Le Labo de Cléopâtre à Fous d’Histoire 2023

Une fois n’est pas coutume, au lieu d’écrire un article pour vous annoncer ma présence à venir à l’événement Fous d’Histoire de novembre 2023, j’ai décidé d’en écrire un sur l’événement à posteriori, vu uniquement de mon petit stand.

Il faut dire que ma boutique de parfums historiques y vit des aventures assez uniques à tous les points de vue. Depuis plusieurs années que le Labo de Cléopâtre est présent au Marché de l’Histoire de Compiègne, je n’ai eu qu’à me féliciter d’avoir fait la démarche de m’y proposer. Un très bon accueil lui a tout de suite été réservé car ma proposition venait combler le manque d’un sens qui faisait défaut au Marché de l’histoire et à son beau concept affiché d’histoire vivante : l’odorat.

Mais pour le Labo de Cléopâtre, cet événement est une sorte de Brigadoon – du film du même nom dans lequel un village écossais apparaît une fois tous les 100 ans. Une fois tous les 6 mois, la boutique du Labo de Cléopâtre enfile son costume – à tous les niveaux – et offre au monde ce qu’il peut de moins en moins montrer sur la boutique Etsy : des parfums et cosmétiques historiques authentiques reproduits à 100% dans la majorité des cas.

En effet, sur Etsy, c’est plus la dimension ludique, ésotérique ou magique qui sont recherchés par les clients – hormis le kyphi qui a l’avantage d’être autant célèbre chez les historiens que chez les égyptophiles . Mes reconstitutions de parfums historiques y sont peu achetées, peut-être même peu remarquées quand elles n’y sont pas tout simplement absentes parce qu’interdites à cause d’un règlement strict.

Or, l’aventure et la boutique du Labo de Cléopâtre ont commencé par la recherche historique, évolué avec et s’en nourrit exclusivement, offrant un catalogue riche de khôl, poudres visage du 14 ème, 18 ème et 20 ème siècle, parfums huileux de l’Antiquité, savons des 18 et 19 ème siècles, pomander oriental de la Renaissance, encens de tous lieux toute époque et parfums poudreux 18-19 ème siècles, entre autres propositions.

Un catalogue vivant avec lequel je viens chaque fois avec mon stand et que ma clientèle et mes suiveurs sont venus chercher, au minimum pour découvrir les parfums d’autrefois, qu’on concevait à la fois autrement, et sans chimie. Car au Marché de l’Histoire, c’est le produit historique qui est attendu, recherché, estimé.

Alors, oui, je peux proposer enfin des parfums de l’Histoire entièrement reconstitués à ma clientèle qui, parfois découvre, mais le plus souvent connaît déjà le projet, a déjà acheté des produits, lu le livre et tenté des recettes qu’il y avait dedans et avec certitude, est en train de lire cet article…

Photo prise et envoyée par Hélène, à ma droite.

Ce novembre, j’ai ainsi vu passer des gens qui sont là depuis le début et qui viennent toujours me voir, voir les nouveautés que je propose, et surtout, les sentir, discuter des matières premières et des techniques historiques. J’y ai vu des clients fidèles qui reviennent, des nouveaux qui découvrent et puis aussi des sensibilités et cultures différentes, des nez bouchés – beaucoup ! – des exaltés du parfum – parmi mes favoris ! – mais surtout des gens en lien olfactif direct avec leur mémoire – tous !-.

On y voit aussi souvent des professionnels venus faire leur marché pour des médiévales ou pour un projet d’association quelconque.

Esculape est parmi nous…

C’est ainsi que depuis quelques années, l’association Scalpel et Matula, – qui s’attache à raconter en costume l’histoire de la médecine, équipée d’instruments de chirurgie historiques et ou fidèlement reconstitués, fréquente et se fournit en produits parfumés au Labo de Cléopâtre. A cela une raison très simple : avant le 18 ème siècle, les recettes de parfums, encens, poudres, khôl, sont toutes issues de la littérature médicale.

Jocelyn, Michel et Cyrielle à leur stand présentant cette année la médecine de l’Antiquité.

Chaque chercheur et historien sait que de toutes les recettes parfumées qui nous restent, aucune n’appartient au domaine de la parfumerie – pourtant déjà bien distingué du domaine médical dès l’Antiquité. Et de fait, on les trouve chez Dioscoride, Galien, Pline, etc. dont il nous reste les textes, et jamais de Criton – qui a écrit en son temps sur les cosmétiques, sa spécialité – ou même de l’ouvrage d’Ovide sur les cosmétiques, dont il ne reste que de très courts fragments.

Cyrielle me présente les instruments de chirurgie de l’Antiquité.

C’est ainsi que les parfums du Labo de Cléopâtre avaient avant tout une fonction médicinale, les odeurs étant considérées autrefois comme aptes à soigner.

– Le Rhodinion – parfum de rose – avait la fonction de soigner, entre autres, le mal de tête, des dents, les ulcères variés, et les démangeaisons de psoriasis. Ce parfum se prenait aussi en lavement.

– L’onguent de Sénégré était surtout utilisé pour les troubles gynécologiques et purifiait les blessures de la tête, enlevait les taches du visage au point d’entrer dans la composition d’un fard. Lui aussi s’utilisait en lavement, mais aussi en cérat.

– L’onguent de lys avait la particularité de faire disparaître les cicatrices, marques de meurtrissures. Pris en breuvage, il faisait maigrir – peut-être d’abord parce que c’était un vomitif !

– Quant au kyphi – particulièrement celui de Dioscoride, dont les descriptions sont issues – il « se mêle dans les antidotes, et se donne à boire à ceux qui sont serrés de la poitrine ». Le kyphi se donnait effectivement à boire dans du vin, dans les usages médicinaux anciens.

Si vous êtes venus sur le stand, vous reconnaissez ces produits que vous avez très certainement sentis. C’est effectivement une part de l’histoire de la médecine que vous avez donc ainsi rencontrée.

Et si sur mon stand, le fait n’est pas mis en évidence car l’accent est mis sur les odeurs et les belles façons anciennes et naturelles de les concevoir, dans les démonstrations et ateliers pédagogiques de Scalpel et Matula, les produits parfumés du Labo de Cléopâtre reprennent la vraie fonction qu’ils ont eue dans l’histoire, lors de manifestations où on raconte comment on les utilisait.

Les outils de la médecine antique.

Fière de ressusciter les médicaments de l’histoire, de leur donner forme, texture, vie, couleur et odeur. Merci à l’équipe de Scalpel et Matula pour leur confiance en la fiabilité historique de mes préparations.

Enfin merci à vous de suivre le blog et l’aventure du Labo tout entière. À bientôt pour de nouvelles découvertes !

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DIY : Bain de bouche concentré à la sauge

Ayant des problèmes de gencives, je tente et teste beaucoup de produits d’hygiène dentaire du commerce ordinaire et de parapharmacie.

En lisant le livre de Maria Trében : La santé à la pharmacie du Bon Dieu, j’ai vu qu’elle recommandait la sauge pour ce genre de problèmes : « inflammation de la cavité buccale », « dents branlantes et saignantes », « déchaussements des dents et tumeurs gingivales ». Elle recommande ainsi une simple tisane en gargarisme à 1 cuillère à café pour 1/4 de litre d’eau.

Cette tisane utilisée en gargarisme est effectivement recommandée par certains dentistes – la sauge ayant par ailleurs une très bonne réputation comme plante médicinale depuis les temps les plus anciens.

Fatiguée de faire tous les jours de la tisane, j’ai décidé de stabiliser la préparation pour me libérer de cette contrainte journalière en créant un bain de bouche aussi efficace que durable et uniquement à base de plantes, sans alcool ni conservateur de synthèse.

Mission accomplie ! Voilà 8 jours qu’elle a été faite et ne montre aucun signe de corruption. Mais pour y arriver, il faut suivre la recette et respecter strictement les conseils d’hygiène. Vous êtes prêt ?

– Ingrédients

– Sauge séchée : 4 cuillères à soupe

– Eau : 1 litre

– HE clous de girofle : 4 gouttes

– Matériel

– Casserole

– Verre doseur

– Petite bouteille de verre neuve ou stérilisée (obligatoire !)

– Tamis

– Entonnoir

– Étiquette, stylo

Mettre les feuilles séchées et l’eau dans la casserole, faire chauffer et bouillir. Continuer la décoction jusqu’à belle réduction du liquide. Passer au tamis pour enlever les feuilles et remettre dans la casserole pour affiner votre réduction jusqu’à environ 200 ml (le verre doseur sert à le vérifier).

Laissez refroidir votre préparation puis versez-la avec l’entonnoir dans votre bouteille stérilisée ou neuve – j’insiste sur son hygiène qui doit être irréprochable ! -.

Finissez par les 4 gouttes d’huile essentielle de clous de girofle. Fermez, mélangez et collez dessus une étiquette indiquant ce que c’est et la date de réalisation. Voilà, votre bain de bouche sans alcool est prêt !

– Variante sans HE

Vous n’avez pas d’huile essentielle de clous de girofle mais souhaitez quand même réaliser cette recette ?

Comptez 6 grammes minimum de clous de girofle, concassez-les pour libérer les huiles essentielles et intégrez-les à votre préparation avant de mettre la tisane à chauffer.

Puis suivez la recette normalement.

– Utilisation : ce produit est un concentré pour remplacer des tisanes, il se prend donc en dilution et ce d’autant plus que la présence d’une grosse dose de sauge en fait un produit fortement dosé malgré sa formulation 100% naturelle.

Utilisez un petit bouchon que vous mélangerez dans la même quantité d’eau pour faire votre bain de bouche.

– Remarques : le mélange est fort mais contrairement aux bains de bouche ordinaires à l’alcool, il ne pique pas, n’irrite pas et peut donc se garder de longues minutes si on le désire.

– L’étiquette mentionnant la date est très importante : elle vous permet de contrôler la durée de vie du produit. Il est prévu pour être auto-conservé et donc ne pas se corrompre, mais des paramètres dans l’environnement peuvent changer là situation. Assurez-vous toujours que le produit n’est pas dégradé ( moisissures, odeur qui change, etc. )

– Pour conserver le mieux possible votre produit, ne mettez pas les doigts dans le bouchon, sur le goulot et nettoyer de temps en temps le bouchon à l’alcool ou au savon.

– Notes sur les plantes :

– La sauge est anti bactérienne et anti inflammatoire. Elle ne présente pas de danger mais est déconseillée aux femmes enceintes, allaitantes et aux épileptiques (il est à remarquer néanmoins qu’on ne l’utilise ici qu’en gargarisme et non en interne !)

– L’huile essentielle de clous de girofle – comme le clou de girofle – a une certaine toxicité en cas de surdosage, mais à une goutte pour 50 ml, dilué encore dans 50 % d’eau, et non avalé, pas de soucis !

L’avantage du clou de girofle est double : c’est à la fois un conservateur naturel très efficace par son action antibactérienne puissante, et de ce fait, c’est un produit dont l’odeur est très associée aux dentistes dont le principe actif, l’eugénol est abondamment employé dans cette profession. Issu principalement du clou de girofle qui en contient plus de 70 %, il est utilisé dans presque tous les produits d’hygiène dentaire : dentifrices, ciment dentaire, bain de bouche, etc…

Attention : l’HE de clou de girofle est déconseillée aux femmes enceintes, aux enfants de moins de 6 ans et aux personnes souffrant de troubles de la coagulation. Ne pas ingérer.

Enfin, est-il besoin de vous dire qu’en cas d’allergie, intolérance et autre désagrément à l’usage, vous ne devez pas prendre ce produit ?

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Réalisation d’une pommade 18 ème siècle en images

Le mois dernier, j’ai tenté une recette qui m’attirait depuis quelques temps, trouvée dans un ouvrage destiné aux parfumeurs et daté du 18 ème siècle.

C’est une pommade pour les lèvres légèrement teintée et comme toujours au 18 ème siècle, entièrement naturelle. Un siècle plus tard, les choses auront bien changé et la chimie s’invitera dans les parfums et cosmétiques.

Pour autant, en 1920, encore, quand apparaîtra le premier rouge à lèvres, il aura pour base les modestes ingrédients de cette recette : un cérat pour base, du raisin et de l’orcanette pour la couleur. Et c’est tout ? Et bien oui.

Le cérat chauffe tandis que les grains de raisin attendent l’heure de leur entrée en scène.
Les voilà réunis. Je les abats au presse purée.
Cuisson.
Je retire la chair et les pépins.
J’ajoute l’orcanette.
Après plusieurs tâtonnements, je décide de faire ce que je crois juste car l’ouvrage ne mentionne comment parvenir à une homogénéité.
Je remets le cérat que j’avais retiré du mélange.
J’unis l’un et l’autre : j’ai effectivement une pommade rosée.
Je mets en pots de format baume à lèvres contemporain. J’ignore comment étaient les contenants au 18 ème siècle.

Vous voulez sans doute savoir le reste : ça hydrate bien, ça a la force colorante d’un gloss discret, ça sent bon et le raisin laisse un délicieux petit goût sucré sur les lèvres. L’ouvrage précise que ce produit se conserve 2 ans !

Bien sûr, j’imagine qu’en fonction des variétés de raisin noir, il est possible d’avoir des couleurs plus ou moins intenses, sachant que celles-ci devaient être moins variées qu’aujourd’hui. En les identifiant, on aurait la palette des rouges possibles au 18 ème siècle, du moins pour cette pommade.

Enfin, c’est évidemment un produit pour les aristocrates, et forcément un produit saisonnier qu’on ne pouvait faire qu’à l’époque de la récolte du raisin. Il en était donc un peu du rouge à lèvres pour les dames comme du vin pour les messieurs.

Le kyphi du Labo chez l’E-Sens Unik

Pour cette rentrée, déjà best seller à la boutique du Labo de Cléopâtre et habitué à me surprendre par les aventures qu’il me fait vivre, le kyphi égyptien vient de franchir une nouvelle étape. Dépassant le monde de la reconstitution et des parfums sacrés utilisés dans les rituels, l’antique kyphi d’Edfou – que j’ai moi-même attendu 4 ans avant de pouvoir vous proposer – vient aussi d’être demandé à l’essai en parfumerie, rejoignant les parfums les plus contemporains, lui, le dinosaure, leur ancêtre à tous !

Enfin, évidemment pas exactement une parfumerie à l’échelle industrielle, mais une « barfumerie concept store » proposant des parfums de niche dans des bouteilles de whisky retournées et disposées sur un même mur. Un concept qui permet de recentrer le découvreur sur l’essentiel du parfum : la rencontre entre l’odeur et l’émotion qu’elle provoque de manière toute personnelle selon les individus.

Le mur de bouteilles, pour se parfumer comme on s’enivre.

Le parfum, en effet, a le pouvoir réel de nous connecter aux parties les plus anciennes de notre mémoire en une fraction de seconde par ce sens sous-exploité qu’est l’odorat. Sous-exploité et pourtant si important dans notre construction émotionnelle car notre cerveau a emmagasiné des millions d’odeurs qu’il a associé avec un souvenir.

C’est cette rencontre-là que Keira Amable – et sa famille avec elle – veut provoquer entre le découvreur et les parfums qu’elle propose dans ses boutiques : cette rencontre-là sans parasites extérieurs qui viennent influencer le jugement. En effet, marque, visuel du flacon, fioritures comptent énormément dans l’industrie du parfum et orientent déjà le consommateur autant qu’ils grossissent son prix. Un argent que la parfumerie industrielle investit dans le marketing aux dépens de l’essentiel, le parfum lui-même censé pourtant être le produit phare. C’est cet allègement de coûts qui permet aux parfums de niche de cette barfumerie de se payer le luxe d’être abordables.

Keira, habillée aux couleurs de sa boutique.

Chez E-Sens Unik, les flacons minimalistes sont tous les mêmes, seule la contenance change en fonction de votre demande. C’est donc le jus que vous achetez, catégorisé par famille olfactive, et qu’il vous faudra découvrir avec le cœur sur le mur de bouteilles de whisky intelligemment recyclées, ou bien dans la collection privée, sur le mur opposé.

La collection privée.

Bien que le Labo de Cléopâtre soit un projet d’archéologie expérimentale reconstituant des parfums historiques avant tout pour la connaissance et très loin d’une logique industrielle, il a de commun avec celui de l’E-Sens Unik d’aller à l’essentiel en puisant avant tout dans les racines du parfum, dont l’histoire est aussi longue que diversement localisée.

Lorsque Keira décide de faire des recherches sur le premier parfum, qu’elle tombe sur le Labo de Cléopâtre et qu’elle a l’idée de proposer du vrai kyphi égyptien à faire découvrir dans sa boutique, elle affirme que pour elle, le parfum a une histoire. Et cette histoire ne compte pas pour rien pour tous ceux qui veulent en redécouvrir le passé pour lui donner un avenir.

Le kyphi égyptien

L’autre lien très net entre l’E-Sens Unik et le Labo de Cléopâtre, c’est la reconnaissance de l’origine multiculturelle et complexe du parfum et de la nécessité de lui laisser cette ouverture. La collection privée de Keira a ainsi ses racines au Moyen-Orient, tout comme au Labo de Cléopâtre, les parfums, tous artisanaux et reconstitués sur la base de mes recherches, viennent d’un peu partout dans le temps et l’espace : Égypte, Grèce antique, Chine, Inde du 18 ème siècle, Europe de la Renaissance qui a fait revenir les parfums du Moyen-Orient, de la cour de Versailles…

Une évidence pour Keira comme pour moi qui sommes issues toutes deux de l’immigration d’origines diverses, à l’instar de toutes les sociétés qui ont fondé leur identité sur des points de rencontre culturels offerts par les hasards de l’histoire.

– Vous pouvez donc retrouver le kyphi égyptien du Labo de Cléopâtre à la boutique de l’E-Sens Unik 76 avenue des Ternes à Paris, où Keira vous le proposera sous forme de pastilles d’encens – au cas où vous ne le connaîtriez pas déjà via la boutique Etsy du Labo de Cléopâtre. Elle vous fera également découvrir les parfums de la boutique, avec mouillettes et grains de café – comme dans les autres parfumeries.

– L’E-Sens Unik, c’est aussi une boutique à Châtelet, 54 rue des Lombards. Paris et une autre à Clermont Ferrand, au 2 rue du Maréchal Foch.

Enfin, pour vous faire une petite idée, voire, craquer en ligne, voici leur e-boutique: https://e-sensunik.fr

L’art de l’encens en Chine ancienne

En 2018 a eu lieu l’exposition Parfums de Chine au musée Cernuschi, consacrée à la culture de l’encens dans la Chine impériale.

C’était une exposition d’un grand raffinement où les objets anciens destinés aux parfums rivalisaient d’élégance – même pour les plus anciens d’entre eux. Exposition magnifique, il est vrai, mais finalement un peu hermétique, car au final, les différentes dynasties et ce qu’elles ont pu représenter restera forcément un mystère, car ce n’est pas notre culture.

Pour autant, force est de constater que la culture du parfum et de l’encens y étaient vivantes et continuaient de progresser quand nous les avions abandonnées. Non seulement cette culture était vivante, mais elle était, de plus, associée aux plus hautes classes sociales, celle des lettrés, des mandarins, des poètes et des empereurs.

Une association qui pousse évidemment au plus grand raffinement et à la technicité même dans les moindres détails : des senteurs distinguées et jamais puissantes, une fumée presque inexistante, des matières premières d’une grande finesse et des brûle-parfum ouvragés comme des œuvres d’art.

L’encens lui-même, en tant que produit, rituel et dans sa fonctionnalité, se révèle très riche de possibilités, avec l’apparition d’un premier bâton d’encens à une période que nous appelions la Renaissance, et avec une recette primitive complexe en plusieurs étapes. Un modèle pratique qui a évolué depuis pour finalement donner de l’encens un caractère si pratique qu’il semble aujourd’hui majoritaire – grâce également aux procédés chimiques et industriels.

Plus raffinée est la culture du sceau d’encens, issue de la religion bouddhiste et qui consiste à faire un dessin avec le parfum – une poudre de bois et de plantes auto-combustible qui ne nécessite de ce fait pas de charbon. Ce dessin fait à la poudre semblera mobile à mesure que progressera la combustion. Un exercice en réalité moins facile qu’il n’y parait et qui a tout de ces exercices de patience qui font parvenir à la méditation.

D’autre part, et pour ajouter à la créativité possible, des dizaines de sceaux d’encens sont réalisables car l’offre peut être vaste. En effet, l’art de l’encens est une culture toujours vivante, en Chine comme au Japon.

À la base, les sceaux d’encens servaient à mesurer le temps : temps des veilles, qui constituaient les différentes tranches horaires découpant la nuit, temps d’un rendez-vous d’affaire, temps d’un rendez-vous chez une courtisane. Une technique également pratiquée au Japon et qui peut également se faire avec les bâtons.

N’avez-vous jamais remarqué que la durée de combustion d’un bâton était toujours précisée sur un rouleau ou une boîte d’encens japonais ? Bien que d’autres techniques plus modernes soient apparues pour mesurer le temps, l’usage de l’encens, simple et évident, demeure.

C’est cette pratique que j’ai voulu vous faire découvrir avec l’encens du grenier public de Dingzhou entièrement reconstitué grâce à sa recette donnée en exemple et dont tous les ingrédients ont pu être trouvés. C’est une recette qu’on peut situer entre le XII ème siècle et XVI ème siècle européen.

Encens historique de la Chine impériale

En outre, pour vous proposer une reconstitution totale, j’ai décidé de proposer des coffrets Art chinois de l’encens. L’encens reconstitué était en effet un sceau d’encens, j’ai pensé que vous proposer l’expérience totale était forcément plus parlante.

Le coffret comprend malgré tout un minimum d’instruments là où un coffret total vous proposerait plus d’outils.

Coffret art chinois de l’encens

J’ai donc décidé d’aller à l’essentiel :

– un brûle-parfum très chinois mais uniquement adapté à cette méthode par son ouverture assez vaste pour recevoir un sceau d’encens et un fond assez plat pour recueillir le lit de cendres.

– Un paquet de cendres de paille de riz

– Une cuillère pour aplanir parfaitement le lit de cendres

– Le sceau d’encens de votre choix – à choisir parmi les options

– Un paquet d’encens santal champaka créé artisanalement au Labo par mes soins et grâce auquel vous pourrez vous entraîner à la technique du sceau d’encens.

Prêts à vous lancer ou découvrir les encens de la Chine ancienne ? Alors cliquez sur les liens mis sous les photos, ils vous mèneront aux fiches produits issues de mes recherches et de mes choix pour partager avec vous ce voyage culturel et olfactif en Chine impériale

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Le jardin romain de Nîmes

Au musée de la Romanité de Nîmes a été aménagé un jardin où ont été concentrées les espèces employées dans l’Antiquité. Une occasion pour moi de rencontrer ma palette de végétaux vivante, dans le plein épanouissement de ses parfums et de ses couleurs…

Étant allée à Nîmes pour découvrir son patrimoine antique que je savais considérable et unique en France, je dois dire que je n’ai pas été déçue. De la Maison Carrée aux Arènes – très bien conservées -, en passant par la Tour Magne, c’est un belle concentration de vestiges uniques, que j’ai ainsi pu découvrir.

Mais ce qui m’a donné le plus de plaisir, je dois bien l’avouer, c’est que le Musée de la Romanité avait aménagé un jardin organisé de façon thématique et chronologique autour des espèces utilisées dans l’Antiquité par les Gallo-romains.

Que vous ayez acheté certains produits de la boutique ou que vous ayez tenté une recette de mon livre Fabriquez vos soins naturels de l’Antiquité, vous avez peut-être remarqué que je travaille avec une palette de végétaux à la fois restreinte – par rapport à celle d’aujourd’hui – et plus ouverte.

Restreinte parce que dans l’Antiquité, on ne connaissait pas la réelle vastitude du monde, et même si on pouvait l’envisager, on n’allait malgré tout pas très loin.

Aujourd’hui, à l’inverse, dans un monde devenu exploré et bien connu, où le commerce mondial s’est globalisé, les espèces utiles sont non seulement bien connues, mais font aussi l’objet de transactions acharnées à des échelles industrielles.

Une situation de fausse abondance dans laquelle la quantité prodigieuse d’échanges restreint le choix autant que la connaissance. Car au final, seules quelques espèces « star » sont connues et sur-exploitées, d’autres, plus ordinaires ou mésestimées vont se retrouver négligées ou ignorées par manque de prestige ou de visibilité, et surtout parce qu’elles n’ont pas su faire rêver.

Parcourez avec moi ce jardin thématique bien pensé, qui a l’avantage d’être le pendant chronologique et rare des jardins de simples de certaines églises de France – devenus courants dans les communes, mais qui, bien bien que pédagogiques et passionnants, sont toujours plus inspirés par le capitulaire de Villis et Hildegarde de Bingen que par Diocoride, Pline ou Varron.

Dans l’Antiquité, comme dans beaucoup de sociétés traditionnelles, les plantes locales et leurs usages étaient étroitement mêlés à la mythologie et au sacré.

L’achillée millefeuille porte le nom du héros Achille pour avoir soigné son talon blessé. Un don de la compassion d’Aphrodite.

Le figuier, dont les racines arrêtèrent la barque qui entraînait Romulus et Rémus nouveaux-nés à une mort certaine.

L’olivier d’Athéna dont elle fit cadeau aux Athéniens et qui lui valut d’être patronne de la ville grecque.

La vigne, née des larmes de Dionysos et du sang d’Ampélos. son amant mortel tué par un taureau.

Le pin, né du sang d’Atys, que la déesse Cybèle avait rendu fou en voyant qu’il lui préférait une autre.

Le laurier, issu de la nymphe Daphné, changée en arbre par échapper à Apollon.

Le myrte, qui avait caché la nudité d’Aphrodite lors de sa naissance et qui devint une de ses plantes consacrées, symbole de l’amour durable.

Le romarin, l’encens des pauvres, mais d’abord des premiers Romains et qu’on consacrait préférablement aux lares, génies très nombreux de religion romaine.

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Quels cosmétiques au Labo ?

Le Labo de Cléopâtre est, depuis ses débuts, un projet de reconstitution autour des parfums et cosmétiques de l’Antiquité, qui a commencé avec Cléopâtre. Mais comme dans tout domaine, il n’est pas d’objet d’étude qui ne soit, de près ou de loin, relié à son hérédité. La durée d’un cosmétique dans le temps va donc souvent du cosmétique historique au cosmétique traditionnel s’il est adopté durablement. Le cosmétique industriel, de conception moderne, a la même origine mais s’éloigne de la tradition et des croyances pour atteindre des buts plus directs.

Dans mon livre Fabriquez vos soins naturels de l’Antiquité, vous avez l’exemple type de ce qu’est un cosmétique historique, et ses liens avec les cosmétiques traditionnels : Il est aussi assez courant de trouver des cosmétiques de l’époque gréco-romaine – devenus historiques car plus employés dans notre société – toujours vivaces dans une autre société qui y accorde de l’importance et continue de les employer.

L’adage : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » se vérifie donc aussi beaucoup en matière de sciences, techniques et savoir-faire. Ainsi, bien que la société égyptienne ait abandonné la culture de ses anciens pharaons depuis l’Antiquité, la médecine populaire conserve et pratique toujours des recettes médicales inchangées depuis l’époque des pyramides. Un savoir qui a paru bon, utile, auquel on a crû ne disparaît jamais totalement : soit il est conservé intégralement, soit il est transformé, soit une autre société le conserve.

Sachant cela, je fais donc la distinction entre cosmétique historique, traditionnel et industriel.

– Le cosmétique historique a une recette datée – mème si elle peut se prolonger sur des millénaires durant – après laquelle il n’est plus du tout pratiqué. Bien que ce ne soit pas un cosmétique, je pense ici au kyphi, qui commence son office dans l’Egypte antique et dont on retrouve encore la recette dans les remèdes pharmaceutiques du 17-18 ème siècle.

– Le cosmétique traditionnel, toujours vivant, remonte à des temps ancestraux et continue d’être pratiqué par une ou plusieurs sociétés. Il a les caractéristiques d’un produit traditionnel : il emploie des matières premières et locales, spécifiques d’une société qui en connaît les vertus depuis des siècles. Il associe des connaissances chimiques anciennes à des savoir-faire imprégnés de culture.

– Le cosmétique industriel, conçu, testé et développé selon les dernières connaissances technologiques, vise un résultat précis à un coût fixé par la gamme de produits dans laquelle il s’inscrit et qui va déterminer le choix des matières premières et des techniques. C’est le plus rentable quand on se fixe un objectif esthétique, mais c’est le moins connecté à du culturel.

Dans la boutique du Labo de Cléopâtre, je ne vais évidemment proposer que les 2 premiers types de cosmétiques puisqu’ils ont tous 2 un lien avec la reconstitution : historiques, ils appartiennent au passé, traditionnels, ils sont toujours employés quelque part sur la Terre, et selon des critères et valeurs culturels qui nous sont étrangers mais dont les racines symboliques sont fortes.

En tant que projet de reconstitution des parfums et cosmétiques anciens, ce ne sont donc pas des produits faciles d’accès qui vous sont proposés dans le boutique du Labo, dès lors qu’il y aura écrit « historique » ou « traditionnel » – même s’il n’est évidemment pas question de vous proposer des produits toxiques comme les anciens fards au plomb qui ont sévi de l’Antiquité jusqu’au 18 ème siècle et plus !

Bien évidemment, c’est moi qui réalise les recettes, les conditionne et leur donne leur orientation dans une offre produit pas du tout calibrée pour l’industrie et l’usage cosmétique habituel. Pour autant, les recettes, issues de documents, sont suivies autant que possible à la lettre et ce d’autant plus que le produit est diffusé dans un but de connaissances et de transmission de certains savoir.

Il y aurait ainsi plein de choses à dire et découvrir en comparant un noir aux yeux du commerce avec un khôl traditionnel algérien ou bien encore avec un kajal indien noir profond; un parfum au solvant alcoolisé à 99% de molécules chimiques et un parfum huileux à 100% enfleurage. C’est une question de matières premières, de techniques, de savoir-faire et de culture qui se voit au résultat, mais à condition d’y être attentif, d’être connaisseur ou passionné. Autant dire que ce n’est pas forcément accessible au premier venu, et encore moins à quelqu’un qui cherche juste à se maquiller ou trouver un soin quelconque !

En somme, à quoi ressemble un cosmétique traditionnel ? A un plat du terroir, une recette qu’on connaît depuis des siècles, voire, des millénaires, qui ne se serait pas démodée et que toute une société approuve.

Et à quoi ressemble un cosmétique historique ? Un plat du terroir que l’usage n’a pas conservé car on a trouvé moins cher, plus efficace ou que les ingrédients dont il est composé ne se trouvent plus facilement et qu’il a fallu y renoncer.

En résumé, vous voulez acheter un cosmétique ? De bonnes boutiques agrées vous en proposent un peu partout et à tous les prix.

Vous voulez découvrir l’histoire des parfums et cosmétiques ? Bienvenue au Labo de Cléopâtre .

Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Le pomander du Labo

Cela faisait longtemps que je projetais la reconstitution d’un parfum de pomander lorsque je tombai sur une recette du 16 ème siècle donnée par un célèbre parfumeur.

Du pomander, qui fut surtout et qui demeure un bijou – un ornement qu’on peut encore rencontrer dans des ventes d’antiquités – on connaît surtout l’aspect visuel. Tomber sur des pomander lors d’une recherche en ligne, sur Pinterest ou autre, nous permet de rencontrer des objets historiques d’une très grande beauté parfois, et d’une grande originalité.

D’ailleurs, il s’en fait toujours : certaines grandes maisons de parfums l’ayant adapté au goût du jour dans des compositions employant des techniques modernes.

Mais en réalité, ce qui caractérise le parfum du pomander, ce sont au contraire les techniques et les senteurs anciennes, à tel point qu’une fois terminé, c’est un ovni d’une puissance olfactive rarement connue auquel on se confronte. Il faut dire qu’ayant plus l’habitude du raffinement et de l’équilibre des parfums antiques, ceux issus de la Renaissance jusqu’au 18 ème siècle changent du tout au tout !

C’est surtout vrai du pomander qui concentre – dans une mode où se mêlent conceptions hygiéniques et religieuses – toutes les substances à parfums les plus puissantes découvertes en Orient à la suite des Croisades, voire, du Nouveau Monde nouvellement colonisé. Musc, ambre, civette et autre Baume de Tolu imposent leur puissance pour compenser l’absence d’hygiène dans un pomander qui devient le porteur de pureté. Car il est censé aussi bien protéger contre les épidémies que contre les esprits malfaisants. « Les plus étonnantes de ces pommes de senteur, censées protéger des miasmes et des épidémies, prenaient la forme d’une sphère inspirée de la grenade. » explique Bimbenet-Privat dans le Bain et le miroir (soins du corps et cosmétiques de l’Antiquité à la Renaissance)

Le bain et le miroir, collectif très complet sur l’histoire des cosmétiques en Occident, nous révèle aussi un usage du pomander finalement plus important et plus complexe qu’attendu, et qui cadre bien avec les objets nombreux et parfois très prestigieux objets conservés dans les musées, ou proposés sur les marchés d’antiquités.

Ainsi, le pomander était porté dans toutes les classes de la société – au cou, à la ceinture, au poignet, etc.. – n’était destiné qu’à être senti de façon brève et se portait même sans être visible, tel un talisman protecteur sous un vêtement. De fait, on en portait souvent plusieurs sur soi. Ceux destinés à être vus sont les plus artistiques et les plus ouvragés. De plus, objets ordinaires associés à des pratiques sanitaires et pieuses, il faisait partie de la dot des jeunes filles de classe marchande.

Un peu comme à toute époque, si le pomander était commun, les qualités du bijou et du parfum qu’il contenait dépendaient de la classe sociale de celui qui le portait. Oui, « celui », car le pomander était porté également par les hommes, l’usage étant plus médicinal et hygiénique qu’autre chose – selon les conceptions anciennes où on se méfiait de l’eau.

Le 17 ème siècle où il perdit sa crédibilité – en tant qu’objet prophylactique et magique apte à repousser les épidémies et influences néfastes – amorça son déclin. Le pomander passa complètement de mode au milieu du 18 ème siècle.

Pomander victorien en bois du 19 ème siècle.

Reste que le pomander, comme objet, continue de figurer au catalogue d’antiquités, dans les collections privées et dans les musées de la Renaissance et la vie traditionnelle.

Le parfum, quant à lui, est caractéristique de l’histoire de la parfumerie occidentale, à ce moment charnière où, revenant de Croisades, l’Européen redécouvre les parfums par l’influence arabe et leur goût pour les senteurs. Un goût qui, clairement, nous est passé depuis, mais qui est malgré tout inscrit dans notre histoire culturelle.

Oui, pendant quelques siècles, la France, l’Europe aimaient les muscs les plus entêtants, de ceux qu’on a du mal à supporter aujourd’hui.

Le pomander du Labo de Cléopâtre

Il se compose d’une chaîne avec un bijou cage contenant une boule de pâte dont la recette était destinée à une riche maison – par la présence des musc et ambre gris, matières premières qui ont toujours été les plus chères de la parfumerie.

La recette a été refaite à 100% – aucun ingrédient ne manquant à sa composition à l’atelier du Labo – et a demandé plus d’une semaine de réalisation avec des techniques encore jamais vues auparavant – ce qui en a fait une expérience fascinante.

Par contre, n’y cherchez pas d’odeur délicate de fleurs, il n’y en a aucune ! Cette recette semble être un concentré de tout ce qui se trouvait de plus odorant à l’époque où elle a été réalisée.

En revanche, ne contenant pas non plus d’ingrédients issus du Nouveau Monde, elle est certainement d’origine orientale : musc, ambre gris et civette étant de grands classiques de la parfumerie arabe du Moyen-Age et dont le goût perdure en Orient.

C’est une recette aux techniques archaïques, sans ajout d’huiles essentielles qu’on maîtrisait encore mal à l’époque. C’est surtout une occasion de découvrir un authentique parfum historique typique de la Renaissance, à réserver en priorité aux musées, aux amateurs de cette époque, aux historiens et reconstituteurs de costumes d’époque.

Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Les 12 nuits sacrées

Depuis plusieurs années déjà, la boutique du Labo de Cléopâtre vous propose pour la période des fêtes de fin d’année, de retrouver une tradition spirituelle celtique toujours vivace chez certains de nos voisins comme les Allemands du Sud, Autrichiens, tyroliens, etc..Le rituel possède de nombreux suiveurs et fidèles dans les pays où la tradition reste vivace, et quelques-uns qui commencent à s’y mettre, par le biais de ce blog, de la boutique et surtout de la Page FB où j’accompagne les pratiquants du 25 décembre au 6 janvier.

Traditionnellement, cette période de 12 jours correspond à l’ancien Yule celtique, période de renaissance du soleil, caractéristique du Solstice d’Hiver. Comme pour chaque Solstice, c’est à la fois une période d’acmé dans un phénomène cyclique en même temps qu’une lente remise en route dans le sens inverse de celui-ci. Ici, en même temps qu’on entre dans l’hiver, les jours rallongent, nous conduisant du même coup de manière certaine vers la renaissance du printemps. Comme souvent dans nos traditions, la période pénible à traverser ne se fait jamais sans être accompagnée d’espoir.

Ce moment particulier de l’année possède plusieurs noms très imagés : les 12 corbeaux, les 12 nuits sacrées, les nuits difficiles. Traditionnellement, on pense que c’est une période où le voile entre les mondes est le plus fin et où les démons, esprits, habitants de l’Autre Monde peuvent se rencontrer très facilement – comme on le croit d’ailleurs pour la fête d’Halloween -. Dans leurs célébrations de cette période, nos voisins le symbolisent très bien à travers leurs costumes et masques effrayants et démoniaques qui nous viennent de traditions de bergers remontant à la Préhistoire.

KRAMPUS,MASKEN,Schwarzachtal Pass e.V ; KRAMPUS Verein in Neuburg vorm Wald, Oberpfalz, auf der Schwarzenburg, vor der Schwarzwirhberghütten. und in der Werkstatt von Timm Buckley, DEIFLS WERK. auf der Burg mit den Masken:Timm+Anja Buckley, Familie Chris+Silvie+Tochter Juliane,Mitglieder des Schwarzachtal Pass eV

Pour se protéger des mauvaises rencontres avec des âmes en peine de sortie pendant ces jours froids où les nuits sont longues, on a recours à un rituel de fumigation de son habitation. Le rituel ne consiste pas en plus que ça, mais il possède malgré tout quelques obligations et traditions de base :

  • Il doit être pratiqué pendant ces 12 jours dans les habitations mais aussi les dépendances – signe d’un temps où c’était une tradition rurale – étables, remises, ateliers, hangar, etc..
  • Traditionnellement, l’encens utilisé était composé de plantes ayant été cueillies du 15 août au 8 septembre, période où les plantes sont les plus odorantes.
  • Il est composé d’un mélange de 7 à 77 plantes, ce qui en fait un mélange à chiffre très symbolique (à la boutique, le mélange Purification contient 7 plantes).
  • Le rituel hier : gardiens de la tradition celtique, nos voisins sont particulièrement attachés aux plantes indigènes, celles qu’on trouve en Europe. Une habitude qui tranche avec celle des gréco-romains qui, dès l’Antiquité, avaient du goût pour les plantes à parfum exotiques venus d’Inde ou d’Arabie. Une habitude qui correspond bien à cette civilisation de voyageurs et de conquérants, mais moins à celles de peuples plus sédentaires comme les Germains. A l’heure des questions sur la mondialisation, le goût de ces peuples et germains semble revenir d’actualité.
  • Le rituel aujourd’hui : la tradition de fumigation pendant 12 jours ayant perduré, elle s’est enrichie de toutes les plantes à parfum du monde apportées par le commerce. Précises et spirituelles, associées à certaines énergies particulières, leur mélange permet de cibler des intentions au travers des énergies de la fumigation. Et effectivement, les encens propres aux 12 corbeaux sont des mélanges dans lesquels entrent facilement plus de plantes européennes qu’il n’en est proposé dans les types de mélanges usuels mondialisés et courants sur le marché de l’encens à usage spirituel.

  • Comment fonctionne ce rituel : il est assez simple et ne demande pas de croyance autre que celle d’énergies particulières propres à cette entrée dans l’hiver et des fêtes de fin d’année. On est à cette période où on s’apprête à quitter une année et à entrer dans une autre. Il est donc temps de faire place à de nouvelles énergies et se débarrasser des anciennes. Il y a donc 2 possibilités :

  • La purification et l’intention : le rituel est partagé en 2 pratiques de fumigations différentes :
  • du 25 décembre au 1 janvier, celle de purification des énergies de l’année finissant, à base de 7 plantes.
  • du 1 au 6 janvier, celle d’intention particulière en fonction des énergies que vous voulez inviter chez vous pour cette nouvelle année – sachant que chaque fumigation se fait avec prières d’intentions simples prononcées mentalement ou verbalement, comme vous préférez.
  • Les coffrets Tradition 12 corbeaux avec intentions :
  • Le coffret Bénédictions, pour favoriser leurs énergies pour cette nouvelle année.
  • Le coffret Famille, pour améliorer les relations familiales.
  • Le coffret Courage, pour attirer ce type d’énergies chez vous.
  • Le coffret Amour, si vous souhaitez plus d’affection dans votre vie pour l’année à venir.
  • Le coffret Nouveaux Départs, pour donner une nouvelle impulsion à votre vie pour l’année à venir,

En vidéo, un festival de Rauhnacht, tradition européenne survivant chez certains de nos voisins.

Cet article est la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de le reproduire sans l’autorisation de leur auteur. Les images sont la propriété des sites où ils ont été trouvés – Perlesreut.de et Bayern.by – sauf celle de l’encens, qui appartient au Labo de Cléopâtre.

Le kyphi de Damocrates

Lors de diverses recherches sur le kyphi, un bon article en ligne qui lui était consacré prétendait que celui-ci avait été utilisé en médecine jusqu’au 13 ème siècle. Pour moi qui reconstitue des kyphis historiques en essayant d’aller au plus près de la recette originale, pouvoir retrouver la recette de ce kyphi tardif était un rêve. Mais c’était surtout la preuve que ce produit avait fait partie de l’histoire de la médecine et des parfums jusque très tardivement.

De là à penser qu’on l’avait utilisé jusqu’au 18 ème siècle, je ne m’y serais pas risquée. Et pourtant. C’est bien une recette de kyphi, employé comme remède parmi d’autres recettes de la pharmacopée des siècles allant de Louis XIV à Louis XV que je retrouvai un jour dans un manuel de pharmacie ancienne. Une trouvaille qui avait de quoi étonner si on ne se souvenait des pièces de Molière – comme Le médecin malgré lui – qui raillent une médecine d’un siècle où parler latin et citer les Anciens suffisait à faire illusion et imposer le respect. De fait, les livres de pharmacie de cette époque sont pleins de recettes de Galien, d’Avicenne et autres médecins de l’Antiquité et du Moyen-Age.

Dans ces circonstances, il n’est donc finalement plus si étonnant d’y retrouver une recette de kyphi. Celle-ci est mentionnée comme la recette de Damocrates, un médecin de l’Antiquité assez tardive qui a réellement existé mais que je n’avais jamais rencontré lors de mes recherches.

Le kyphi, je le connais bien, je le pratique très régulièrement, et il doit être le produit le plus vendu de ma boutique de par le monde. Pour autant, un kyphi comme celui-là, je n’en avais encore jamais vu ni fait. Effectivement, sur une base d’ingrédients identiques, le kyphi de Damocrates s’est payé le luxe de la nouveauté, m’a surprise et contrainte à l’adaptation pour le réussir.

En effet, ce kyphi se présente comme n’importe quelle autre recette classique : des raisins trempés dans du vin, du miel, des résines et des aromates. Jusque-là, c’est un kyphi traditionnel. Sauf que le poids et le volume d’aromates et résines dépasse largement le mélange fruité, ce qui donne à la pâte une texture tout à fait inattendue. Si bien qu’à ma grande surprise, à la fin du mélange, je me retrouve avec un produit à la texture de pâte sablée plutôt qu’à celle de la purée fluide dont j’avais l’habitude.

Pas habituée à cette texture, je décide malgré tout de la façonner immédiatement, parce que c’est écrit de les façonner tout de suite – contrairement à la pâte de kyphi traditionnelle qui nécessite plusieurs jours de séchage avant que ce soit possible. Alors, oui, ça peut et même doit se façonner immédiatement. Car contrairement à d’habitude aussi, la texture ne colle pas et prend immédiatement la forme qu’on lui donne – et ce avec une plus grande rapidité que d’ordinaire. Sa grande malléabilité me pousse alors à utiliser des moules – ce qui devient possible pour la première fois, avec ce nouveau kyphi.

Au lieu d’un kyphi réalisé en plusieurs semaines voire plusieurs mois, je me retrouve avec un produit moulé en une après-midi, et sur lequel il n’y aura plus de travail à faire ! Les gens de l’Antiquité avaient donc trouvé au fil des siècles, le moyen de moderniser à ce point ce produit que la forme encore usitée chez nous au 18 ème siècle était une sorte de kyphi express, plus riche en ingrédients odorants et supposément actifs que ceux des premières recettes qu’on brûlait à la divinité.

Avec sa formule inchangée sauf dans le nombre d’ingrédients aptes à transformer la texture du produit de façon à être utilisé très rapidement en médecine par les Grecs, le kyphi de Damocrates semble nous raconter l’histoire de l’évolution d’une technique de production d’un médicament qu’on semblait trouver efficace depuis son origine mais qu’on a voulu rendre disponible beaucoup plus rapidement. Du supposé Damocrates, contemporain de Pline, au manuel de pharmacie où a été trouvée la recette – qui laisse supposer que celle-ci était encore un remède qu’on faisait couramment – il y a bien 17 siècles de distance ! Et pourtant ! Bien qu’il semble être resté le seul utilisé en médecine, force est de constater que le kyphi de Damocrates est loin d’être resté un produit de l’Antiquité.

Dans sa version laïcisée, médicalisée et expresse, il semble avoir conservé assez de prestige et de croyance en son efficacité pour traverser les millénaires au-delà d’une fonction d’encens destiné au dieu Râ, au point même d’avoir fait partie de l’histoire de la médecine et de la pharmacie françaises.

Au passage, cela semble aussi nous raconter l’histoire d’un produit qu’on a voulu rendre plus efficace en augmentant sa vitesse de production, lui permettant peut-être d’être aussi durable dans le temps, à la faveur conjuguée de sa réputation de longue date et de sa grande aisance de production et d’utilisation dans un monde qui avait de plus en plus besoin de remèdes.

Vous retrouvez le kyphi de Damocrates sur la boutique du Labo. Contrairement aux autres kyphis, il est maniable et chaque pastille peut se casser très simplement pour l’employer de façon plus durable.

– Le kyphi de Damocrates sur la boutique du Labo

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Cet article et photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.