Khôl parfumé de Pline

Nouveau sur la boutique, un authentique khôl d’après une recette antique que j’ai décidé de refaire. C’est une recette trouvée chez Pline l’Ancien, assez évasive dans ses étapes comme dans ses proportions et dont il m’a fallu retrouver la logique. Elle est faite sur base de noyaux de dattes, un ingrédient loin d’être rare au Maghreb, dans les recettes de khôl artisanal maison. Au Maghreb, bien souvent, les cosmétiques sont faits par les femmes, pour les femmes, d’après des recettes traditionnelles d’une grande ancienneté. Ces recettes, très locales, mêlent produits ordinaires de l’environnement et plantes à parfum brutes sans autre ajout. Et chaque région, chaque femme peut avoir sa recette, utilisant minéraux, végétaux, auxquels on peut ajouter une épice légèrement piquante pour assainir le blanc de l’oeil et le rendre ainsi plus beau.

La recette de Pline, qu’on retrouve d’abord chez Dioscoride, est 100 % végétale, loin de la galène et de l’antimoine – oxydes de plomb qu’on retrouve dans les khôl depuis les débuts de la médecine égyptienne et qu’on continue de retrouver au Maghreb, mais dont la toxicité est bien attestée par divers empoisonnements et intoxications -. Un problème qui demeure, dans un contexte de tradition et d’absence de normes sanitaires et de sécurité. Les recettes de beauté ou les remèdes médicinaux traditionnels d’Afrique peuvent en effet remonter à des millénaires, comme le démontrent les recettes encore utilisées aujourd’hui en Egypte, et qu’on trouve presque à l’identique dans les papyri égyptiens de médecine.

L’autre particularité de cette recette est d’être parfumée. Un détail qui peut n’être pas perçu par un nez moderne, notre capacité à faire des parfums ayant bien changé, et notre rapport à l’odorat également. A l’époque, pas d’huile essentielle, on parfume au nard, une sorte de valériane qui pousse dans l’Himalaya et qui est venu enrichir les matières premières constituant les parfums du monde méditerranéen à la suite de la conquête de l’Inde par Alexandre. Une senteur puissante qu’on retrouve mentionnée dans la Bible, et plus particulièrement dans une scène de la vie de Jésus, mais qui, dans ce khôl, passe plutôt inaperçue.

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Une indication temporelle pour cette recette qui ne se pratiqua donc qu’à partir de l’époque ptolémaïque, dynastie de Cléopâtre, et pourquoi pas une indication spatiale – du côté de l’Egypte, justement. L’utilisation du noyau de datte dans d’autres khôl artisanaux algériens retrouvés dans des livres contemporains de secrets de beauté d’Orient tendrait justement à lui supposer une origine nord africaine.

Sachant que cette recette n’est pas décrite de façon intégrale, j’ai décidé d’en faire un khôl potentiellement liquide. Pourquoi potentiellement ? Parce qu’au Maghreb, le khôl est utilisé sec. On l’applique dans son oeil à l’aide d’un bâtonnet et sert bien souvent à ne provoquer qu’une ombre discrète et un regard plus intense le lendemain de son application. Un emploi du khôl finalement tout en nuance..

En revanche, en Egypte antique, la présence de cuillère à fard parfois très sophistiquées dont les historiens ne savent pas toujours trop à quoi elle servait, doublée de la représentation  des yeux cerclés de noir bien marqués qui nécessitent un tracé plus précis semblent orienter vers l’utilisation assez probable d’un khôl liquide.

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Une goutte d’eau dans une pincée de fard mélangée dans un coquillage – réellement utilisé comme cuillère à fard en Grèce, comme on peut le voir au Musée archéologique d’Athènes – suffit à changer la matière du mélange. Il est possible de ré-humidifier après séchage pour retrouver la même texture et faire de nouveau un tracé précis.

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C’est donc un authentique khôl de l’Antiquité que vous pouvez retrouver dans la boutique du Labo, réalisé dans ses étapes mentionnées chez Pline et Dioscoride, dont la recette circulait déjà de façon certaine au 1 er siècle de notre ère, il y a donc 2000 ans.

Il est important de noter que cette recette et ce produit sont avant tout historiques et de collection, vous permettant de découvrir physiquement et dans ces aspects réels, un cosmétique de l’Antiquité, mais qu’il n’est lui-même pas considéré actuellement comme un cosmétique, et n’est donc pas conçu pour la peau. Il est le résultat d’une reconstitution historique et n’a donc été testé que par moi et quelques proches. Le Labo de Cléopâtre décline toute responsabilité en cas d’utilisation sur la peau.

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Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

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