Condiments et mélange d’épices historiques à la boutique du Labo

La boutique du Labo de Cléopâtre a déjà 8 ans ! L’expérience elle-même et le blog courent bientôt sur les 10 ans. Si vous me suivez, vous savez que le Labo de Cléopâtre, c’est d’abord et avant tout un petit projet de recherche en archéologie expérimentale qui tente de ressusciter d’authentiques recettes anciennes, principalement d’encens et de parfums.

Mais le saviez-vous, la notion de parfum dans les époques antérieures englobe un domaine plus vaste que celui d’odeur qu’on diffuse volontairement dans l’atmosphère ou sur son corps. Elle comprend aussi les senteurs et saveurs destinées à la cuisine mais plus encore à la médecine. On peut d’ailleurs hasarder que chaque fois qu’il est possible d’outrepasser les nécessités du simple fait de se nourrir à partir de ce qu’offre le terroir et le commerce plus vaste – des épices d’Orient et des bières de Gaule, entre autres – pour concevoir des recettes à visée médicinales, les cuisiniers s’y adonnent. Et ce de façon consciente ou inconsciente, ne serait-ce que parce que les parfums ont toujours été aussi considérés comme des remèdes, même encore aujourd’hui.

C’est ce qui ressort des divers ouvrages de médecine comme de cuisine ancienne, où chez Apicius et Galien, notamment, on cite régulièrement les bienfaits d’un aliment, d’un condiment, d’un mélange d’herbes, etc..

Les préparations du Labo

  • Le defrutum

J’ai commencé par des defrutum que je faisais pour moi afin réduire le sucre ajouté de mon alimentation. En effet, cette sorte de mélasse de fruits purs extrait le sucre naturel du fruit en le concentrant. J’ai beaucoup travaillé sur fruits secs avec parfois des résultats inégaux tant les fruits peuvent avoir des propriétés différentes, ne serait-ce que dans les taux de sucre qui diffèrent d’un fruit à l’autre. Au fil du temps, j’ai un peu tout tenté avec les defrutum de fruits, même les mélanges.

Le defrutum, dans l’Antiquité, c’était la base des sauces cuisinées que l’on retrouve dans les recettes d’Apicius, en même temps qu’un produit de très longue conservation qui permettait également de garder dans son sirop de fruits cuits la fraîcheur d’un fruit frais. Ces techniques anciennes se rencontrent aussi au Moyen-Orient sous une autre forme : les fruits frais sont conservés dans de solides et hermétiques boites d’argile sans les faire se toucher et peuvent être consommés intacts presque un an après.

Defrutum de figues de la boutique.

On dit que le defrutum pouvait se conserver 10 ans, mais on soupçonne que c’était grâce aux récipients en plomb qui les contenaient. Personnellement, j’en ai fait qui se sont conservés des années en bocal de verre sans perdre ni odeur ni couleur mais à condition d’être très concentrés et non exposés régulièrement aux bactéries. Certains fermentent parfois un peu, mais honnêtement, ça porte peu à conséquence, encore plus si vous l’utilisez comme base de sauce à cuire dans un plat romain que vous cuisinez.

Le defrutum est proposé quelquefois sur le stand du Labo et sur la boutique, et peut être réalisé avec des fruits différents selon la saison où il a été fait. Néanmoins, pour plus de pertinence, je ne vous propose que des fruits communément employés dans l’Antiquité, seul moyen d’approcher la vérité historique.

Lien vers Le defrutum

  • Mélange d’épices

Je trouve les mélanges d’épices toujours très inspirants, ils constituent vraiment une énigme et en même temps un produit archéologique très concret, surtout quand la recette est bien détaillée. Selon moi, il est inutile de faire les mélanges que tout le monde fait : avec ma bibliothèque de recettes historiques et mon riche atelier de plantes à parfum du monde entier, il est plus intéressant d’ajouter à l’offre un mélange authentique, complexe et rigoureusement respecté pour enrichir l’offre d’une vraie recette ancienne.

Autrement dit, ne cherchez pas chez moi d’épices qui soient simples ou bon marché ; mon objectif est d’apporter mon savoir-faire en matière de recettes et de matières premières inhabituelles pour les mettre au service des reconstituteurs et cuisiniers qui veulent travailler rigoureusement la cuisine historique.

Le livre d’Apicius et la recette de sel épicé que j’ai recréé grâce à lui.

C’est pourquoi vous trouverez mon sel d’Apicius à un prix déraisonnable parce que pour respecter la recette, il contient autant de safran qu’il le devrait. L’amour pour cette épice a atteint son paroxysme à l’époque romaine – et divers historiens le rapportent à plusieurs occasions – mais bien évidemment, elle était seulement réservée à l’élite, celle qui a pu élaborer des recettes de cuisine et les conserver par écrit, à l’instar de cet Apicius, premier gastronome de l’histoire à qui on a attribué, 3 siècles après sa mort, la paternité de cet ouvrage. Pour l’ordinaire du peuple, plus de pain, bouillies de céréales, légumineuses que d’épices et de plats mijotés dans des sauces raffinées.

Lien vers le sel d’Apicius

Je propose aussi un mélange d’épices arabes médiévales Atraf-Al-Tib – « côtés de parfum », déjà acheté et utilisé aux États-Unis pour la reconstitution d’une recette ancienne – exactement ce pour quoi je l’ai conçue, ce qui ne peut me faire que plaisir, évidemment. Ce mélange servait pour des préparations assez diverses et surprenantes et entrait même dans la composition des parfums, dont je vous propose une version Ici. Et nul doute que si je trouve d’autres recettes qui m’inspirent et que j’aie envie de faire, je vous les proposerai en boutique.

– Lien vers Atraf-Al-Tib, mélange d’épices arabes du Moyen-Age

  • L’oxymel

Enfin, j’ai décidé de proposer l’oxymel, considéré comme le premier médicament de l’histoire occidentale. Originellement, il associe miel et vinaigre ensemble, mais la recette romaine authentique y ajoute de l’eau de mer et 10 cuissons successives avant de faire vieillir le mélange.

Aujourd’hui, on continue d’utiliser l’oxymel, mais on considère que ses vertus se déploient quand le mélange reste crû – ce qui paraît plus logique, mais la cuisson était importante dans les temps anciens –

Tout est dit sur l’étiquette !

L’oxymel que je vous propose mêle vinaigre de cidre, miel de sapin grec et dictame de Crête. J’ai voulu ce mélange pour vous offrir un Oxymel à saveur grecque authentique et rare, cumulant en plus 2 remèdes médicinaux de l’Antiquité. Un remède médicinal qui a fait son retour après la crise économique en Grèce auprès des gens qui n’avaient plus les moyens de se soigner – tant la médecine populaire fait partie de la mémoire d’une nation, même si elle est très ancienne –

L’oxymel, on peut en ajouter une cuillère à café dans un verre d’eau, jus, tisane et ce 3 fois par jour pour ses vertus médicinales (digestives et anti bactériennes, notamment) ou s’en servir pour faire une vinaigrette. J’ai créé ce produit rigoureusement pour vous le faire découvrir et utiliser de multiples façons.

Lien vers Oxymel au dictame

Et si vous me voyez vous en proposer encore d’autres spécimen, ne vous étonnez pas : ma curiosité semble n’avoir pas beaucoup de limites ! Et si la vôtre vous pousse à vouloir découvrir ces remèdes et saveurs anciens, rendez-vous dans la boutique du Labo de Cléopâtre !

Cet article et photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Découvrir les encens de l’Antiquité

Les premiers parfums de l’histoire sont ceux qu’on a fait brûler, ce que révèle l’étymologie du mot parfum – « par la fumée ». C’était une pratique qui avait lieu un peu partout puisqu’on la retrouve dans les recettes religieuses de l’Egypte antique, dans les textes canoniques de l’Ancien Testament, dans les conquêtes d’Alexandre le Grand, et dans les différents textes de l’Antiquité européenne, qu’ils soient historiques, poétiques, naturalistes ou botaniques.

Dans l’Antiquité, les parfums avaient un statut à part qu’ils ont perdu à la chute de l’Empire romain, à la montée du christianisme et qu’ils ont commencé un peu à retrouver à la suite des Croisades, quand les Européens découvrirent les raffinements de l’Orient, qui avaient été les leurs autrefois.

Aujourd’hui, les encens sont toujours employés dans les églises, les temples et appréciés par ceux qui pratiquent la magie ou une spiritualité. Mais ils ont beaucoup moins la fonction de parfum, celle-ci étant assumée par les différents « jus » à base d’huiles essentielles, molécules chimiques et alcool qu’on ne connaissait pas dans l’Antiquité.

Pourtant, ce qu’on utilisait autrefois comme encens constitue toujours le sommet de la parfumerie d’aujourd’hui, c’est-à-dire la base des parfums orientaux les meilleurs et les plus chers, qu’on trouve toujours dans les grandes maisons comme Amouage, Serge Lutens, ou même les parfums du début du XX ème siècle des grandes maisons et même leurs nouvelles collections Prestige qui tentent de retrouver cette authenticité et cette qualité des premiers parfums.

Pour découvrir les encens de l’Antiquité, impossible d’utiliser comme aujourd’hui les bâtonnets ou les mélanges tout faits car les encens antiques étaient principalement :

  • Des résines

Les exsudations des arbres ou autres plantes sont un véritable réservoir de senteurs toujours plus étonnantes, subtiles et parfois même désagréables dont il faut refaire la conquête pour savoir ce qu’était un parfum antique.

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  • L’oliban

C’est la résine du boswellia, un arbre à encens dont plusieurs espèces peuvent donner des parfums. Le plus estimé et le plus cher, aujourd’hui comme hier, c’est celui du Sultanat d’Oman ( photo à la Une). Mais d’autres étaient aussi employés dans l’Antiquité, par exemple celui d’Ethiopie, offrande probable de la reine de Saba au roi Salomon et qu’on trouve toujours actuellement.

  • La myrrhe ( photo ci-dessus)

Aussi précieuse et chère que l’encens, on en connaissait autrefois plusieurs sortes. C’est toujours le cas actuellement, plusieurs commiphora donnant effectivement des résines odorantes. Néanmoins, il est difficile de savoir si celles employées aujourd’hui correspondent à celles qu’on utilisait autrefois. Seule la résine du commiphora myrrha est la myrrhe originelle et la plus précieuse de cette espèce.

  • Le labdanum

Résine du ciste, arbrisseau méditerranéen donnant des fleurs, les Anciens la croyaient produite par la crasse de leurs moutons dont la laine était pleine quand ils revenaient des pâturages. Les Crétoises le brûlaient pour parfumer leurs corps, cheveux et vêtements. Rare, il est très cher.

  • Le storax, l’opoponax, le mastic du lentisque et le galbanum figurent parmi les autres résines utilisées dans l’Antiquité mais plus dans des parfums huileux. Certains figuraient néanmoins dans la recette du kiphy, de l’encens du Deutéronome ou d’autres mélanges à brûler. img_6825

 

  • Des épices

Elles étaient effectivement beaucoup plus employées en parfumerie qu’en cuisine et certaines étaient utilisées comme parfums à brûler.

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  • La cannelle

La vraie cannelle venait d’Inde, mais les commerçants arabes faisaient croire qu’elle poussait chez eux. On connaissait déjà la vraie cannelle – d’Inde et du Sri Lanka – et la fausse, appelée casse, venue de Chine. Les deux étaient brûlées et c’est une bonne idée que d’essayer les deux.

  • La cardamome noire

Si aujourd’hui on préfère la verte qui est la seule qu’on consomme en Occident, c’était autrefois la noire, plus âcre et fumée, qui était appréciée et qu’on employait dans les parfums.

  • Le safran (photo ci-dessus)

On dit qu’Alexandre le Grand sentait le safran. Toujours aussi cher qu’autrefois, il était surtout utilisé comme parfum à brûler, même s’il était aussi utilisé dans les parfums huileux. Mais il était plus particulièrement estimé à Rome où son emploi atteignit des sommets dans le luxe et l’absurdité, et son excès fut critiqué chez les poètes et écrivains de l’époque.

  • Pour l’expérience olfactive de votre choix :

 

  • Matériel
  • Charbon
  • Pince à charbon
  • Plat ignifugé
  • Flamme
  • Résines et épices de votre choix

 

  • Utilisation

Après avoir complètement enflammé le charbon avec la pince, déposez-le dans le plat ignifugé. Déposez-y la résine ou l’épice de votre choix et laissez-la libérer ses huiles essentielles au contact de la chaleur. Mettez-vous au -dessus de la fumée et faites l’expérience des parfums originels, de ces toutes premières senteurs appréciées de notre histoire.

Quand le produit est presque complètement carbonisé et ne produit plus de fumée odorante sur le charbon, dégagez-le avec la pince et testez une autre senteur ou continuez avec la même selon votre désir.

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