Un cosmétique antique : l’huile de ricin (DIY)

Sur internet, les sites consacrés à l’huile de ricin pour les cheveux sont nombreux, preuve du succès de ce végétal pourtant toxique. Il concentre en effet le maximum de son poison dans ses graines, qui sont dangereuses aussi bien en ingestion qu’en inhalation, mais son huile, reconnue pour ses bienfaits pour la peau, se contente d’être laxative quand elle est ingérée.

Son utilisation la plus connue est sous forme de cure pour faire pousser les cheveux. Lors de cette cure, on enduit sur ses cheveux un mélange de 50% d’huile de ricin avec 50% d’une autre huile selon son type de cheveux (olive quand il est gras, noix de coco quand il est sec, par exemple). Car l’huile de ricin est si visqueuse que si on l’applique seule sur le cuir chevelu, on ne parvient pas à l’étaler et il est alors impossible de traiter la chevelure. Mélangée à une autre huile végétale, on peut profiter de ses bienfaits sur l’ensemble des cheveux.

Mais au fait, quels bienfaits possède cette huile de ricin ?

Sur les sites, on nous explique que l’huile de ricin a le pouvoir de faire pousser les cheveux, les cils, et d’hydrater la peau. Ce qu’on ne dit pas, c’est que ces vertus sont déjà mentionnées dans l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien. Dans son ouvrage, l’huile de ricin se nomme l’huile de cici :

« [L’huile de cici] améliore le teint de la peau et, par sa nature fertilisante, elle fait pousser les cheveux. »

Pline l’Ancien, Histoire naturelle. Livre XXIII. XLI.

Comme dans tout son ouvrage, Pline affirme, collectant le savoir collectif, mais n’explique pas, certainement parce que ses lecteurs risquaient déjà d’être au courant. Mais d’une manière générale, le style des Anciens est concis et les recettes sont bien imprécises, loin des longues explications d’aujourd’hui qui permettent un emploi correct des produits.

Quand vous découvrez cette information dans son livre, si vous devinez ce qu’il faut faire pour appliquer l’huile sur la peau, en revanche, pour les cheveux, pas de précision : ça fait pousser les cheveux, c’est tout ce qu’on saura.

Heureusement, d’autres ont conservé cette pratique antique de l’application de l’huile de ricin sur les cheveux pour les faire pousser et l’ont expliquée sur des sites et dans des livres, nous enseignant cette pratique plusieurs fois millénaires – comme le texte de Pline nous le prouve – et nous permettant de faire notre propre cure d’huile de ricin. Contre toute attente, c’est le livre de Pline qui m’a fait découvrir l’huile de ricin, et ce sont les blogs qui m’ont permis de tester l’efficacité et le plaisir qu’offre ce cosmétique millénaire.

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  • Ma cure d’huile de ricin

(Etant blonde, ayant les cheveux gras et étudiant les cosmétiques de l’Antiquité, j’ai choisi l’huile d’olive, mais rien n’empêche de préférer l’huile de coco quand on a les cheveux secs.)

  • Matériel
  • Huile de ricin
  • Huile d’olive
  • Bol
  • Cuillère à soupe
  • Peigne

Dans un bol, mélangez, selon la taille de vos cheveux, 1 à 2 cuillerées à soupe d’huile de ricin à 1 à 2 cuillerée à soupe d’huile d’olive ( vous devez obtenir un rapport de 50% de chaque huile). Appliquez aux doigts à partir du crâne et massez pour bien répartir sur l’ensemble des cheveux et bien irriguer les racines. Ceci fait, peignez vos cheveux et si vous les avez longs, ramenez-les en chignon pour ne pas tacher les vêtements.

Parallèlement, appliquez l’huile de ricin pure sur le visage et le cou et massez-les pour bénéficier de son pouvoir très hydratant. Contre toute attente, sa texture visqueuse en fait la plus confortable des huiles qui m’ait été donné d’utiliser. Enfin, enduisez-vous les mains et les ongles – desquels vous avez bien entendu retiré toute trace de vernis et massez-les pour les renforcer en vous apportant un maximum de confort.

Laissez poser de deux heures à une nuit selon votre confort puis faites un solide shampooing pour retirer l’huile. Sur la peau, votre activité quotidienne aura normalement suffi à retirer l’excédent d’huile, mais nettoyez-vous quand même.

Ce traitement se fait en cure tous les 6 à 7 jours au moins pendant 3 à 4 semaines, en faisant des pauses de plusieurs mois entre elles pour ne pas habituer le cuir chevelu à un excès d’hydratation qui ne serait plus efficace.

Si la première fois qu’on le fait, l’huile part bien au shampooing, les autres fois, elle est beaucoup plus résistante et il faut alors en faire plusieurs ou utiliser un détergent moins dilué – comme un shampooing solide – et faire un nettoyage plus poussé.

Après deux semaines de traitement, les cheveux sont effectivement magnifiques, la peau est nourrie, belle, et les ongles renforcés.

Voici d’authentiques secrets de beauté connus depuis un minimum de 2000 ans, qui se perpétuent et sur lesquels vous pouvez apprendre plus, par exemple ici.

Cet article est la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de le reproduire sans l’autorisation de son auteur.

Le mastic du lentisque

Grand amateur de soleil, le pistachier lentisque est un arbuste méditerranéen qui pousse dans les garrigues et les maquis. Employé pour ses nombreuses vertus médicinales, on utilisait des feuilles aux graines en passant par l’écorce, les fruits dont on fait l’huile, et surtout le mastic.

Dans son Histoire naturelle, en effet, Pline mentionne notamment l’utilisation de ses feuilles pour teindre les cheveux et du mastic pour tendre la peau du visage et parfumer l’haleine. A son époque, le mastic de l’île de Chios passait pour le meilleur. Deux mille ans plus tard, l’île de Chios produit toujours cette fameuse oléo-résine obtenue par incision de l’écorce et qui fait sa célébrité.

Car s’il est peu connu en Europe occidentale, le mastic du lentisque – qui a malgré tout laissé dans notre langue le verbe  mastiquer et le nom mastication – l’Orient n’a jamais cessé de l’employer, de l’Europe au Maghreb – dans les régions méditerranéennes globalement – dans les pâtisseries, liqueurs, mais surtout dans l’hygiène bucco-dentaire, puisqu’il était utilisé et l’est toujours comme gomme à mâcher pour parfumer l’haleine et renforcer les dents. En médecine, il a également pu être utilisé pour combler les caries à une époque où le plombage contemporain ne se faisait pas, et est toujours employé dans la lutte contre les ulcères gastriques dus à la bactérie Helicobacter pylori responsable de la majorité de ce type d’ulcère, car il est désormais prouvé qu’il est efficace contre celui-ci.

Comme certaines résines issues d’un arbre, le mastic du lentisque sent particulièrement bon, même si c’est assez léger, et c’est justement ce qui lui permet de parfumer l’haleine comme il le faisait au temps de Pline puis plus tard au temps des harems où les sultanes le consommaient. Sa senteur résineuse et boisée est unique, malgré sa proximité olfactive avec d’autres résines auquel il ressemble nécessairement un peu.

Conditionnées pour la mastication, les gommes-résines peuvent être moyennes ou grosses.

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Comme chewing-gum, le mastic du lentisque est une résine et non un dérivé du pétrole, possède un goût naturel durable et ne contient pas de sucre tout en étant délicieux . En outre, si on souffre d’ulcères gastro-duodénaux induits par Helicobacter pylori, mastiquer la résine peut s’avérer salutaire car c’est une bactérie souvent résistante aux médicaments. On peut acheter ce produit d’exception, décliné dans plusieurs autres délicieux produits alimentaires comme des bonbons, et cosmétiques comme des dentifrices chez Anemos, société basée à Chios.

Mais parfois, il est conditionné pour être exclusivement vendu comme encens, comme c’était le cas dans l’Antiquité puisqu’il fait partie des ingrédients du Kyphi, le célèbre encens sacré de l’Egypte ancienne. Dans ce cas-là, il est plutôt proposé sous forme de petits grains de couleur plus jaune dont la senteur est beaucoup plus concentrée, au point que quelques grains sur le charbon suffisent à embaumer délicieusement la pièce. IMG_6277.JPG

On en trouve dans cette autre magnifique boutique proposant résines et bois à brûler de toutes cultures et particulièrement ceux qu’on trouvait dans l’Antiquité, chez Arbor’essences,  petite société française.

Reste que malgré son usage dans l’hygiène bucco-dentaire, je n’ai toujours pas réussi à percer le mystère de son utilisation pour tendre la peau, comme le raconte Pline, n’étant parvenue, au bout de mes tests, qu’à réinventer la colle, de celles qui détruisent les casseroles…Enfin, Pline devait dire vrai, car eux ont l’air de très bien savoir comment l’employer : 

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