Exposition Parfums d’Orient

Petit retour tout personnel – car c’est toujours à travers notre culture et nos émotions que nous percevons le monde – sur l’exposition Parfums d’Orient qui a eu cours fin 2023 et début 2024.

Au milieu d’une très belle collection d’objets anciens et de spécimens de matières premières à parfum, l’exposition présente au visiteur la culture spécifique associée à l’idée de parfum dans les pays arabes. Pourquoi ? Parce qu’elle est unique !

Divers flacons anciens.

Des senteurs qu’on aime là-bas aux circonstances dans lesquelles on les rencontre et jusqu’aux jugements de valeur qui y sont associés, tout y diffère de ce qu’en Europe on appelle parfum !

Les matières puissantes et animales comme le musc et l’ambre gris y sont toujours très appréciées alors qu’elles ont majoritairement disparu des parfums européens passé le 18 ème siècle.

L’ambre gris issu du cachalot

Pareil pour les résines d’encens, de myrrhe, de benjoin, apportant leurs notes aromatiques profondes et qui même revenant progressivement en Europe, ne parviennent pas à détrôner le trio : fleurs, agrumes et aromates.

Ce trio gagnant des notes olfactives s’est imposé en Europe depuis les Eaux de la Reine de Hongrie, vers le 18 ème siècle, et surtout, les indetrônables eaux de Cologne. Mais avant, il avait fallu réapprendre l’art des parfums…auprès des Orientaux.

Or, en Arabie, terre exclusive des meilleurs arbres à encens, et d’où est né l’Islam, résines végétales et notes animales dominent la palette olfactive, ce dont les contes des Mille et une nuits – écrits à l’époque de notre Moyen Âge – se font déjà l’écho.

Matériel pour récolter la résine du Boswellia sacra.

Mais où les matières premières répondent à la question : « Qu’y-a-t-il dans les parfums orientaux, ce à quoi répondent à profusion les bornes olfactives conçues par le parfumeur à la tête du projet, d’autres aspects de l’exposition répondent aux questions plus techniques telles que : « Comment les fabriquait-on ? » et « Comment les conservait-on ? »

Illustration d’une machine pour distiller la rose dans un ouvrage du 14 ème siècle.

Du manuel historique qui détaille le procédé de distillation pour faire l’eau de rose au flacon qui les conserve en passant par l’appareil de distillation reconstitué, c’est le monde des procédés et du matériel de la parfumerie ancienne qui s’expose ainsi. Du moins, légèrement…

Reconstitution de l’appareil à distiller l’eau de rose tel que peint dans l’ouvrage ci-dessus.

Légèrement parce qu’en fin de compte, les parfums d’Orient existent avant tout dans les rapports qu’ils tissent avec ceux qui les vendent, ceux qui les portent et qui s’en servent pour des raisons toute culturelle, principalement liées au rapport à l’autre et au savoir-vivre.

Car globalement, en Orient, le parfum est investi plutôt positivement comme une marque de propreté et de respect, et ce d’abord parce qu’il permet de masquer les mauvaises odeurs. Pour autant, pas directement en lien avec la religion, il est un élément qui permet de montrer son respect envers le divin dans la joie et l’exaltation de la Création.

Coiffes et sandales anciennes pour le hammam.

Mais d’une manière générale, c’est dans les lieux d’intimité qu’on va retrouver les parfums. Le hammam, où le rituel de propreté sophistiqué mêle la tradition des anciens bains romains dont il est l’héritier avec les vertus médicinales et spirituelles d’un acte de purification collective d’où les principes de volupté ne sont pas exclus.

Collection d’objets anciens pour le hammam.

Dans la maison, bien que seules les odeurs de cuisine aient été données à sentir, l’exposition évoque cette pratique d’hospitalité qui consiste à parfumer ses hôtes et qui peut se rencontrer sous les rituels les plus divers : parfumer des coussins d’invités en y ajoutant des substances aromatiques variées, parfumer les convives à la fumée de l’encens…

L’objectif est d’honorer l’invité, mais aussi de laisser un souvenir du moment passé en sa compagnie au moyen de l’odeur qui s’incruste dans les fibres du vêtement et qui rappellera cet instant chaque fois que le parfum se déploiera, au gré du vent, de la chaleur ou des mouvements.

Robe dont l’extérieur est composé de fleurs de jasmin.

Enfin, le parfum, c’est aussi l’intimité conjugale : si l’exposition présente des vêtements entièrement ornés de fleurs de jasmin qui durent être impressionnants de beauté visuelle et olfactive quand ils étaient encore frais, il est connu aussi que des rituels de beauté parfumés accompagnent l’union des époux jusque dans le choix de l’encens « coïtant » à brûler dans la chambre à coucher ou même la toilette minutieuse, secrète et intime de la femme durant les préparatifs de la noce…

Accessoires et lingerie féminine entièrement recouverte de jasmin.

Un beau voyage en Orient dans l’intimité des parfums et de ceux qui les aiment.

Cet article et photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Le Labo de Cléopâtre à Fous d’Histoire 2023

Une fois n’est pas coutume, au lieu d’écrire un article pour vous annoncer ma présence à venir à l’événement Fous d’Histoire de novembre 2023, j’ai décidé d’en écrire un sur l’événement à posteriori, vu uniquement de mon petit stand.

Il faut dire que ma boutique de parfums historiques y vit des aventures assez uniques à tous les points de vue. Depuis plusieurs années que le Labo de Cléopâtre est présent au Marché de l’Histoire de Compiègne, je n’ai eu qu’à me féliciter d’avoir fait la démarche de m’y proposer. Un très bon accueil lui a tout de suite été réservé car ma proposition venait combler le manque d’un sens qui faisait défaut au Marché de l’histoire et à son beau concept affiché d’histoire vivante : l’odorat.

Mais pour le Labo de Cléopâtre, cet événement est une sorte de Brigadoon – du film du même nom dans lequel un village écossais apparaît une fois tous les 100 ans. Une fois tous les 6 mois, la boutique du Labo de Cléopâtre enfile son costume – à tous les niveaux – et offre au monde ce qu’il peut de moins en moins montrer sur la boutique Etsy : des parfums et cosmétiques historiques authentiques reproduits à 100% dans la majorité des cas.

En effet, sur Etsy, c’est plus la dimension ludique, ésotérique ou magique qui sont recherchés par les clients – hormis le kyphi qui a l’avantage d’être autant célèbre chez les historiens que chez les égyptophiles . Mes reconstitutions de parfums historiques y sont peu achetées, peut-être même peu remarquées quand elles n’y sont pas tout simplement absentes parce qu’interdites à cause d’un règlement strict.

Or, l’aventure et la boutique du Labo de Cléopâtre ont commencé par la recherche historique, évolué avec et s’en nourrit exclusivement, offrant un catalogue riche de khôl, poudres visage du 14 ème, 18 ème et 20 ème siècle, parfums huileux de l’Antiquité, savons des 18 et 19 ème siècles, pomander oriental de la Renaissance, encens de tous lieux toute époque et parfums poudreux 18-19 ème siècles, entre autres propositions.

Un catalogue vivant avec lequel je viens chaque fois avec mon stand et que ma clientèle et mes suiveurs sont venus chercher, au minimum pour découvrir les parfums d’autrefois, qu’on concevait à la fois autrement, et sans chimie. Car au Marché de l’Histoire, c’est le produit historique qui est attendu, recherché, estimé.

Alors, oui, je peux proposer enfin des parfums de l’Histoire entièrement reconstitués à ma clientèle qui, parfois découvre, mais le plus souvent connaît déjà le projet, a déjà acheté des produits, lu le livre et tenté des recettes qu’il y avait dedans et avec certitude, est en train de lire cet article…

Photo prise et envoyée par Hélène, à ma droite.

Ce novembre, j’ai ainsi vu passer des gens qui sont là depuis le début et qui viennent toujours me voir, voir les nouveautés que je propose, et surtout, les sentir, discuter des matières premières et des techniques historiques. J’y ai vu des clients fidèles qui reviennent, des nouveaux qui découvrent et puis aussi des sensibilités et cultures différentes, des nez bouchés – beaucoup ! – des exaltés du parfum – parmi mes favoris ! – mais surtout des gens en lien olfactif direct avec leur mémoire – tous !-.

On y voit aussi souvent des professionnels venus faire leur marché pour des médiévales ou pour un projet d’association quelconque.

Esculape est parmi nous…

C’est ainsi que depuis quelques années, l’association Scalpel et Matula, – qui s’attache à raconter en costume l’histoire de la médecine, équipée d’instruments de chirurgie historiques et ou fidèlement reconstitués, fréquente et se fournit en produits parfumés au Labo de Cléopâtre. A cela une raison très simple : avant le 18 ème siècle, les recettes de parfums, encens, poudres, khôl, sont toutes issues de la littérature médicale.

Jocelyn, Michel et Cyrielle à leur stand présentant cette année la médecine de l’Antiquité.

Chaque chercheur et historien sait que de toutes les recettes parfumées qui nous restent, aucune n’appartient au domaine de la parfumerie – pourtant déjà bien distingué du domaine médical dès l’Antiquité. Et de fait, on les trouve chez Dioscoride, Galien, Pline, etc. dont il nous reste les textes, et jamais de Criton – qui a écrit en son temps sur les cosmétiques, sa spécialité – ou même de l’ouvrage d’Ovide sur les cosmétiques, dont il ne reste que de très courts fragments.

Cyrielle me présente les instruments de chirurgie de l’Antiquité.

C’est ainsi que les parfums du Labo de Cléopâtre avaient avant tout une fonction médicinale, les odeurs étant considérées autrefois comme aptes à soigner.

– Le Rhodinion – parfum de rose – avait la fonction de soigner, entre autres, le mal de tête, des dents, les ulcères variés, et les démangeaisons de psoriasis. Ce parfum se prenait aussi en lavement.

– L’onguent de Sénégré était surtout utilisé pour les troubles gynécologiques et purifiait les blessures de la tête, enlevait les taches du visage au point d’entrer dans la composition d’un fard. Lui aussi s’utilisait en lavement, mais aussi en cérat.

– L’onguent de lys avait la particularité de faire disparaître les cicatrices, marques de meurtrissures. Pris en breuvage, il faisait maigrir – peut-être d’abord parce que c’était un vomitif !

– Quant au kyphi – particulièrement celui de Dioscoride, dont les descriptions sont issues – il « se mêle dans les antidotes, et se donne à boire à ceux qui sont serrés de la poitrine ». Le kyphi se donnait effectivement à boire dans du vin, dans les usages médicinaux anciens.

Si vous êtes venus sur le stand, vous reconnaissez ces produits que vous avez très certainement sentis. C’est effectivement une part de l’histoire de la médecine que vous avez donc ainsi rencontrée.

Et si sur mon stand, le fait n’est pas mis en évidence car l’accent est mis sur les odeurs et les belles façons anciennes et naturelles de les concevoir, dans les démonstrations et ateliers pédagogiques de Scalpel et Matula, les produits parfumés du Labo de Cléopâtre reprennent la vraie fonction qu’ils ont eue dans l’histoire, lors de manifestations où on raconte comment on les utilisait.

Les outils de la médecine antique.

Fière de ressusciter les médicaments de l’histoire, de leur donner forme, texture, vie, couleur et odeur. Merci à l’équipe de Scalpel et Matula pour leur confiance en la fiabilité historique de mes préparations.

Enfin merci à vous de suivre le blog et l’aventure du Labo tout entière. À bientôt pour de nouvelles découvertes !

Cet article et photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Les sens multiples du parfum

Après 5 ans passés en projet Labo de Cléopâtre, explorant l’origine et la diversité des formes du parfum dans nos civilisations, c’est l’image d’un usage du parfum protéiforme tout autant qu’indispensable qui se dessine.

Ce qui monte vers dieux et esprits

Si l’étymologie du parfum – per fumum, par la fumée – laisse deviner les origines probables des premiers usages qu’on faisait du parfum, il faut reconnaître que de nombreuses utilisations de par le monde prouvent sa survivance dans les mœurs. Il faut dire qu’avec un peu de feu, une résine ou une plante à parfum, on est déjà dans l’offrande qui agrée aux dieux, aux esprits et qui nous les concilie.

Pourquoi donc s’en priver ? D’autant que ça fonctionnait avec les résines les plus précieuses d’Arabie comme avec la plus modeste branche de romarin, l’encens du pauvre.

Ailleurs dans le monde, sauge blanche, genévriers divers – dont des espèces diversement parfumées poussent un peu partout -, résines et bois odorants ordinaires ou précieux sont comme des cadeaux que la Terre ferait au Ciel depuis la nuit des temps, éclaboussant au passage les Hommes de leurs bienfaits.

Ces usages évoluant dans le temps et l’espace, la découverte de nouveaux territoires et de nouvelles plantes à parfum enrichissent la palette de ce qu’on peut offrir au divin.

Ainsi, la conquête de l’Inde par Alexandre le Grand a ouvert la porte au safran et au nard dans la culture grecque puis l’a diffusée dans tout le monde méditerranéen – la Bible de l’époque de Jésus le mentionne – pour s’étendre sur les pratiques religieuses mais aussi celles du luxe et de la coquetterie.

Plus tard, la colonisation des Amériques a permis d’autres découvertes parfumées dont celle du baume de Tolu venu remplacer le baume de Judée – devenu rare – dans des recettes sacerdotales datant des premiers siècle de l’ère chrétienne.

Mais chez les Hommes, les intérêts du divin se mêlent toujours aux intérêts humains. Comme les dieux, les esprits qu’on convoque en magie ou qu’on veut se concilier lors d’un événement particulier aiment les parfums et sont d’autant plus sensibles aux demandes qu’elles sont accompagnées d’offrandes d’encens : Afrique, Amérique, Europe, Asie, tous ont depuis la nuit des temps des pratiques de fumigation sacrées, symboliques ou magiques censées renforcer le lien entre les dieux, les esprits – djinns, loas, saints, ancêtres – et les Hommes.

– Parfums pour séduire

Si la littérature grecque se fait le témoin bien souvent de l’utilisation de parfum dans les pratiques religieuses, hygiéniques ou funéraires, elle n’échappe à celle qu’on lui connaît aujourd’hui : le parfum pour séduire.

Les courtisanes de Lucien, les épouses d’Aristophane, sont déjà des femmes dont on pourrait dire qu’elles cocottent – du nom de ces courtisanes du 19 ème siècle qu’on repérait rapidement à Paris – et qu’ainsi on n’oubliait pas ! – à leur parfum puissant et provocateur.

Évidemment, pas besoin de faire commerce de ses charmes : vouloir séduire, vouloir marquer l’esprit de celui qu’on aime ou marquer plus favorablement l’esprit de son mari quand on est dans un couple polygame.

En Afrique, dans les pays où on pratique la polygamie, la concurrence fait rage entre épouses d’un même homme, enrichissant et développant le commerce des artifices de séduction, vêtements sexy, lingerie, parfums – mélange de résines locales, mondiales et de parfums huileux issus de l’industrie et qui ont culturellement gagné une réputation durable comme ensorceleurs.

Ces accessoires indispensables sont censés posséder des vertus magiques et aphrodisiaques après lesquelles les femmes courent pour gagner la première ou unique place dans le cœur du mari, seule condition pour une meilleure qualité de vie.

– Performances techniques et industrielles

Mais en Occident où la chimie gouverne depuis le 19 ème siècle le monde de la parfumerie, le parfum prend d’autres voies plus confidentielles que celles du début de son histoire. Comme dans les premiers âges, le parfum permet toujours de séduire, de se distinguer autant socialement.

Les échelles de prix d’aujourd’hui rappellent la description que Pline fait des différents parfums à la mode à son époque et dont les meilleurs se faisaient dans différentes régions du monde – le parfum d’iris à Corynthe et Cysique, celui de rose à Phasèle, celui de safran à Solis, etc… – comme les parfums sont réputés à Grasse, à Paris ou en Italie.

Pourtant, c’est le défi technique et la compétition industrielle et publicitaire qui vont distinguer un parfum d’un autre, à partir de limites toujours repoussées. Dans la nature, en effet, rares sont les matières premières naturelles qui acceptent de livrer leur parfum.

Les chimistes ont trouvé le moyen de s’en passer et même de faire sentir une fleur muette sans utiliser celle-ci. Des performances qui font la réputation des grandes « Maisons » pour lesquelles travaillent ces parfumeurs chimistes dans leur laboratoire, et la fierté de ceux qui se vantent de porter le jus de telle ou telle « Maison ».

Le parfum chimique est aussi une façon économique d’inonder le marché d’odeurs à la mode : les jus se font à la commande, avec des ingrédients plus ou moins chers selon l’exigence de budget du client. C’est ainsi que vous retrouvez facilement des encens indiens réalisés industriellement en plongeant des bâtons dans des cuves de parfums chimiques français sentant finalement plus ou moins un parfum connu de Dior !

Alors, bien évidemment, quand j’arrive au marché de l’histoire avec mes produits faits à la main avec de vraies plantes, j’ai appris qu’en général, il est inutile d’aborder les vieilles dames, fidèles à la confiance en la science et la chimie de leur génération qui ne jurent que par Chanel et qui se méfient du reste.

Mais je peux quand même compter sur :

– les chercheurs, historiens et reconstituteurs et tous métiers en lien avec l’histoire et la culture

– jeunes préoccupés par l’environnement

– Africains et Africaines du Nord dont la façon de faire des parfums traditionnels du Labo de Cléopâtre ressemble tant à la leur.

D’ailleurs, quand Zohra, ma voisine d’origine algérienne me demande de l’encens, elle me dit : « Maud, s’il te plaît, un peu de parfum. » Moi, là où j’ai grandi, un parfum veut dire un liquide odorant majoritairement chimique sur base d’alcool. Même si depuis, j’ai changé de sentier…

Cet article et photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Le kyphi du Labo chez l’E-Sens Unik

Pour cette rentrée, déjà best seller à la boutique du Labo de Cléopâtre et habitué à me surprendre par les aventures qu’il me fait vivre, le kyphi égyptien vient de franchir une nouvelle étape. Dépassant le monde de la reconstitution et des parfums sacrés utilisés dans les rituels, l’antique kyphi d’Edfou – que j’ai moi-même attendu 4 ans avant de pouvoir vous proposer – vient aussi d’être demandé à l’essai en parfumerie, rejoignant les parfums les plus contemporains, lui, le dinosaure, leur ancêtre à tous !

Enfin, évidemment pas exactement une parfumerie à l’échelle industrielle, mais une « barfumerie concept store » proposant des parfums de niche dans des bouteilles de whisky retournées et disposées sur un même mur. Un concept qui permet de recentrer le découvreur sur l’essentiel du parfum : la rencontre entre l’odeur et l’émotion qu’elle provoque de manière toute personnelle selon les individus.

Le mur de bouteilles, pour se parfumer comme on s’enivre.

Le parfum, en effet, a le pouvoir réel de nous connecter aux parties les plus anciennes de notre mémoire en une fraction de seconde par ce sens sous-exploité qu’est l’odorat. Sous-exploité et pourtant si important dans notre construction émotionnelle car notre cerveau a emmagasiné des millions d’odeurs qu’il a associé avec un souvenir.

C’est cette rencontre-là que Keira Amable – et sa famille avec elle – veut provoquer entre le découvreur et les parfums qu’elle propose dans ses boutiques : cette rencontre-là sans parasites extérieurs qui viennent influencer le jugement. En effet, marque, visuel du flacon, fioritures comptent énormément dans l’industrie du parfum et orientent déjà le consommateur autant qu’ils grossissent son prix. Un argent que la parfumerie industrielle investit dans le marketing aux dépens de l’essentiel, le parfum lui-même censé pourtant être le produit phare. C’est cet allègement de coûts qui permet aux parfums de niche de cette barfumerie de se payer le luxe d’être abordables.

Keira, habillée aux couleurs de sa boutique.

Chez E-Sens Unik, les flacons minimalistes sont tous les mêmes, seule la contenance change en fonction de votre demande. C’est donc le jus que vous achetez, catégorisé par famille olfactive, et qu’il vous faudra découvrir avec le cœur sur le mur de bouteilles de whisky intelligemment recyclées, ou bien dans la collection privée, sur le mur opposé.

La collection privée.

Bien que le Labo de Cléopâtre soit un projet d’archéologie expérimentale reconstituant des parfums historiques avant tout pour la connaissance et très loin d’une logique industrielle, il a de commun avec celui de l’E-Sens Unik d’aller à l’essentiel en puisant avant tout dans les racines du parfum, dont l’histoire est aussi longue que diversement localisée.

Lorsque Keira décide de faire des recherches sur le premier parfum, qu’elle tombe sur le Labo de Cléopâtre et qu’elle a l’idée de proposer du vrai kyphi égyptien à faire découvrir dans sa boutique, elle affirme que pour elle, le parfum a une histoire. Et cette histoire ne compte pas pour rien pour tous ceux qui veulent en redécouvrir le passé pour lui donner un avenir.

Le kyphi égyptien

L’autre lien très net entre l’E-Sens Unik et le Labo de Cléopâtre, c’est la reconnaissance de l’origine multiculturelle et complexe du parfum et de la nécessité de lui laisser cette ouverture. La collection privée de Keira a ainsi ses racines au Moyen-Orient, tout comme au Labo de Cléopâtre, les parfums, tous artisanaux et reconstitués sur la base de mes recherches, viennent d’un peu partout dans le temps et l’espace : Égypte, Grèce antique, Chine, Inde du 18 ème siècle, Europe de la Renaissance qui a fait revenir les parfums du Moyen-Orient, de la cour de Versailles…

Une évidence pour Keira comme pour moi qui sommes issues toutes deux de l’immigration d’origines diverses, à l’instar de toutes les sociétés qui ont fondé leur identité sur des points de rencontre culturels offerts par les hasards de l’histoire.

– Vous pouvez donc retrouver le kyphi égyptien du Labo de Cléopâtre à la boutique de l’E-Sens Unik 76 avenue des Ternes à Paris, où Keira vous le proposera sous forme de pastilles d’encens – au cas où vous ne le connaîtriez pas déjà via la boutique Etsy du Labo de Cléopâtre. Elle vous fera également découvrir les parfums de la boutique, avec mouillettes et grains de café – comme dans les autres parfumeries.

– L’E-Sens Unik, c’est aussi une boutique à Châtelet, 54 rue des Lombards. Paris et une autre à Clermont Ferrand, au 2 rue du Maréchal Foch.

Enfin, pour vous faire une petite idée, voire, craquer en ligne, voici leur e-boutique: https://e-sensunik.fr

Perle parfumée dans la parfumerie traditionnelle

Les sociétés anciennes comme les sociétés traditionnelles ont ceci de commun que leur manière de concevoir le parfum est très élargie, par rapport à celle de nos sociétés industrielles où la chimie a complètement changé notre rapport à celui-ci depuis bientôt 3 siècles. En Occident, un parfum, c’est un flacon de liquide qui peut aussi se diffuser en spray, et beaucoup plus rarement en concrète. On peut encore les décliner en savon, gel douche, déodorants et crème pour le corps.

Dans l’Antiquité, on considérait que le parfum était ce qui sentait de façon assez agréable pour qu’on ait envie de le porter sur soi, l’offrir aux dieux ou à ses morts. Entrent donc dans cette catégorie les résines et aromates qu’on faisait brûler pour la divinité, mais aussi pour parfumer ses vêtements, des poudres de plantes à parfum, et des couronnes de fleurs. Un système logique dans une société qui ne possède que ce que la Nature offre pour se parfumer, et qui sait multiplier les façons de le faire.

Car paradoxalement, effectivement, si les parfums occidentaux de la société industrielle sont complexes dans leur formulation chimique, leur variété est pauvre. A l’inverse, dans les sociétés anciennes, la palette est pauvre car elle dépend de ce que permet la Nature (pas en molécules odorantes, par contre, beaucoup plus nombreuses que dans un parfum chimique construit), mais les variétés de ce qu’on acceptait comme parfum étaient beaucoup plus grande : encens qu’on brûle, sachet odorant à porter sur soi, graisse parfumée par enfleurage, tissu imprégné d’une essence de bois ou d’autres ingrédients odorants, etc.

Photo de classe à Bora-Bora. Dans l’Antiquité, nous employions aussi les couronnes parfumées, comme l’attestent les textes des anciens philosophes grecs.

Parmi ces possibilités, une très intéressante consiste en des perles parfumées pour faire des colliers, bracelets et autres bijoux traditionnels, souvent religieux mais pas uniquement. Si elle n’est pas attestée pour l’instant dans les textes de l’Antiquité, c’est malgré tout une forme assez répandue pour figurer dans pas mal de civilisations, dont la nôtre – particulièrement pour la réalisation des chapelets.

Boutiques religieuses en ligne ou en dur proposent des chapelets en bois parfumé à la rose ou au jasmin, fleurs souvent associées à la Vierge Marie et qui donnent une dimension agréable et magique à l’acte de récitation du rosaire. Parfumé extérieurement aux huiles essentielles, ce sont des objets peu coûteux car faciles à réaliser.

Néanmoins, il exista en France un genre de perles pour chapelets aux recettes 100 % naturelles sur base exclusive de plantes à parfums et dont le résultat a l’avantage d’être à la fois agréable, équilibré et de remonter à plusieurs siècles, ce qui en fait un véritable produit de reconstitution historique – avec tous les inconvénients que ça occasionne : fragilité du produit, durabilité incertaine, etc..

Hormis ces inconvénients propres aux produits réalisés en matières naturelles, c’est un magnifique objet 100% reconstitué de notre histoire et dont la recette remonte au 18 ème siècle – si ce n’est plus loin.

Chapelet Vieille France

Sur cette base, en employant cette technique ancestrale, j’ai conçu plusieurs autres chapelets ou bijoux originaux, mais toujours en lien avec la botanique mythologique ou le patrimoine des civilisations.

Chapelet Mauvais œil aux herbes grecques
Chapelet latino aux perles de tabac
Chapelet Santa Muerte aux perles de tabac.
Collier Anubis perles de kyphi
Collier kyphi et authentique Ushbati (serviteur d’un défunt dans l’Au-delà)
Parure scarabée bleu perles de kyphi

Mais la perle parfumée, c’est aussi, et de façon bien plus simple, des perles taillées dans un bois ou un rhizome naturellement odorants.

Ce qu’il y a de particulièrement intéressant, avec la perle en bois parfumé, c’est que contrairement aux perles en pierre semi-précieuse, elle est moins répandue au niveau du commerce international. Son emploi en bijou est à la fois plus rare et plus typique d’une civilisation, et donc beaucoup plus porteuse de sens. En effet, notre façon d’aimer ou ne pas aimer une odeur sont beaucoup plus culturelles et radicales que notre façon d’accepter des gemmes.

Ainsi les perles de santal vont être présentes en Inde et dans quelques régions d’Asie – comme d’une manière générale dans la tradition bouddhiste. On y sculptera aussi les statues des divinités, et bien sûr, on en fait des mala dans les 2 religions.

Mala Ganesh perles de santal

Autre bois asiatique odorant au parfum moins connu en bois brut mais tout aussi naturel et magnifique, le camphrier, avec lequel je fais aussi des mala.

Mala bouddhiste camphrier

Mais comme c’est un bois particulièrement sacré et lié à la culture japonaise – comme on le voit dans le film Totoro – j’en fais aussi des bracelets Maneki Neko, dont la tradition, purement japonaise, s’apparente plus au shintoïsme.

Bracelet porte-bonheur Maneki-Neko camphrier

Enfin, dernier bois dont on fait des perles parfumées que je vous propose en boutique : le cyprès, arbre européen, cette fois, autrefois consacré à Hadès, et dont je fais des bracelets dans ce but.

Bracelet cyprès Père Hadès

Je fais aussi des bijoux pour Athena – et les Olympiens – avec des perles en bois d’Olivier, son arbre consacré. Ils ne sont pas odorants mais respectent la tradition grecque de l’Antiquité

Bracelet Protection hellénique bois d’olivier

En réalité, des bois ou autres végétaux parfumés dont on fait des perles, il en existe dans beaucoup de civilisations : l’Afrique en fait de traditionnels en gowé, dont l’odeur est magnifique et qui servent surtout à la séduction et aux rapports amoureux, le Maghreb en fait aussi de traditionnels et dans lesquels entrent les clous de girofle, notamment.

Le monde arabe, lui, aime les chapelets musulmans en bois d’agar, leur légendaire bois de oudh originaire d’Asie. Mais d’autres encore, jamais vus ou jamais sentis ayant pourtant existé : un bracelet mala en fèves Tonka, dont la mention a été rencontrée dans un livre de littérature classique Chinoise : Le rêve dans le pavillon rouge.

Vous l’aurez compris, si je donne autant de place aux bijoux parfumés en bois odorants ou mélanges de plantes, c’est qu’elles ont un vrai rôle – souvent relié à la religion et au sacré – dans les parfums traditionnels du monde entier et qu’il est temps de renouer avec la merveilleuse diversité de nos traditions à tous en matière de parfums naturels.

Cet article et photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Quels cosmétiques au Labo ?

Le Labo de Cléopâtre est, depuis ses débuts, un projet de reconstitution autour des parfums et cosmétiques de l’Antiquité, qui a commencé avec Cléopâtre. Mais comme dans tout domaine, il n’est pas d’objet d’étude qui ne soit, de près ou de loin, relié à son hérédité. La durée d’un cosmétique dans le temps va donc souvent du cosmétique historique au cosmétique traditionnel s’il est adopté durablement. Le cosmétique industriel, de conception moderne, a la même origine mais s’éloigne de la tradition et des croyances pour atteindre des buts plus directs.

Dans mon livre Fabriquez vos soins naturels de l’Antiquité, vous avez l’exemple type de ce qu’est un cosmétique historique, et ses liens avec les cosmétiques traditionnels : Il est aussi assez courant de trouver des cosmétiques de l’époque gréco-romaine – devenus historiques car plus employés dans notre société – toujours vivaces dans une autre société qui y accorde de l’importance et continue de les employer.

L’adage : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » se vérifie donc aussi beaucoup en matière de sciences, techniques et savoir-faire. Ainsi, bien que la société égyptienne ait abandonné la culture de ses anciens pharaons depuis l’Antiquité, la médecine populaire conserve et pratique toujours des recettes médicales inchangées depuis l’époque des pyramides. Un savoir qui a paru bon, utile, auquel on a crû ne disparaît jamais totalement : soit il est conservé intégralement, soit il est transformé, soit une autre société le conserve.

Sachant cela, je fais donc la distinction entre cosmétique historique, traditionnel et industriel.

– Le cosmétique historique a une recette datée – mème si elle peut se prolonger sur des millénaires durant – après laquelle il n’est plus du tout pratiqué. Bien que ce ne soit pas un cosmétique, je pense ici au kyphi, qui commence son office dans l’Egypte antique et dont on retrouve encore la recette dans les remèdes pharmaceutiques du 17-18 ème siècle.

– Le cosmétique traditionnel, toujours vivant, remonte à des temps ancestraux et continue d’être pratiqué par une ou plusieurs sociétés. Il a les caractéristiques d’un produit traditionnel : il emploie des matières premières et locales, spécifiques d’une société qui en connaît les vertus depuis des siècles. Il associe des connaissances chimiques anciennes à des savoir-faire imprégnés de culture.

– Le cosmétique industriel, conçu, testé et développé selon les dernières connaissances technologiques, vise un résultat précis à un coût fixé par la gamme de produits dans laquelle il s’inscrit et qui va déterminer le choix des matières premières et des techniques. C’est le plus rentable quand on se fixe un objectif esthétique, mais c’est le moins connecté à du culturel.

Dans la boutique du Labo de Cléopâtre, je ne vais évidemment proposer que les 2 premiers types de cosmétiques puisqu’ils ont tous 2 un lien avec la reconstitution : historiques, ils appartiennent au passé, traditionnels, ils sont toujours employés quelque part sur la Terre, et selon des critères et valeurs culturels qui nous sont étrangers mais dont les racines symboliques sont fortes.

En tant que projet de reconstitution des parfums et cosmétiques anciens, ce ne sont donc pas des produits faciles d’accès qui vous sont proposés dans le boutique du Labo, dès lors qu’il y aura écrit « historique » ou « traditionnel » – même s’il n’est évidemment pas question de vous proposer des produits toxiques comme les anciens fards au plomb qui ont sévi de l’Antiquité jusqu’au 18 ème siècle et plus !

Bien évidemment, c’est moi qui réalise les recettes, les conditionne et leur donne leur orientation dans une offre produit pas du tout calibrée pour l’industrie et l’usage cosmétique habituel. Pour autant, les recettes, issues de documents, sont suivies autant que possible à la lettre et ce d’autant plus que le produit est diffusé dans un but de connaissances et de transmission de certains savoir.

Il y aurait ainsi plein de choses à dire et découvrir en comparant un noir aux yeux du commerce avec un khôl traditionnel algérien ou bien encore avec un kajal indien noir profond; un parfum au solvant alcoolisé à 99% de molécules chimiques et un parfum huileux à 100% enfleurage. C’est une question de matières premières, de techniques, de savoir-faire et de culture qui se voit au résultat, mais à condition d’y être attentif, d’être connaisseur ou passionné. Autant dire que ce n’est pas forcément accessible au premier venu, et encore moins à quelqu’un qui cherche juste à se maquiller ou trouver un soin quelconque !

En somme, à quoi ressemble un cosmétique traditionnel ? A un plat du terroir, une recette qu’on connaît depuis des siècles, voire, des millénaires, qui ne se serait pas démodée et que toute une société approuve.

Et à quoi ressemble un cosmétique historique ? Un plat du terroir que l’usage n’a pas conservé car on a trouvé moins cher, plus efficace ou que les ingrédients dont il est composé ne se trouvent plus facilement et qu’il a fallu y renoncer.

En résumé, vous voulez acheter un cosmétique ? De bonnes boutiques agrées vous en proposent un peu partout et à tous les prix.

Vous voulez découvrir l’histoire des parfums et cosmétiques ? Bienvenue au Labo de Cléopâtre .

Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Fabriquez vos soins naturels de l’Antiquité

Vous suivez ce blog et êtes déjà intéressés par mon travail depuis longtemps ?

Si vous voulez en apprendre plus, sachez que mon projet s’est aussi incarné dans un livre qui sortira ce 27 mai 2021 chez Améthyste, du groupe Alliance Magique. Et déjà en prévente à partir de ce jeudi, avec un marque-page offert pour les 50 premières commandes.

Qu’est-ce que vous allez retrouver dans ce livre ? Exclusivement des recettes de beauté datant authentiquement de l’Antiquité, que j’ai cherchées dans les livres anciens pendant des années. Ces recettes concernent toutes ce qu’on peut appeler la médecine ancienne de notre civilisation.

Oui, il y a dedans des recettes de Cléopâtre, la reine d’Egypte ayant aussi été une référence médicale au point que les médecins compilateurs ont conservé quelques-uns de ces écrits en les copiant et citant leur origine.

Mais il y sera surtout question de beauté, hygiène, soins et parfums. Vous vous demandez comment les Anciens nettoyaient leur visage, leurs cheveux, leurs dents, comment ils teignaient leurs cheveux ou se maquillaient et comme ils prenaient soin de leur peau ?

Je vous le raconte dans ce livre en vous , de manière très facile et accessible, vous donnant la possibilité de faire de même. C’est donc à un voyage dans le temps et en beauté que je vous invite avec cet ouvrage. Une dimension que vous connaissez bien si vous suivez le blog du Labo de Cléopâtre depuis longtemps.

Un voyage où ne sont invitées que des matières premières, principalement végétales et quelquefois dérivées d’animaux mais dont vous avez l’habitude comme la cire ou le miel.

Ce sera aussi l’occasion de comparer avec les autres cultures traditionnelles des soins de beauté : monde indien et arabo-musulman.

Alors, je vous embarque ?

Les photos et illustrations sont toutes de Céline Morange et de son équipe au sein d’Améthyste, du groupe Alliance Magique.

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Partez découvrir les secrets de beauté au temps de Cléopâtre avec Fabriquez vos soins naturels de l’Antiquité ! Avec cet ouvrage, vous apprendrez à confectionner vous-même vos propres soins naturels avec des ingrédients accessibles, le tout accompagné de nombreuses références historiques. ❤️

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Les huiles parfumées

Dans l’atelier et à la boutique Etsy du Labo de Cléopâtre, les parfums sous forme liquide sont tous des parfums huileux. Et pour cause : c’étaient les seuls parfums qu’on faisait dans l’Antiquité, et qu’on continue de pratiquer dans les pays musulmans pour respecter l’interdit de l’alcool. A strictement parler, il n’existe pas que des parfums huileux, car on a aussi connaissance d’un parfum d’onction de l’Egypte antique qui se faisait à base de vin, mais je n’en ai rencontré à l’heure actuelle qu’une seule mention et une seule utilisation : celle d’un parfum pour statues de temple.

Nulle part il n’est fait mention de parfum alcoolisé pour autre chose que des statues divines, les hommes et les femmes, devant, eux, se contenter d’huiles parfumées jusqu’à la Renaissance, environ, où la maîtrise de la distillation et le nouvel intérêt pour les parfums orientaux – découverts lors des Croisades – créeront une conjonction favorable pour faire apparaître les premières senteurs extraites des solvants de l’alcool – et ainsi conservées.

De l’Egypte ancienne à la Grèce, en passant par Rome, c’est un monde olfactif maîtrisé par l’Homme qui se construit essentiellement autour de l’huile, au point que l’archéologie a révélé dans les échoppes même des parfumeurs anciens, des pressoirs à l’huile destinés à la confection des parfums. Ces parfums avaient une fonction assez large dans la société, et si les parfumeurs viennent des catégories sociales parfois les plus basses, nombreux sont en revanche, ceux qui s’enrichissent rapidement.

De fait, le parfum huileux est utilisé en médecine – de Théophraste à Dioscoride, recettes de parfums et leurs vertus ont été consignées dans leurs ouvrages -, pour la séduction – comme dans les comédies d’Aristophane en témoignent -, jusqu’aux pratiques funéraires – témoins les nombreux balsamaires qui ornent les musées principalement parce qu’on en trouvait dans les tombes, le parfum ayant fait partie de l’ancienne toilette des morts – et enfin comme signe distinctif de richesse.

Une multitude de fonctions qui explique facilement comment les parfumeurs pouvaient s’enrichir rapidement, et ce d’autant plus que leurs échoppes étaient décrites comme des lieux de rencontres, d’échanges où circulaient nouvelles politiques, ragots et potins, qualité qu’on attribua aux coiffeurs à l’époque moderne.

Les huiles parfumées envahissent donc la société, du gymnase au cabinet du médecin en passant par les gynécées, les thermes, les lupanars, et jusqu’à la dernière demeure. Un comportement toujours entre le profane et le sacré, d’abord par l’utilisation de l’huile d’olive, la pourvoyeuse de vie, de lumière, de médecine, et qui assure la conservation de ce qui y était immergé, corps organiques soumis à la putréfaction ou parfum des divers aromates qu’on emprisonne dans ce « corps » qu’est l’huile, le don sacré d’Athéna.

Ce lien entre l’huile d’olive et la sacralité se retrouve dans le judaïsme, où, pour marquer la visite de Dieu à Béthel – révélée à Jacob par son rêve, celui-ci enduit une pierre d’huile d’olive, localisant ainsi le lieu de la présence divine – Genèse 28. 16-19. Si la pierre ne servit pas de fondation à la construction du temple, elle fut en revanche utilisée pour les cérémonies religieuses et servit donc au culte.

Dans le judaïsme, donc, l’huile d’olive – et par extension, le parfum huileux – paraît bien bien plus liée à la sacralité que dans le monde gréco-romain, comme en témoigne cette recette de parfum d’onction donnée par Dieu lui-même pour les instruments du Temple – dont le parfum devait être réalisé par des parfumeurs pour un usage néanmoins strictement réservé au lieu sacré, sous peine d’exclusion de la société – . Ce parfum servait à sacraliser les objets, à les destiner exclusivement au service religieux, contrairement aux autres objets qui, profanes et ordinaires, n’étaient pas consacrés – littéralement sacrés avec.

Un usage qu’on retrouve dans la façon de sacrer un roi dans le judaïsme, certes, mais aussi un prophète, une messiah – oint, enduit d’onguent en hébreu – et dont l’équivalent en grec se dit Christos, qui a donné le Christ. Le Messie, le roi, le Christ, c’est toujours celui qui a reçu l’huile sacrée qui va faire de lui l’élu.

Une pratique qu’on va retrouver chez les rois de France qu’on oint avec une ampoule d’huile sainte depuis le sacre de Clovis, à Reims, et dont le rituel pourrait avoir pour origine un amalgame entre la croyance en la pratique de l’onction sacralisante de type juif, avec les rituels funéraires romains dans lesquels on enduisait d’huile le corps du défunt.

Si pour vous, il vous semble étrange d’oindre de façon durable avec de l’huile d’olive parfumée, voici les paroles de Gérard Lafond, Abbé de Wisques, rapportées par Magali Aimé dans Le coeur des arbres : »Tout objet qui a reçu une onction d’huile d’olive se laisse pénétrer par elle et ne pourra plus jamais retrouver son état premier. » Ce qui est juste, et qui marqua sans doute la sacralité de manière évidente dans un monde qui n’utilisait pas encore vraiment le savon.

Dans la boutique du Labo, vous trouvez plusieurs parfums huileux, de recettes plus ou moins précises et de différentes fonctions :

 

Le kyphi de Damocrates

Lors de diverses recherches sur le kyphi, un bon article en ligne qui lui était consacré prétendait que celui-ci avait été utilisé en médecine jusqu’au 13 ème siècle. Pour moi qui reconstitue des kyphis historiques en essayant d’aller au plus près de la recette originale, pouvoir retrouver la recette de ce kyphi tardif était un rêve. Mais c’était surtout la preuve que ce produit avait fait partie de l’histoire de la médecine et des parfums jusque très tardivement.

De là à penser qu’on l’avait utilisé jusqu’au 18 ème siècle, je ne m’y serais pas risquée. Et pourtant. C’est bien une recette de kyphi, employé comme remède parmi d’autres recettes de la pharmacopée des siècles allant de Louis XIV à Louis XV que je retrouvai un jour dans un manuel de pharmacie ancienne. Une trouvaille qui avait de quoi étonner si on ne se souvenait des pièces de Molière – comme Le médecin malgré lui – qui raillent une médecine d’un siècle où parler latin et citer les Anciens suffisait à faire illusion et imposer le respect. De fait, les livres de pharmacie de cette époque sont pleins de recettes de Galien, d’Avicenne et autres médecins de l’Antiquité et du Moyen-Age.

Dans ces circonstances, il n’est donc finalement plus si étonnant d’y retrouver une recette de kyphi. Celle-ci est mentionnée comme la recette de Damocrates, un médecin de l’Antiquité assez tardive qui a réellement existé mais que je n’avais jamais rencontré lors de mes recherches.

Le kyphi, je le connais bien, je le pratique très régulièrement, et il doit être le produit le plus vendu de ma boutique de par le monde. Pour autant, un kyphi comme celui-là, je n’en avais encore jamais vu ni fait. Effectivement, sur une base d’ingrédients identiques, le kyphi de Damocrates s’est payé le luxe de la nouveauté, m’a surprise et contrainte à l’adaptation pour le réussir.

En effet, ce kyphi se présente comme n’importe quelle autre recette classique : des raisins trempés dans du vin, du miel, des résines et des aromates. Jusque-là, c’est un kyphi traditionnel. Sauf que le poids et le volume d’aromates et résines dépasse largement le mélange fruité, ce qui donne à la pâte une texture tout à fait inattendue. Si bien qu’à ma grande surprise, à la fin du mélange, je me retrouve avec un produit à la texture de pâte sablée plutôt qu’à celle de la purée fluide dont j’avais l’habitude.

Pas habituée à cette texture, je décide malgré tout de la façonner immédiatement, parce que c’est écrit de les façonner tout de suite – contrairement à la pâte de kyphi traditionnelle qui nécessite plusieurs jours de séchage avant que ce soit possible. Alors, oui, ça peut et même doit se façonner immédiatement. Car contrairement à d’habitude aussi, la texture ne colle pas et prend immédiatement la forme qu’on lui donne – et ce avec une plus grande rapidité que d’ordinaire. Sa grande malléabilité me pousse alors à utiliser des moules – ce qui devient possible pour la première fois, avec ce nouveau kyphi.

Au lieu d’un kyphi réalisé en plusieurs semaines voire plusieurs mois, je me retrouve avec un produit moulé en une après-midi, et sur lequel il n’y aura plus de travail à faire ! Les gens de l’Antiquité avaient donc trouvé au fil des siècles, le moyen de moderniser à ce point ce produit que la forme encore usitée chez nous au 18 ème siècle était une sorte de kyphi express, plus riche en ingrédients odorants et supposément actifs que ceux des premières recettes qu’on brûlait à la divinité.

Avec sa formule inchangée sauf dans le nombre d’ingrédients aptes à transformer la texture du produit de façon à être utilisé très rapidement en médecine par les Grecs, le kyphi de Damocrates semble nous raconter l’histoire de l’évolution d’une technique de production d’un médicament qu’on semblait trouver efficace depuis son origine mais qu’on a voulu rendre disponible beaucoup plus rapidement. Du supposé Damocrates, contemporain de Pline, au manuel de pharmacie où a été trouvée la recette – qui laisse supposer que celle-ci était encore un remède qu’on faisait couramment – il y a bien 17 siècles de distance ! Et pourtant ! Bien qu’il semble être resté le seul utilisé en médecine, force est de constater que le kyphi de Damocrates est loin d’être resté un produit de l’Antiquité.

Dans sa version laïcisée, médicalisée et expresse, il semble avoir conservé assez de prestige et de croyance en son efficacité pour traverser les millénaires au-delà d’une fonction d’encens destiné au dieu Râ, au point même d’avoir fait partie de l’histoire de la médecine et de la pharmacie françaises.

Au passage, cela semble aussi nous raconter l’histoire d’un produit qu’on a voulu rendre plus efficace en augmentant sa vitesse de production, lui permettant peut-être d’être aussi durable dans le temps, à la faveur conjuguée de sa réputation de longue date et de sa grande aisance de production et d’utilisation dans un monde qui avait de plus en plus besoin de remèdes.

Vous retrouvez le kyphi de Damocrates sur la boutique du Labo. Contrairement aux autres kyphis, il est maniable et chaque pastille peut se casser très simplement pour l’employer de façon plus durable.

– Le kyphi de Damocrates sur la boutique du Labo

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Cet article et photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Tous les parfums de l’Arabie…

Depuis les années 70, l’Arabie évoque le pétrole, les états à la puissance économique fulgurante grâce à l’or noir. Mais traditionnellement, depuis l’Antiquité, l’Arabie est la zone géographique mythique des parfums. Et ce n’est pas sans raison puisque la plupart des plantes à parfum y poussaient ou bien y faisaient l’objet d’un commerce très prisé passant par son territoire, ce qui contribua à créer une des toutes premières routes commerciales de l’histoire : la route de l’encens.

De fait, dans le monde méditerranéen, la majorité des plantes à parfum étaient exotiques, rares et donc luxueuses. Il existait pourtant bien des aromates européens tels que l’iris, l’origan, le laurier ou même la rose; mais rien n’était apprécié comme les gommes-résines d’encens, de myrrhe, de baume, de labdanum et les racines et écorces exotiques comme le nard, la cardamome, etc.

Pour gonfler les prix, les marchands racontaient des histoires fabuleuses sur la provenance et la récolte de ces aromates d’exception. Ces fables ont été rapportées par les historiens de l’époque :

« Il est vrai que même les constituants du sol répandent des vapeurs naturelles semblables à d’agréables parfums qu’on brûle. Aussi en certains endroits de l’Arabie, quand on creuse le sol, trouve-t-on des veines odoriférantes dont l’exploitation donne naissance à des carrières de dimension colossale; on en extrait des matériaux pour construire des maisons… »

Diodore de Sicile, Bibliothèque historique. II, 49.

« Du côté du Midi, la dernière des terres habitées est l’Arabie; c’est le seul pays du monde qui produise l’encens, la myrrhe, la cannelle, le cinnamome et le labdanum. Tout cela, sauf la myrrhe, n’est pas conquis sans peine par les Arabes (…) car les arbres qui portent cet encens sont gardés par des serpents ailés, de petite taille, de couleurs diverses, qui se tiennent en grand nombre autour de chaque arbre, ceux-là même qui attaquent l’Egypte (..) »

Hérodote, Histoire III. 107

D’après Hérodote, le phénix lui-même, animal mythique qui renaît de ses cendres et qui est un symbole bien connu, doit lui-même sa force d’immortalité à sa consommation et sa vie d’une grande pureté puisque faites exclusivement de parfums.

Ces récits merveilleux, bien connus dans l’Europe cultivée d’autrefois, font dire à Lady Macbeth, pour exprimer l’immensité insurmontable de son crime dans la pièce de Shakespeare : « Reste toujours l’odeur de sang : tous les parfums de l’Arabie n’adouciraient pas cette petite main. »

Tout cela, ce ne sont que de vieilles légendes.

Et pourtant, lorsque vous suivez la route des parfums antiques, vous croisez toujours le chemin des pays arabes, des arbres à encens poussant au Yémen et surtout au Sultanat d’Oman, petit état qui possède les meilleures résines du monde.

A Muscat, la capitale, l’encensoir géant est le symbole de la ville comme du pays, reflétant la culture des habitants qui possèdent tous un encensoir servant à parfumer vêtements et pièces à vivre au point d’imprégner chacun d’entre eux et parfumer ainsi, sans qu’ils ne s’en rendent plus compte, tout l’espace où ils se déplacent. Une réalité qui rappelle les propos de Théophraste, dont les paroles ne paraissent plus aussi imagées qu’on aurait pu le croire :

« En Arabie cependant la brise qui souffle de la terre est, paraît-il, chargée de parfums. »

Théophraste, Recherches sur les plantes. IX, 7.

De fait, si l’Europe a perdu son goût pour les parfums en devenant chrétienne, l’Arabie, terre de parfums, n’a rien perdu de cette tradition en devenant musulmane puisque se parfumer fait partie des préceptes religieux, contribuant à en valider la pratique, la sacraliser et la faire perdurer.

Dans les pays arabes, en effet, la consommation de parfums est près de trois fois plus élevée que la nôtre, comme c’était le cas pour nous dans l’Antiquité, et touche de la même manière hommes et femmes. Les autres liens de la culture arabe avec le goût européen pour les parfums dans l’Antiquité sont nombreux :

  • Les matières premières, nobles, sont identiques : de l’oudh, de la rose, des gommes-résines odorantes qui font d’ailleurs toujours la base des parfums orientaux les plus estimés.
  • La base est composée d’huile et non d’alcool – l’alcool étant interdit en Islam.
  • Les manières variées de parfumer, qui vont de l’aspersion à la fumigation, pratique très courante pour parfumer via les bakhoor – encens parfumé très délicat.
  • Le lien entre le parfum et l’acte sacré, festif ou d’hospitalité.
  • Le goût pour les senteurs naturelles puissantes peu nombreuses mais de grande qualité.
  • Les mélanges : les Emiratis mélangent volontiers les parfums entre eux pour créer une senteur unique. C’était aussi le cas dans l’Antiquité où on obtenait des notes d’intensité variable en mélangeant les quelques parfums existants.
  • Le goût pour les parfums transcende les genres en dépassant les notions de parfums masculins ou féminins, faisant par exemple qu’hommes et femmes peuvent porter de la rose. Dans l’Antiquité aussi, les notions de parfums pour hommes ou pour femmes ne sont jamais évoquées.

Enfin, et c’est certainement une chose peu connue, mais de l’aveu même des créateurs, c’est l’influence des pays arabes et leur grande passion pour les parfums qui a permis à cette industrie de se renouveler de façon à la fois créative et qualitative.

Un peu plus sur le parfum dans la culture arabe : ici.

( Photo à la Une : encensoir géant de Muscat, capitale du Sultanat d’Oman. Posté par Lars Plougmann sur Flickr ici. )

Cet article est la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de le reproduire sans l’autorisation de son auteur.