Le jardin romain de Nîmes

Au musée de la Romanité de Nîmes a été aménagé un jardin où ont été concentrées les espèces employées dans l’Antiquité. Une occasion pour moi de rencontrer ma palette de végétaux vivante, dans le plein épanouissement de ses parfums et de ses couleurs…

Étant allée à Nîmes pour découvrir son patrimoine antique que je savais considérable et unique en France, je dois dire que je n’ai pas été déçue. De la Maison Carrée aux Arènes – très bien conservées -, en passant par la Tour Magne, c’est un belle concentration de vestiges uniques, que j’ai ainsi pu découvrir.

Mais ce qui m’a donné le plus de plaisir, je dois bien l’avouer, c’est que le Musée de la Romanité avait aménagé un jardin organisé de façon thématique et chronologique autour des espèces utilisées dans l’Antiquité par les Gallo-romains.

Que vous ayez acheté certains produits de la boutique ou que vous ayez tenté une recette de mon livre Fabriquez vos soins naturels de l’Antiquité, vous avez peut-être remarqué que je travaille avec une palette de végétaux à la fois restreinte – par rapport à celle d’aujourd’hui – et plus ouverte.

Restreinte parce que dans l’Antiquité, on ne connaissait pas la réelle vastitude du monde, et même si on pouvait l’envisager, on n’allait malgré tout pas très loin.

Aujourd’hui, à l’inverse, dans un monde devenu exploré et bien connu, où le commerce mondial s’est globalisé, les espèces utiles sont non seulement bien connues, mais font aussi l’objet de transactions acharnées à des échelles industrielles.

Une situation de fausse abondance dans laquelle la quantité prodigieuse d’échanges restreint le choix autant que la connaissance. Car au final, seules quelques espèces « star » sont connues et sur-exploitées, d’autres, plus ordinaires ou mésestimées vont se retrouver négligées ou ignorées par manque de prestige ou de visibilité, et surtout parce qu’elles n’ont pas su faire rêver.

Parcourez avec moi ce jardin thématique bien pensé, qui a l’avantage d’être le pendant chronologique et rare des jardins de simples de certaines églises de France – devenus courants dans les communes, mais qui, bien bien que pédagogiques et passionnants, sont toujours plus inspirés par le capitulaire de Villis et Hildegarde de Bingen que par Diocoride, Pline ou Varron.

Dans l’Antiquité, comme dans beaucoup de sociétés traditionnelles, les plantes locales et leurs usages étaient étroitement mêlés à la mythologie et au sacré.

L’achillée millefeuille porte le nom du héros Achille pour avoir soigné son talon blessé. Un don de la compassion d’Aphrodite.

Le figuier, dont les racines arrêtèrent la barque qui entraînait Romulus et Rémus nouveaux-nés à une mort certaine.

L’olivier d’Athéna dont elle fit cadeau aux Athéniens et qui lui valut d’être patronne de la ville grecque.

La vigne, née des larmes de Dionysos et du sang d’Ampélos. son amant mortel tué par un taureau.

Le pin, né du sang d’Atys, que la déesse Cybèle avait rendu fou en voyant qu’il lui préférait une autre.

Le laurier, issu de la nymphe Daphné, changée en arbre par échapper à Apollon.

Le myrte, qui avait caché la nudité d’Aphrodite lors de sa naissance et qui devint une de ses plantes consacrées, symbole de l’amour durable.

Le romarin, l’encens des pauvres, mais d’abord des premiers Romains et qu’on consacrait préférablement aux lares, génies très nombreux de religion romaine.

Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur

Flacons du musée archéologique d’Athènes

Au musée archéologique d’Athènes, il n’est pas difficile de trouver des flacons de parfum de l’Antiquité, et ce pour plusieurs raisons, à  la fois pratiques et culturelles. La première, c’est que c’est un petit objet qu’on pouvait facilement glisser dans une tombe, et c’est d’ailleurs de cette manière là qu’on les a retrouvés. La seconde, c’est que c’est un objet qui contenait un liquide qui avait paru précieux à celui qui l’emportait dans la tombe et qui lui semblait mériter de l’accompagner, le dernier, c’est que le parfum était aussi utilisé dans le rituel à prodiguer au mort, ce qui va justifier sa sur-présence.

En effet, parmi les différentes raisons du commerce du parfum sur l’Agora, séduire, prendre soin de son corps et rendre les derniers hommages à un défunt se côtoient sur un pied d’égalité d’usage, le parfum accompagnant les Athéniens dans toutes les étapes profanes ou sacrées de leur vie. Une particularité qui s’arrêtera après  l’Antiquité pour ne renaître que très tardivement, à l’époque moderne – le parfum ayant perdu, avec le Christianisme, la valeur positive qu’on lui attribuait.

Au niveau de la taille, les flacons de type petit abalastre ou d’autres types sont très nombreux. Cela s’explique notamment par la technique de fabrication qui demande beaucoup de matière première pour donner quelque chose de très parfumé et donc une réduction pour parvenir à un produit vraiment odorant. C’est aussi mon expérience en atelier où je reproduis ces parfums selon les mêmes techniques.

Ils ont des couleurs, des formes, des motifs, des matériaux d’une grande variété, témoignant de techniques et de cultures différentes de la nôtre, même s’il reste possible de formuler quelques hypothèses par rapport à ce qui est connu de l’histoire des parfums et de leur usage.

Ainsi, on imagine volontiers les formes de pied, d’hommes barbus, d’africains et autres personnages masculins comme étant des flacons ayant appartenu à des hommes, ceux représentant des motifs plus délicats ou ornés de scènes de coquetterie assumées par des femmes comme ayant appartenu naturellement à des femmes ou des jeunes filles. Ceux présentant des scènes cultuelles peuvent avoir été spécialement consacrés à la toilette des morts comme l’Iliade nous raconte qu’Aphrodite oignait le corps de Patrocle d’une huile de rose pour le protéger de la dégradation que lui infligeait Hector en le traînant chaque jour derrière son char.

Après, le reste paraît bien mystérieux, tant un symbole, déconnecté de son contexte, perd de sa signification. Pourquoi ces Africains ? Ces hommes barbus ? Qui sont ces figures cornues et ces personnages assis ou debout qui peuvent très bien être mythologiques ?

Reste le miracle qui a voulu qu’un objet de plus de 2000 ans rencontre nos yeux et nous raconte une petite histoire qui demeure mystérieuse sur les parfums, mais qui en révèle quand même plus que si nous n’avions rien. Petit miracle à quoi s’ajoute la finesse et la valeur du travail qui a perduré jusqu’à nous émerveiller aujourd’hui.

Les parfums huileux et antique du Labo de Cléopâtre

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Masque anti-rides à la figue (DIY)

« Les figues mûres réduisent les rides » Pline l’Ancien. Histoire naturelle. XXIII. LXIII.118

La figue est le premier fruit cultivé de l’histoire, mais sa particularité est de n’être pas vraiment un fruit, mais une fleur dont les fruits, intérieurs, sont les petits grains. S’il en existe des centaines de variétés, seuls ces deux, les vertes et les violettes, sont vendues dans le commerce.

Il y a plein de raisons qui peuvent justifier de l’emploi de la figue comme anti-rides, et l’une d’entre elles semble relative à leur croyance en sa maturité. En effet, la figue, tapissée de fleurs mâles et femelles qui n’arrivent pas à maturité en même temps, a besoin d’un insecte sans lequel elle serait stérile. Mais les Anciens n’avaient pas exactement vu les choses ainsi.

Pour eux, le figuier domestique avait besoin d’un figuier sauvage, « qui ne mûrit jamais », mais se décompose et pourrit, libérant ainsi des moucherons qui, colonisant les figues cultivées, les faisaient mûrir. Est-ce par une sorte de transfert de pouvoir symbolique d’un fruit qu’ils croient incapable de mûrir que les Anciens estimaient que la figue réduisait les rides ? Difficile à dire, car ce fruit plein de potassium, vitamines du groupe B, est également riche de plusieurs anti-oxydants, autrement dit, des protecteurs contre le vieillissement.

Son emploi comme anti-rides dans l’Antiquité n’est pas mentionné que chez Pline : on la retrouve chez Rufus d’Ephèse, reprise par Oribase, médecin de l’empereur Julien, dans sa compilation médicale.

  • Matériel
  • Figue
  • Bol

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  • Marche à suivre

Après avoir nettoyé votre peau, profitez de votre dégustation d’une figue pour réserver une partie de sa pulpe à votre peau. En effet, vous n’avez pas besoin d’une figue entière pour recouvrir votre visage, même après plusieurs couches. Ecrasez malgré tout dans le bol la partie que vous souhaitez utiliser pour que l’application soit plus facile.

  • Application

Appliquez sur votre peau propre en plusieurs couches successives pour être sûr de bien recouvrir la peau du visage et du cou. Laissez poser et agir 10 à 20 minutes, puis rincez à l’eau froide pour prolonger les effets tenseurs du masque à la figue.

  • Remarque

Par sa légèreté et sa fraîcheur, la pulpe de figue évoque le gel d’aloe vera, très utilisé en cosmétique naturelle pour ses qualités hydratantes, rafraîchissantes et par sa capacité à tendre légèrement la peau. En effet, les Anciens ne se sont pas trompés : excellent produit tenseur, la différence est visible tout de suite après l’application.

En revanche, les figues proposées sur le marché étant peu nombreuses, ce n’est pas un traitement qu’on peut s’offrir toute l’année, la pleine saison des figues s’étendent de juillet.

Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Senteurs et reconstitutions historiques

Le Labo de Cléopâtre, c’est un blog sur lequel j’écris des articles de recherche, de découverte sur les cosmétiques de l’Antiquité. Parfois, c’est un savoir théorique, parce qu’honnêtement, je ne peux pas faire une pâte de mouches calcinées ou de tête de souris mortes. La plupart du temps, cependant, c’est un savoir pratique : à partir de recherches de textes d’auteurs anciens, je teste des recettes concrètes de produits de beauté de l’Antiquité.

De cette expérience est né mon atelier où je reproduis des senteurs de l’Antiquité sur la base, là aussi, d’auteurs anciens où d’historiens modernes spécialistes du sujet. Quand la senteur me séduit, surtout du point de vue de sa cohérence, je la propose dans ma boutique Etsy du Labo de Cléopâtre.

Comment je choisis une senteur ?

Nous possédons tous une bibliothèque d’odeurs que nous apprécions ou n’apprécions pas. Dans une senteur historique, vous avez avant tout des senteurs qui n’appartiennent plus à notre culture : les rencontrer est donc toujours un réveil sensuel un appel à dépasser nos conditionnements pour parvenir à l’aventure. Certaines matières premières de l’Antiquité demandent réellement du temps et de l’apprivoisement.

Pour seul exemple, je pourrais évoquer le nard. Cette racine de l’Himalaya découverte à l’occasion des conquêtes d’Alexandre le Grand est vite venue enrichir la parfumerie de l’Antiquité pour devenir une des senteurs préférées de son époque. Or, le vrai nard a une odeur puissante que notre odorat juge d’abord de façon défavorable : elle est puissante et évoque quelque chose entre la terre ferreuse et le pied malpropre. Aujourd’hui encore, les gens qui sentent le nard en sont dégoûtés. Je sais que j’ai atteint mon objectif quand j’ai commencé à considérer que le nard sentait bon, très bon. Je sais alors qu’une partie de moi a fait un bond dans le temps.

Quand on assiste à une reconstitution historique lors d’un spectacle médiéval ou d’une autre époque, on se laisse principalement envahir par l’atmosphère de l’action et l’aspect étrange des costumes. Mais ça ne peut pas aller beaucoup plus loin : la langue n’est déjà plus la même depuis longtemps, la façon de concevoir le temps et donc de se mouvoir dans l’espace non plus, la force physique associée à une vie de labeur, sans voiture, transports en commun et des machines ne peut être rendue, de même que la laideur et la mortalité touchant des gens qui ne possédaient pas véritablement de médecine qui soigne efficacement.

Dans une senteur historique, il y a une immense partie du savoir et des capacités d’une époque qui se révèle avec un minimum de trahison quand les matières premières sont trouvables. Un autre très grand avantage est que cette connaissance passe directement par les sens. Sens oublié et dénigré depuis le christianisme, l’odorat est pourtant le sens le plus relié à nos émotions et à notre mémoire, à un point qui pourrait presque passer pour surnaturel. Il est d’ailleurs presque surprenant qu’on ait eu besoin d’auteurs du XIX ème siècle comme Marcel Proust avec sa fameuse madeleine servant de métaphore parfaite pour traduire un sentiment universel : le jaillissement soudain de souvenirs enfouis à la faveur d’une odeur à laquelle le cerveau les avait inconsciemment associés.

Dans le monde arabe, dans les sociétés traditionnelles, on n’a pas perdu le lien avec les odeurs. Dans le monde occidental antique, les senteurs étaient aussi importantes, comme en témoignent les épopées et nombreuses poésies évoquant les parfums, qui étaient souvent des fumigations, quand elles étaient collectives. Or, l’encens, les fumigations sont toujours le moyen privilégié pour créer une synergie et atteindre un état modifié de conscience. Dans ces senteurs, il y a la mémoire des arbres, des plantes et de la terre, des Hommes et de leurs premiers liens avec leur environnement et ce qu’ils en ont fait pour être heureux, communiquer avec les dieux, avec leurs morts, et se soigner.

Une telle richesse d’émotions et d’évocations possible, ce serait vraiment dommage de faire l’impasse dessus.

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( Photo à la Une : Ramses III faisant une offrande d’encens à Osiris. Site d’Aimé Jean-Claude. Photo de fin d’article : encensoir égyptien représenté sur la peinture auquel manque le réservoir à grains d’encens. Photo personnelle. Musée du Louvre.)

Quelques senteurs que je propose :

– Kyphis

– Encens

– Diapasmas

– Aphrodisiaques anciens

Cet article et la photo de fin d’article sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.