Le cosmopolitisme du kyphi

Le kyphi, c’est l’encens sacré de l’ancienne Egypte sur base de mélange de résines, aromates, miel, raisins et vin. Associé à la culture de l’Egypte ancienne, on en retrouve la première mention dans le papyrus Ebers, le premier écrit médical de l’histoire datant de 1500 avant J-C environ. A cette époque, il n’est pas encore fait mention du raisin dans une recette qui se présente comme une liste d’ingrédients qui le composent. Plus tard, la recette devient la spécialité de certains temples comme celui d’Edfou où les murs qui ont abrité sa réalisation conservent la recette gravée sur ses murs.

Le kyphi, « le deux fois bon », est un parfum, un médicament et un encens qu’on fait brûler le soir pour la divinité. On la brûle, on en agrémente le vin, on assainit les maisons avec, et bien qu’il ne soit pas alimentaire, il a tout d’une sorte d’aliment éternel et miraculeux, une panacée qui contenait aussi quelques plantes toxiques et certainement doucement hallucinogènes, que peut peut-être avoir évoqué son qualificatif de « deux fois bon ».

Par la suite, les textes grecs évoquent les moeurs égyptiennes, comme celui de Plutarque dans Isis et Osiris, ont pu donner des compositions de kyphis aux ingrédients parfois aujourd’hui impossibles à trouver, toxiques comme dans le cas de la jusquiame, ou encore difficiles à identifier de façon certaine. C’est d’ailleurs ce qui rend le travail de reconstitution plus difficile puisqu’il faut d’abord décider de faire ou non un produit qui ne sera de toutes façons jamais le vrai kyphi de l’Antiquité; puis comment faire pour faire des choix, selon quelles proportions et autres qualités attendues dans un kyphi.

Car faire cet encens si particulier est long et fastidieux, aussi bien dans la recherche, la mise au point de la recette, la réalisation des étapes, le séchage de la pâte et le façonnage en pastilles.

kyphi

L’histoire de l’Antiquité toute entière est marquée par la présence, dans sa culture, du kyphi, qui a certainement excédé les frontières de l’Egypte pour incarner un rêve, une sorte d’idéal parcourant les livres de médecine pendant près d’un millénaire, puisqu’on en retrouve encore une recette au XIII ème siècle, dans le manuscrit d’un monastère.

Mais auparavant, Dioscoride, Galien, Rufus d’Ephèse, la médecine araméenne, tous auront donné une recette de kyphi au chapitre de leurs remèdes pour soigner différents maux qu’ils le pensaient capable de soulager.

Il n’est pas jusqu’à une recette de Pylos mentionnant des ingrédients spécifiques au kyphi – auquel ne manque que les résines- qui laissent deviner l’influence du célèbre remède égyptien sur une façon très locale de concevoir le parfum et le remède.

Car dans l’Antiquité, il ne faut pas oublier que les deux sont indissociables : les parfums, les senteurs ont des vertus spécifiques qui vont justifier ou non leur emploi, ce qui pourrait faire partie – avec les facilités d’accès ou non d’un ingrédient dans une localité donnée – des raisons pour lesquelles les recettes de kyphis peuvent changer selon les pays, les régions, et peut-être même les époques.

Mais qu’on y réfléchisse bien, et on verra exactement les mêmes caractéristiques avec des recettes traditionnelles et séculaires qu’on a jugé bon de conserver. Ainsi, combien peut-il exister de recettes de masala, de Ras-el-Hanout, de couscous, et d’autres plats, sauces, mets traditionnels de par le monde ?

Mais de quelle recette médicinale et de parfum à la fois l’histoire peut-elle en dire autant ? Avec le kyphi, elle le peut, par un cosmopolitisme que n’ont ensuite atteint les biens de consommation que bien plus tard.

Découvrez quelques aspects du cosmopolitisme du kyphi sur La section kyphi de ma boutique

Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

3 réflexions sur “Le cosmopolitisme du kyphi

Laisser un commentaire