on trouve des produits aussi performants et impressionnants que le khôl égyptien, car pour le reste, on se retrouve toujours face à des recettes atroces qu’on retrouve dans les grimoires anciens de magie et qui nous viennent en réalité de la médecine antique.

La dignité retrouvée des recettes de Cléopâtre pourrait se trouver ici : dans le domaine de la médecine auquel ces recettes appartenaient puisque c’est dans des ouvrages de médecins antiques qu’ont été conservées les seules recettes de Cléopâtre que nous possédons encore. Sauf que, la médecine galénique, de même que la plupart des livres de médecine de l’Antiquité ont été abandonnés il y a déjà quelques siècles malgré une période de redécouverte induite par les médecins arabes qui les avaient conservés et qui nous ont permis de les redécouvrir à la Renaissance. La majorité des oeuvres de Galien croupit désormais, méconnues, dans leur latin d’origine, constituant pourtant, à elles seules, le tiers de ce qui nous reste de la littérature antique. Les autres ouvrages médicaux traduits datent le plus souvent de la Renaissance, époque où les poisons de l’Antiquité passaient encore pour des remèdes et tuaient gentiment les riches coquettes de l’époque qui espéraient accroître leur beauté et les faveurs des rois.

On comprend alors que la médecine d’aujourd’hui n’ait pas envie de se pencher sur cet héritage encombrant et dangereux s’il était laissé à la portée de tous, et qu’elle préfère laisser Galien, ses prédécesseurs comme Hippocrate, et ses successeurs – ou presque !- comme Oribase, tomber dans l’oubli en même temps que le latin et le grec. Car si la discipline est redevable à ces médecins historiques de l’invention de ses principes éthiques et déontologiques, elle en est beaucoup moins l’héritière des théories et des techniques que de celles des médecins et chimistes des deux derniers siècles. Par ailleurs, ayant globalement délaissé, parfois dans un grand mépris, les plantes pour la chimie, on les voit mal s’intéresser à des recettes de beauté à base de racine de berce, de bettes, de chou ou de jus de mûres; sans compter les plantes toxiques utilisées dans les recettes qui ne vont pas favoriser la confiance…

Bref, des millénaires plus tard, Cléopâtre, la femme et non moins reine, a encore et toujours le même défaut pour nos contemporains : celui d’avoir été une femme qui n’a pas voulu faire oublier son sexe pour être crédible en politique et qui s’est donc intéressée à la beauté, un des seuls domaines qu’il a toujours été permis aux femmes d’investir, même s’il était déjà décrié.

Malheureusement pour certains, la reine d’Egypte était une femme; et négliger cet aspect, c’est encore négliger une donnée essentielle de sa personnalité, de son histoire et de sa culture. Malgré cela, les femmes fières d’être des femmes cherchant les recettes de beauté de Cléopâtre mais ne voulant que les jolies fleurs et du lait repoussent tout autant la reine d’Egypte telle qu’elle était que les historiens qui ne s’intéressent qu’à la femme politique. Cléopâtre, comme tous les autres individus, ne se compartimente pas, et ne se découpe pas selon notre ligne idéologique et l’image qu’on voudrait avoir d’elle…

Cet article et cette photo sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Shopping : encens de l’Antiquité

Pour découvrir les parfums originels, il est important de noter que si la contrefaçon existait déjà dans l’Antiquité, on s’accordait aussi à penser, hier comme aujourd’hui, que le vrai produit – qui était souvent cher – était le seul à pouvoir offrir une véritable expérience.

Parmi toutes les offres du marché, voici les meilleures trouvailles et les sites en ligne les plus précieux pour :

  • Les résines

Arbor’essences propose de revivre une expérience millénaire en proposant de résines pures dont une gamme étendue d’olibans de plusieurs pays ainsi que le célèbre oliban d’Oman. Acheter plusieurs olibans vous permet de faire une expérience olfactive unique et d’expérimenter la diversité des parfums issus des arbres de la même espèce, voire du même arbre, puisque les deux récoltes de l’année ne donnent pas du tout la même qualité de parfum.

Vous pouvez en outre trouver la myrrhe, le mastic, le storax, le labdanum et l’opoponax, un kiphy ( mélange d’encens sacré de l’Egypte antique ) et d’autres résines qu’on n’employait pas dans l’Antiquité mais qui pourraient aussi vous intéresser.

Le gros plus : le Coffret Olibanum vous permet de découvrir 3 olibans d’exception, dont, le meilleur au monde, celui d’Oman.

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  • Les épices

L’île aux épices est un site de spécialistes proposant des épices du monde entier, et, avantage non négligeable, des fiches techniques très précises et documentées pour commencer à en user correctement. L’histoire de chaque épices, leur date de péremption, ce qu’il faut faire ou non pour en révéler les saveurs vous permet, en cuisine comme en cosmétiques antiques, de faire enfin une expérience authentique et appropriée de ces merveilleux exhausteurs. En terme d’encens antiques, vous trouverez :

  • la cannelle de Ceylan, la vraie, que vous n’avez peut-être jamais connue comme ils vous la proposent : piquante, parfumée et sucrée à la fois. En encens, elle s’utilise en bâtons qu’on peut casser plutôt qu’en poudre qui se consume trop vite.
  • le safran, épice d’autant plus inconnue que chère, elle peut être frelatée quand elle est en poudre ou quand elle affiche un prix bas. La fiche produit vous permet d’en apprendre plus et donc de faire de bons choix.
  • la cardamome noire, qu’on appelait l’amome dans l’Antiquité et qui servait dans les parfums plus que dans la cuisine. Celles que j’ai reçues sont les plus grosses que j’aie jamais vues, comme l’illustre la photo ci-dessous ( à gauche, cardamome noire achetée dans une épicerie indienne, à droite, celle de l’Ile aux épices !). En encens, il faut retirer l’écorce, libérer les grains et les déposer sur le charbon pour en découvrir le parfum.cardamomes-noires

Le gros plus : les fiches techniques avec l’histoire des épices, des mélanges authentiques d’épices rares qu’on ne trouve que dans certaines gastronomies spécifiques et qui méritent d’être connus, et les épices aphrodisiaques.

  • Encens et aromate

Herborathèque est le site d’un spécialiste des plantes diplômé dans plusieurs disciplines croisées qui propose des plantes du monde entier pour divers problèmes de santé, des expériences olfactives, pour se détendre ou améliorer sa libido.

Parmi leurs propositions d’encens naturels, on note quelques parfums antiques : le bois de oudh, le nard jatamansi, l’oliban, un kiphy, la myrrhe, le storax et le labdanum.

Le gros plus : l’authenticité des produits du monde et la vraie connaissance scientifique et écologique des plantes issue des sociétés où elles sont encore utilisées pour se soigner, rêver, communier avec les dieux, c’est-à-dire des usages courants dans l’Antiquité.

  • Retrouvez également les authentiques encens et d’autres parfums poudreux de l’Antiquité que j’ai recréés et que je vends sur la boutique du Labo de Cléopâtre.

Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Découvrir les encens de l’Antiquité

Les premiers parfums de l’histoire sont ceux qu’on a fait brûler, ce que révèle l’étymologie du mot parfum – « par la fumée ». C’était une pratique qui avait lieu un peu partout puisqu’on la retrouve dans les recettes religieuses de l’Egypte antique, dans les textes canoniques de l’Ancien Testament, dans les conquêtes d’Alexandre le Grand, et dans les différents textes de l’Antiquité européenne, qu’ils soient historiques, poétiques, naturalistes ou botaniques.

Dans l’Antiquité, les parfums avaient un statut à part qu’ils ont perdu à la chute de l’Empire romain, à la montée du christianisme et qu’ils ont commencé un peu à retrouver à la suite des Croisades, quand les Européens découvrirent les raffinements de l’Orient, qui avaient été les leurs autrefois.

Aujourd’hui, les encens sont toujours employés dans les églises, les temples et appréciés par ceux qui pratiquent la magie ou une spiritualité. Mais ils ont beaucoup moins la fonction de parfum, celle-ci étant assumée par les différents « jus » à base d’huiles essentielles, molécules chimiques et alcool qu’on ne connaissait pas dans l’Antiquité.

Pourtant, ce qu’on utilisait autrefois comme encens constitue toujours le sommet de la parfumerie d’aujourd’hui, c’est-à-dire la base des parfums orientaux les meilleurs et les plus chers, qu’on trouve toujours dans les grandes maisons comme Amouage, Serge Lutens, ou même les parfums du début du XX ème siècle des grandes maisons et même leurs nouvelles collections Prestige qui tentent de retrouver cette authenticité et cette qualité des premiers parfums.

Pour découvrir les encens de l’Antiquité, impossible d’utiliser comme aujourd’hui les bâtonnets ou les mélanges tout faits car les encens antiques étaient principalement :

  • Des résines

Les exsudations des arbres ou autres plantes sont un véritable réservoir de senteurs toujours plus étonnantes, subtiles et parfois même désagréables dont il faut refaire la conquête pour savoir ce qu’était un parfum antique.

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  • L’oliban

C’est la résine du boswellia, un arbre à encens dont plusieurs espèces peuvent donner des parfums. Le plus estimé et le plus cher, aujourd’hui comme hier, c’est celui du Sultanat d’Oman ( photo à la Une). Mais d’autres étaient aussi employés dans l’Antiquité, par exemple celui d’Ethiopie, offrande probable de la reine de Saba au roi Salomon et qu’on trouve toujours actuellement.

  • La myrrhe ( photo ci-dessus)

Aussi précieuse et chère que l’encens, on en connaissait autrefois plusieurs sortes. C’est toujours le cas actuellement, plusieurs commiphora donnant effectivement des résines odorantes. Néanmoins, il est difficile de savoir si celles employées aujourd’hui correspondent à celles qu’on utilisait autrefois. Seule la résine du commiphora myrrha est la myrrhe originelle et la plus précieuse de cette espèce.

  • Le labdanum

Résine du ciste, arbrisseau méditerranéen donnant des fleurs, les Anciens la croyaient produite par la crasse de leurs moutons dont la laine était pleine quand ils revenaient des pâturages. Les Crétoises le brûlaient pour parfumer leurs corps, cheveux et vêtements. Rare, il est très cher.

  • Le storax, l’opoponax, le mastic du lentisque et le galbanum figurent parmi les autres résines utilisées dans l’Antiquité mais plus dans des parfums huileux. Certains figuraient néanmoins dans la recette du kiphy, de l’encens du Deutéronome ou d’autres mélanges à brûler. img_6825

 

  • Des épices

Elles étaient effectivement beaucoup plus employées en parfumerie qu’en cuisine et certaines étaient utilisées comme parfums à brûler.

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  • La cannelle

La vraie cannelle venait d’Inde, mais les commerçants arabes faisaient croire qu’elle poussait chez eux. On connaissait déjà la vraie cannelle – d’Inde et du Sri Lanka – et la fausse, appelée casse, venue de Chine. Les deux étaient brûlées et c’est une bonne idée que d’essayer les deux.

  • La cardamome noire

Si aujourd’hui on préfère la verte qui est la seule qu’on consomme en Occident, c’était autrefois la noire, plus âcre et fumée, qui était appréciée et qu’on employait dans les parfums.

  • Le safran (photo ci-dessus)

On dit qu’Alexandre le Grand sentait le safran. Toujours aussi cher qu’autrefois, il était surtout utilisé comme parfum à brûler, même s’il était aussi utilisé dans les parfums huileux. Mais il était plus particulièrement estimé à Rome où son emploi atteignit des sommets dans le luxe et l’absurdité, et son excès fut critiqué chez les poètes et écrivains de l’époque.

  • Pour l’expérience olfactive de votre choix :

 

  • Matériel
  • Charbon
  • Pince à charbon
  • Plat ignifugé
  • Flamme
  • Résines et épices de votre choix

 

  • Utilisation

Après avoir complètement enflammé le charbon avec la pince, déposez-le dans le plat ignifugé. Déposez-y la résine ou l’épice de votre choix et laissez-la libérer ses huiles essentielles au contact de la chaleur. Mettez-vous au -dessus de la fumée et faites l’expérience des parfums originels, de ces toutes premières senteurs appréciées de notre histoire.

Quand le produit est presque complètement carbonisé et ne produit plus de fumée odorante sur le charbon, dégagez-le avec la pince et testez une autre senteur ou continuez avec la même selon votre désir.

Cet article, cette recette et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

 

Le khôl de Cléopâtre

Parmi les nombreuses choses – le plus souvent farfelues- qu’on peut lire sur les soins de beauté de Cléopâtre, il y en a une seule qui soit admissible : Cléopâtre portait du khôl.

Les raisons sont en effet nombreuses pour lesquelles la célèbre reine d’Egypte portait certainement ce fard : 

  • En Egypte, hommes, femmes et enfants le portaient déjà depuis des millénaires – on en a trouvé la trace avant la construction des pyramides, précise Philippe Walter, directeur du laboratoire d’archéologie moléculaire et structurale.
  • Un pays de sable comme l’Egypte nécessitait que sa population en porte pour soigner et protéger ses yeux, sans cesse agressés par de nombreuses maladies. Les chercheurs vont jusqu’à émettre l’hypothèse que la civilisation égyptienne doit peut-être son développement à cette invention qui lui servit de médicament, enlevant les obstacles entre les idées et leur réalisation, qui nécessitait une bonne vision.
  • Les différentes représentations des pharaons les montrent avec les yeux cerclés de noir, ce qui, dans un pays qui l’a inventé, représente beaucoup plus qu’une simple convention picturale.
  • Un des titres de Cléopâtre VII est Philopatris « qui aime sa patrie ». Il paraît difficile de prétendre aimer sa patrie sans porter soi-même une de ses plus brillantes inventions. Certes, ce qu’on appelle le nationalisme n’est pas apparu avant le XIX ème siècle, mais certaines formes voisines existaient déjà. Et, dans l’Egypte de Cléopâtre, où les pharaons à la tête du pays n’étaient plus Egyptiens mais Grecs depuis plusieurs siècles, le sujet était sensible. Plutarque décrit d’ailleurs la dernière reine d’Egypte comme parlant égyptien – contrairement à ses prédécesseurs – et se souciant du pays.

Pourquoi ne peut-on pourtant être assuré de savoir si elle portait du khôl ?

  • Ce qu’il reste du Kosmètikon – le livre de recettes de cosmétiques de Cléopâtre – n’en parle pas. Même si on le retrouvait entièrement, il y a des chances pour qu’aucune recette n’en ait été donnée car le khôl était assez courant, ancien, et presque institutionnel pour qu’on en trouve facilement et fait par des spécialistes depuis des millénaires sans avoir besoin de le préparer soi-même.
  • Les images de Cléopâtre sont rares, incertaines et peu représentatives. Reine appartenant à la fois aux mondes grec et égyptien, les images de Cléopâtre correspondent soit au monde égyptien et elles sont alors trop stéréotypées pour représenter autre chose qu’une pharaonne ou une déesse selon des conventions millénaires, soit grec et figurent surtout sur les monnaies qui ne prennent en compte que les reliefs et non les couleurs. Les rares statues grecques qui existent sont hypothétiques; et même s’il s’agissait de Cléopâtre, aucune statue de l’Antiquité n’a conservé ses couleurs d’origine.

Quel khôl devait porter Cléopâtre ?

  • Elle portait très certainement cet incroyable khôl égyptien que les chercheurs ont retrouvé dans les boîtes à khôl du Louvre et qu’ils ont décrit comme fabriqué à base de laurionite synthétisée dans un long processus décrit par Dioscoride, médecin du I er siècle – et plus rapidement par Pline, qui n’était pas médecin – soit un siècle après la mort de Cléopâtre. Le procédé durait un mois ou plus et, s’il pouvait varier dans sa manière, consistait toujours en purification lente et méthodique dans plusieurs eaux jusqu’à ce que le mélange de litharge et de sel de roche ait cessé d’être nocif.
  • On a parfois parlé de couleur verte ou bleue parmi les couleurs de khôl de Cléopâtre. Le vert a effectivement existé. Fait à partir de malachite, il constitue même certainement le premier khôl créé par les Egyptiens, et les papyrus médicaux comme le Ebers en font effectivement mention. Mais c’était un procédé très ancien, déjà démodé depuis longtemps du temps de Cléopâtre et dont les représentations picturales elles-mêmes conservent à peine la trace. Par ailleurs, aucun texte plus ou moins contemporain de la célèbre reine d’Egypte n’en mentionne ni la technique ni l’usage, ce qui suggère que ce n’était certainement plus employé. Quant au bleu, il est facile de l’associer à tout ce qui est égyptien puisque c’est aussi une couleur que seul ce peuple avait synthétisée et abondamment utilisée dans l’art avant qu’elle tombe dans l’oubli. Une salle du Louvre est même consacrée au bleu d’Egypte, mais rien n’indique que cela ait été employé en maquillage, en tous cas dans les textes des médecins, botanistes et historiens de l’époque. Et quand on retrouve quelques exemples en art, cela semble plutôt être une fantaisie, une originalité plus technique qu’un reflet de la réalité – les Egyptiens semblant d’ailleurs s’être beaucoup plus préoccupé d’art que de réalisme.

 

Cet article est la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de le reproduire sans l’autorisation de son auteur.