Condiments et mélange d’épices historiques à la boutique du Labo

La boutique du Labo de Cléopâtre a déjà 8 ans ! L’expérience elle-même et le blog courent bientôt sur les 10 ans. Si vous me suivez, vous savez que le Labo de Cléopâtre, c’est d’abord et avant tout un petit projet de recherche en archéologie expérimentale qui tente de ressusciter d’authentiques recettes anciennes, principalement d’encens et de parfums.

Mais le saviez-vous, la notion de parfum dans les époques antérieures englobe un domaine plus vaste que celui d’odeur qu’on diffuse volontairement dans l’atmosphère ou sur son corps. Elle comprend aussi les senteurs et saveurs destinées à la cuisine mais plus encore à la médecine. On peut d’ailleurs hasarder que chaque fois qu’il est possible d’outrepasser les nécessités du simple fait de se nourrir à partir de ce qu’offre le terroir et le commerce plus vaste – des épices d’Orient et des bières de Gaule, entre autres – pour concevoir des recettes à visée médicinales, les cuisiniers s’y adonnent. Et ce de façon consciente ou inconsciente, ne serait-ce que parce que les parfums ont toujours été aussi considérés comme des remèdes, même encore aujourd’hui.

C’est ce qui ressort des divers ouvrages de médecine comme de cuisine ancienne, où chez Apicius et Galien, notamment, on cite régulièrement les bienfaits d’un aliment, d’un condiment, d’un mélange d’herbes, etc..

Les préparations du Labo

  • Le defrutum

J’ai commencé par des defrutum que je faisais pour moi afin réduire le sucre ajouté de mon alimentation. En effet, cette sorte de mélasse de fruits purs extrait le sucre naturel du fruit en le concentrant. J’ai beaucoup travaillé sur fruits secs avec parfois des résultats inégaux tant les fruits peuvent avoir des propriétés différentes, ne serait-ce que dans les taux de sucre qui diffèrent d’un fruit à l’autre. Au fil du temps, j’ai un peu tout tenté avec les defrutum de fruits, même les mélanges.

Le defrutum, dans l’Antiquité, c’était la base des sauces cuisinées que l’on retrouve dans les recettes d’Apicius, en même temps qu’un produit de très longue conservation qui permettait également de garder dans son sirop de fruits cuits la fraîcheur d’un fruit frais. Ces techniques anciennes se rencontrent aussi au Moyen-Orient sous une autre forme : les fruits frais sont conservés dans de solides et hermétiques boites d’argile sans les faire se toucher et peuvent être consommés intacts presque un an après.

Defrutum de figues de la boutique.

On dit que le defrutum pouvait se conserver 10 ans, mais on soupçonne que c’était grâce aux récipients en plomb qui les contenaient. Personnellement, j’en ai fait qui se sont conservés des années en bocal de verre sans perdre ni odeur ni couleur mais à condition d’être très concentrés et non exposés régulièrement aux bactéries. Certains fermentent parfois un peu, mais honnêtement, ça porte peu à conséquence, encore plus si vous l’utilisez comme base de sauce à cuire dans un plat romain que vous cuisinez.

Le defrutum est proposé quelquefois sur le stand du Labo et sur la boutique, et peut être réalisé avec des fruits différents selon la saison où il a été fait. Néanmoins, pour plus de pertinence, je ne vous propose que des fruits communément employés dans l’Antiquité, seul moyen d’approcher la vérité historique.

Lien vers Le defrutum

  • Mélange d’épices

Je trouve les mélanges d’épices toujours très inspirants, ils constituent vraiment une énigme et en même temps un produit archéologique très concret, surtout quand la recette est bien détaillée. Selon moi, il est inutile de faire les mélanges que tout le monde fait : avec ma bibliothèque de recettes historiques et mon riche atelier de plantes à parfum du monde entier, il est plus intéressant d’ajouter à l’offre un mélange authentique, complexe et rigoureusement respecté pour enrichir l’offre d’une vraie recette ancienne.

Autrement dit, ne cherchez pas chez moi d’épices qui soient simples ou bon marché ; mon objectif est d’apporter mon savoir-faire en matière de recettes et de matières premières inhabituelles pour les mettre au service des reconstituteurs et cuisiniers qui veulent travailler rigoureusement la cuisine historique.

Le livre d’Apicius et la recette de sel épicé que j’ai recréé grâce à lui.

C’est pourquoi vous trouverez mon sel d’Apicius à un prix déraisonnable parce que pour respecter la recette, il contient autant de safran qu’il le devrait. L’amour pour cette épice a atteint son paroxysme à l’époque romaine – et divers historiens le rapportent à plusieurs occasions – mais bien évidemment, elle était seulement réservée à l’élite, celle qui a pu élaborer des recettes de cuisine et les conserver par écrit, à l’instar de cet Apicius, premier gastronome de l’histoire à qui on a attribué, 3 siècles après sa mort, la paternité de cet ouvrage. Pour l’ordinaire du peuple, plus de pain, bouillies de céréales, légumineuses que d’épices et de plats mijotés dans des sauces raffinées.

Lien vers le sel d’Apicius

Je propose aussi un mélange d’épices arabes médiévales Atraf-Al-Tib – « côtés de parfum », déjà acheté et utilisé aux États-Unis pour la reconstitution d’une recette ancienne – exactement ce pour quoi je l’ai conçue, ce qui ne peut me faire que plaisir, évidemment. Ce mélange servait pour des préparations assez diverses et surprenantes et entrait même dans la composition des parfums, dont je vous propose une version Ici. Et nul doute que si je trouve d’autres recettes qui m’inspirent et que j’aie envie de faire, je vous les proposerai en boutique.

– Lien vers Atraf-Al-Tib, mélange d’épices arabes du Moyen-Age

  • L’oxymel

Enfin, j’ai décidé de proposer l’oxymel, considéré comme le premier médicament de l’histoire occidentale. Originellement, il associe miel et vinaigre ensemble, mais la recette romaine authentique y ajoute de l’eau de mer et 10 cuissons successives avant de faire vieillir le mélange.

Aujourd’hui, on continue d’utiliser l’oxymel, mais on considère que ses vertus se déploient quand le mélange reste crû – ce qui paraît plus logique, mais la cuisson était importante dans les temps anciens –

Tout est dit sur l’étiquette !

L’oxymel que je vous propose mêle vinaigre de cidre, miel de sapin grec et dictame de Crête. J’ai voulu ce mélange pour vous offrir un Oxymel à saveur grecque authentique et rare, cumulant en plus 2 remèdes médicinaux de l’Antiquité. Un remède médicinal qui a fait son retour après la crise économique en Grèce auprès des gens qui n’avaient plus les moyens de se soigner – tant la médecine populaire fait partie de la mémoire d’une nation, même si elle est très ancienne –

L’oxymel, on peut en ajouter une cuillère à café dans un verre d’eau, jus, tisane et ce 3 fois par jour pour ses vertus médicinales (digestives et anti bactériennes, notamment) ou s’en servir pour faire une vinaigrette. J’ai créé ce produit rigoureusement pour vous le faire découvrir et utiliser de multiples façons.

Lien vers Oxymel au dictame

Et si vous me voyez vous en proposer encore d’autres spécimen, ne vous étonnez pas : ma curiosité semble n’avoir pas beaucoup de limites ! Et si la vôtre vous pousse à vouloir découvrir ces remèdes et saveurs anciens, rendez-vous dans la boutique du Labo de Cléopâtre !

Cet article et photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

L’usage vivant et magique du parfum dans le Hoodoo

Le Hoodoo est un ensemble de pratiques magiques et spirituelles développé en Louisiane à l’époque de l’esclavage. De racines d’abord exclusivement africaines, il s’est enrichi et métissé au cours de son évolution des apports culturels des autres populations pauvres et ostracisées au même titre que les anciens esclaves – amérindiens, descendants de français qui n’avaient pas les moyens de rentrer en France quand Napoléon a vendu la Louisiane aux États-Unis en 1803.

La société louisianaise, très métissée comme il est peu arrivé dans l’histoire, est composée de descendants des premiers colons français, anciens esclaves d’Afrique, population amérindienne première et d’autres, arrivés là à la faveur des migrations et des aléas historiques.

Parmi ces spécificités, les pratiques magiques des anciens esclaves, conçues comme des actions de résistance et d’entraide parmi une population opprimée. Il serait long et inapproprié de décrire ici les principes spirituels du Hoodoo qui a de profondes racines et une riche histoire tout en ayant gagné le statut de véritable culture aux États-Unis et fait l’objet d’études à l’université.

Je vous propose plus simplement de découvrir son rapport aux parfums et produits de toilette – vrais sujet du blog – pour vous faire une idée de son système culturel et de sa richesse folklorique.

En effet, le nombre de recettes d’encens et de parfums divers et variés ne semble pas avoir de limites ! Une pratique plutôt généralisée dans les Antilles puisqu’on la retrouve régulièrement sous forme de lotions à visée spirituelle et magique portant le nom d’un saint ou d’une intention plus directe. Ses racines paraissent être africaines, les parfums connus aux noms évocateurs y étant souvent utilisés pour concevoir des encens à buts spirituels et magiques dans plusieurs sociétés africaines et maghrébines. Des pratiques identiques mais encore plus spécifiques existent là où est pratiquée la polygamie : dans un monde très axé sur la concurrence sexuelle pour s’attacher un homme, les encens et parfums – qui sont l’affaire des femmes – jouent un rôle de premier plan.

Héritier des cultures africaines, le Hoodoo conserve cette tradition des encens et parfums pour le désir, pour séduire, rendre amoureux..Mais tout cela au milieu des autres objectifs infinis que peut projeter l’âme humaine comme la chance, la purification, la richesse, etc..

Encens Hoodoo à but magique .

Une autre pratique à la fois ancienne et moderne très intéressante du Hoodoo est celle des bains, qui trouve ses racines dans les bains rituels et de purification, notamment du judaïsme. Les produits de bain à visée spirituelle en même temps qu’hygiénique rejoint particulièrement des idéaux modernes qui associent depuis fort longtemps les soins de propreté du corps avec des désirs de propreté de l’âme. Produits de bain, savons, nettoyants pour la maison à but spirituel en même temps existent dans le Hoodoo, accompagnant au quotidien les objectifs et les rêves d’une vie. Un judicieux mélange dans une société vivant à un rythme effréné et qui n’a pas toujours de temps à accorder à la réalisation de ses rêves ou la visée de nouveaux projets.

Bain purifiant après travaux spirituels

Les ingrédients utilisés dans ces produits sont étonnamment bien choisis et les recettes sont sûres et précises. C’est du moins ce qui ressort des ouvrages donnant des recettes utilisées dans le Hoodoo mais qui est parfois contesté par les professionnels du commerce : pour faire de l’argent – du moins aux US – beaucoup se contentent de colorer du talc et de le vendre comme un produit magique. C’est dommage, car la tradition, belle et authentique, remonte parfois très loin dans le temps…

Et parce que le Hoodoo est né d’une culture très métissée, on y trouve aussi des classiques de la médecine française des XVIII-XIX ème siècles toujours utilisés comme le Vinaigre des 4 voleurs ou le baume du Commandeur, célèbres en leur temps. Présentes dans la pharmacopée ancienne d’Europe, ces préparations sont toujours utilisées dans le Hoodoo, non comme des curiosité du temps passé mais comme des produits toujours actifs et puissants.

Vinaigre des 4 voleurs

Enfin, le Hoodoo, c’est aussi une très grande utilisation de parfums. Mais un peu comme ce qu’on a pu voir précédemment, les parfums employés le sont à la manière d’une capsule temporelle. Ici, pas de parfums à la mode : les noms de Cologne diverses et de Jockey Club – stars de la parfumerie du XIX ème siècle de France et des Etats-Unis – règnent en maîtres parmi les livres de recettes de parfums pour la chance, la protection, l’amour.

L’eau de Floride, trouvable dans tous les magasins spirituels.

La très grande star, pourtant, c’est l’Eau de Floride de Murray et Lanman, une formule de 1808 très populaire aux États-Unis tout au long du XIX ème siècle et dont l’utilisation dans le domaine spirituel est largement répandue également sur le reste du continent. On lui prête de multiples vertus, tant spirituelles que médicinales, et ses champs d’action semblent couvrir un vaste domaine d’applications possibles : piqûres d’insectes, migraines, désinfection des petites plaies, rafraîchissement, hygiène, etc..

Cette polyvalence l’a certainement rendue célèbre et durable dans la conscience populaire. Au moment de son apparition, l’eau de Cologne était d’ailleurs vantée dans les revues médicales pour les mêmes propriétés qui semblaient infinies, au point qu’on en mettait même dans la soupe !

Texte médical sur les merveilleuses vertus de l’Eau de Cologne.

Enfin, loin des marques à la mode, l’univers du Hoodoo nous transporte notamment dans l’histoire de la parfumerie française de L.T Piver, toujours active mais surtout dans le domaine spirituel où Rêve d’Or et Pompeia, Héliotrope blanc gardent l’aura populaire qu’ils avaient autrefois en aidant l’utilisateur à réaliser les rêves dont ils sont porteurs par leur nom, leur odeur…Un rôle qu’ils ont toujours eu avant le grand triomphe idéologique de la science.

L.T Piver. Lotion Pompeia

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Fous d’histoire du 16/17 novembre 2024

Chers abonnés, un petit post pour vous rappeler que le stand du Labo de Cléopâtre vous attend à l’événement Fous d’Histoire de ces 16 et 17 novembre 2024, dans le second bâtiment du Tigre, salle de spectacles et d’événements de Margny-lès-Compiègne.

Je vous mets ici le lien : vous y verrez tous les renseignements fournis par l’Association pour l’Histoire Vivante, organisatrice de l’événement depuis de très longues années. Achats de billets, informations diverses, listes des artistes et artisans présents à l’événement…

Spectacles, reconstitutions, démonstrations, concerts, échoppes en tout genre et public costumé seront présents et animeront l’événement pour le plaisir de tous.

Suivez le lien pour connaître le programme

Enfin, pour se faire plaisir – parce que depuis le début, c’est un plaisir ! – ma galerie des années précédentes, sans réel soucis de date, au hasard de ce que j’ai trouvé dans mon téléphone….

N’oubliez surtout pas l’adresse !

LE TIGRE 2 RUE JEAN MERMOZ
MARGNY-LÈS-COMPIÈGNE, 60280 FRANCE

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Le Labo de Cléopâtre à Fous d’Histoire 2023

Une fois n’est pas coutume, au lieu d’écrire un article pour vous annoncer ma présence à venir à l’événement Fous d’Histoire de novembre 2023, j’ai décidé d’en écrire un sur l’événement à posteriori, vu uniquement de mon petit stand.

Il faut dire que ma boutique de parfums historiques y vit des aventures assez uniques à tous les points de vue. Depuis plusieurs années que le Labo de Cléopâtre est présent au Marché de l’Histoire de Compiègne, je n’ai eu qu’à me féliciter d’avoir fait la démarche de m’y proposer. Un très bon accueil lui a tout de suite été réservé car ma proposition venait combler le manque d’un sens qui faisait défaut au Marché de l’histoire et à son beau concept affiché d’histoire vivante : l’odorat.

Mais pour le Labo de Cléopâtre, cet événement est une sorte de Brigadoon – du film du même nom dans lequel un village écossais apparaît une fois tous les 100 ans. Une fois tous les 6 mois, la boutique du Labo de Cléopâtre enfile son costume – à tous les niveaux – et offre au monde ce qu’il peut de moins en moins montrer sur la boutique Etsy : des parfums et cosmétiques historiques authentiques reproduits à 100% dans la majorité des cas.

En effet, sur Etsy, c’est plus la dimension ludique, ésotérique ou magique qui sont recherchés par les clients – hormis le kyphi qui a l’avantage d’être autant célèbre chez les historiens que chez les égyptophiles . Mes reconstitutions de parfums historiques y sont peu achetées, peut-être même peu remarquées quand elles n’y sont pas tout simplement absentes parce qu’interdites à cause d’un règlement strict.

Or, l’aventure et la boutique du Labo de Cléopâtre ont commencé par la recherche historique, évolué avec et s’en nourrit exclusivement, offrant un catalogue riche de khôl, poudres visage du 14 ème, 18 ème et 20 ème siècle, parfums huileux de l’Antiquité, savons des 18 et 19 ème siècles, pomander oriental de la Renaissance, encens de tous lieux toute époque et parfums poudreux 18-19 ème siècles, entre autres propositions.

Un catalogue vivant avec lequel je viens chaque fois avec mon stand et que ma clientèle et mes suiveurs sont venus chercher, au minimum pour découvrir les parfums d’autrefois, qu’on concevait à la fois autrement, et sans chimie. Car au Marché de l’Histoire, c’est le produit historique qui est attendu, recherché, estimé.

Alors, oui, je peux proposer enfin des parfums de l’Histoire entièrement reconstitués à ma clientèle qui, parfois découvre, mais le plus souvent connaît déjà le projet, a déjà acheté des produits, lu le livre et tenté des recettes qu’il y avait dedans et avec certitude, est en train de lire cet article…

Photo prise et envoyée par Hélène, à ma droite.

Ce novembre, j’ai ainsi vu passer des gens qui sont là depuis le début et qui viennent toujours me voir, voir les nouveautés que je propose, et surtout, les sentir, discuter des matières premières et des techniques historiques. J’y ai vu des clients fidèles qui reviennent, des nouveaux qui découvrent et puis aussi des sensibilités et cultures différentes, des nez bouchés – beaucoup ! – des exaltés du parfum – parmi mes favoris ! – mais surtout des gens en lien olfactif direct avec leur mémoire – tous !-.

On y voit aussi souvent des professionnels venus faire leur marché pour des médiévales ou pour un projet d’association quelconque.

Esculape est parmi nous…

C’est ainsi que depuis quelques années, l’association Scalpel et Matula, – qui s’attache à raconter en costume l’histoire de la médecine, équipée d’instruments de chirurgie historiques et ou fidèlement reconstitués, fréquente et se fournit en produits parfumés au Labo de Cléopâtre. A cela une raison très simple : avant le 18 ème siècle, les recettes de parfums, encens, poudres, khôl, sont toutes issues de la littérature médicale.

Jocelyn, Michel et Cyrielle à leur stand présentant cette année la médecine de l’Antiquité.

Chaque chercheur et historien sait que de toutes les recettes parfumées qui nous restent, aucune n’appartient au domaine de la parfumerie – pourtant déjà bien distingué du domaine médical dès l’Antiquité. Et de fait, on les trouve chez Dioscoride, Galien, Pline, etc. dont il nous reste les textes, et jamais de Criton – qui a écrit en son temps sur les cosmétiques, sa spécialité – ou même de l’ouvrage d’Ovide sur les cosmétiques, dont il ne reste que de très courts fragments.

Cyrielle me présente les instruments de chirurgie de l’Antiquité.

C’est ainsi que les parfums du Labo de Cléopâtre avaient avant tout une fonction médicinale, les odeurs étant considérées autrefois comme aptes à soigner.

– Le Rhodinion – parfum de rose – avait la fonction de soigner, entre autres, le mal de tête, des dents, les ulcères variés, et les démangeaisons de psoriasis. Ce parfum se prenait aussi en lavement.

– L’onguent de Sénégré était surtout utilisé pour les troubles gynécologiques et purifiait les blessures de la tête, enlevait les taches du visage au point d’entrer dans la composition d’un fard. Lui aussi s’utilisait en lavement, mais aussi en cérat.

– L’onguent de lys avait la particularité de faire disparaître les cicatrices, marques de meurtrissures. Pris en breuvage, il faisait maigrir – peut-être d’abord parce que c’était un vomitif !

– Quant au kyphi – particulièrement celui de Dioscoride, dont les descriptions sont issues – il « se mêle dans les antidotes, et se donne à boire à ceux qui sont serrés de la poitrine ». Le kyphi se donnait effectivement à boire dans du vin, dans les usages médicinaux anciens.

Si vous êtes venus sur le stand, vous reconnaissez ces produits que vous avez très certainement sentis. C’est effectivement une part de l’histoire de la médecine que vous avez donc ainsi rencontrée.

Et si sur mon stand, le fait n’est pas mis en évidence car l’accent est mis sur les odeurs et les belles façons anciennes et naturelles de les concevoir, dans les démonstrations et ateliers pédagogiques de Scalpel et Matula, les produits parfumés du Labo de Cléopâtre reprennent la vraie fonction qu’ils ont eue dans l’histoire, lors de manifestations où on raconte comment on les utilisait.

Les outils de la médecine antique.

Fière de ressusciter les médicaments de l’histoire, de leur donner forme, texture, vie, couleur et odeur. Merci à l’équipe de Scalpel et Matula pour leur confiance en la fiabilité historique de mes préparations.

Enfin merci à vous de suivre le blog et l’aventure du Labo tout entière. À bientôt pour de nouvelles découvertes !

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Perle parfumée dans la parfumerie traditionnelle

Les sociétés anciennes comme les sociétés traditionnelles ont ceci de commun que leur manière de concevoir le parfum est très élargie, par rapport à celle de nos sociétés industrielles où la chimie a complètement changé notre rapport à celui-ci depuis bientôt 3 siècles. En Occident, un parfum, c’est un flacon de liquide qui peut aussi se diffuser en spray, et beaucoup plus rarement en concrète. On peut encore les décliner en savon, gel douche, déodorants et crème pour le corps.

Dans l’Antiquité, on considérait que le parfum était ce qui sentait de façon assez agréable pour qu’on ait envie de le porter sur soi, l’offrir aux dieux ou à ses morts. Entrent donc dans cette catégorie les résines et aromates qu’on faisait brûler pour la divinité, mais aussi pour parfumer ses vêtements, des poudres de plantes à parfum, et des couronnes de fleurs. Un système logique dans une société qui ne possède que ce que la Nature offre pour se parfumer, et qui sait multiplier les façons de le faire.

Car paradoxalement, effectivement, si les parfums occidentaux de la société industrielle sont complexes dans leur formulation chimique, leur variété est pauvre. A l’inverse, dans les sociétés anciennes, la palette est pauvre car elle dépend de ce que permet la Nature (pas en molécules odorantes, par contre, beaucoup plus nombreuses que dans un parfum chimique construit), mais les variétés de ce qu’on acceptait comme parfum étaient beaucoup plus grande : encens qu’on brûle, sachet odorant à porter sur soi, graisse parfumée par enfleurage, tissu imprégné d’une essence de bois ou d’autres ingrédients odorants, etc.

Photo de classe à Bora-Bora. Dans l’Antiquité, nous employions aussi les couronnes parfumées, comme l’attestent les textes des anciens philosophes grecs.

Parmi ces possibilités, une très intéressante consiste en des perles parfumées pour faire des colliers, bracelets et autres bijoux traditionnels, souvent religieux mais pas uniquement. Si elle n’est pas attestée pour l’instant dans les textes de l’Antiquité, c’est malgré tout une forme assez répandue pour figurer dans pas mal de civilisations, dont la nôtre – particulièrement pour la réalisation des chapelets.

Boutiques religieuses en ligne ou en dur proposent des chapelets en bois parfumé à la rose ou au jasmin, fleurs souvent associées à la Vierge Marie et qui donnent une dimension agréable et magique à l’acte de récitation du rosaire. Parfumé extérieurement aux huiles essentielles, ce sont des objets peu coûteux car faciles à réaliser.

Néanmoins, il exista en France un genre de perles pour chapelets aux recettes 100 % naturelles sur base exclusive de plantes à parfums et dont le résultat a l’avantage d’être à la fois agréable, équilibré et de remonter à plusieurs siècles, ce qui en fait un véritable produit de reconstitution historique – avec tous les inconvénients que ça occasionne : fragilité du produit, durabilité incertaine, etc..

Hormis ces inconvénients propres aux produits réalisés en matières naturelles, c’est un magnifique objet 100% reconstitué de notre histoire et dont la recette remonte au 18 ème siècle – si ce n’est plus loin.

Chapelet Vieille France

Sur cette base, en employant cette technique ancestrale, j’ai conçu plusieurs autres chapelets ou bijoux originaux, mais toujours en lien avec la botanique mythologique ou le patrimoine des civilisations.

Chapelet Mauvais œil aux herbes grecques
Chapelet latino aux perles de tabac
Chapelet Santa Muerte aux perles de tabac.
Collier Anubis perles de kyphi
Collier kyphi et authentique Ushbati (serviteur d’un défunt dans l’Au-delà)
Parure scarabée bleu perles de kyphi

Mais la perle parfumée, c’est aussi, et de façon bien plus simple, des perles taillées dans un bois ou un rhizome naturellement odorants.

Ce qu’il y a de particulièrement intéressant, avec la perle en bois parfumé, c’est que contrairement aux perles en pierre semi-précieuse, elle est moins répandue au niveau du commerce international. Son emploi en bijou est à la fois plus rare et plus typique d’une civilisation, et donc beaucoup plus porteuse de sens. En effet, notre façon d’aimer ou ne pas aimer une odeur sont beaucoup plus culturelles et radicales que notre façon d’accepter des gemmes.

Ainsi les perles de santal vont être présentes en Inde et dans quelques régions d’Asie – comme d’une manière générale dans la tradition bouddhiste. On y sculptera aussi les statues des divinités, et bien sûr, on en fait des mala dans les 2 religions.

Mala Ganesh perles de santal

Autre bois asiatique odorant au parfum moins connu en bois brut mais tout aussi naturel et magnifique, le camphrier, avec lequel je fais aussi des mala.

Mala bouddhiste camphrier

Mais comme c’est un bois particulièrement sacré et lié à la culture japonaise – comme on le voit dans le film Totoro – j’en fais aussi des bracelets Maneki Neko, dont la tradition, purement japonaise, s’apparente plus au shintoïsme.

Bracelet porte-bonheur Maneki-Neko camphrier

Enfin, dernier bois dont on fait des perles parfumées que je vous propose en boutique : le cyprès, arbre européen, cette fois, autrefois consacré à Hadès, et dont je fais des bracelets dans ce but.

Bracelet cyprès Père Hadès

Je fais aussi des bijoux pour Athena – et les Olympiens – avec des perles en bois d’Olivier, son arbre consacré. Ils ne sont pas odorants mais respectent la tradition grecque de l’Antiquité

Bracelet Protection hellénique bois d’olivier

En réalité, des bois ou autres végétaux parfumés dont on fait des perles, il en existe dans beaucoup de civilisations : l’Afrique en fait de traditionnels en gowé, dont l’odeur est magnifique et qui servent surtout à la séduction et aux rapports amoureux, le Maghreb en fait aussi de traditionnels et dans lesquels entrent les clous de girofle, notamment.

Le monde arabe, lui, aime les chapelets musulmans en bois d’agar, leur légendaire bois de oudh originaire d’Asie. Mais d’autres encore, jamais vus ou jamais sentis ayant pourtant existé : un bracelet mala en fèves Tonka, dont la mention a été rencontrée dans un livre de littérature classique Chinoise : Le rêve dans le pavillon rouge.

Vous l’aurez compris, si je donne autant de place aux bijoux parfumés en bois odorants ou mélanges de plantes, c’est qu’elles ont un vrai rôle – souvent relié à la religion et au sacré – dans les parfums traditionnels du monde entier et qu’il est temps de renouer avec la merveilleuse diversité de nos traditions à tous en matière de parfums naturels.

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L’art de l’encens en Chine ancienne

En 2018 a eu lieu l’exposition Parfums de Chine au musée Cernuschi, consacrée à la culture de l’encens dans la Chine impériale.

C’était une exposition d’un grand raffinement où les objets anciens destinés aux parfums rivalisaient d’élégance – même pour les plus anciens d’entre eux. Exposition magnifique, il est vrai, mais finalement un peu hermétique, car au final, les différentes dynasties et ce qu’elles ont pu représenter restera forcément un mystère, car ce n’est pas notre culture.

Pour autant, force est de constater que la culture du parfum et de l’encens y étaient vivantes et continuaient de progresser quand nous les avions abandonnées. Non seulement cette culture était vivante, mais elle était, de plus, associée aux plus hautes classes sociales, celle des lettrés, des mandarins, des poètes et des empereurs.

Une association qui pousse évidemment au plus grand raffinement et à la technicité même dans les moindres détails : des senteurs distinguées et jamais puissantes, une fumée presque inexistante, des matières premières d’une grande finesse et des brûle-parfum ouvragés comme des œuvres d’art.

L’encens lui-même, en tant que produit, rituel et dans sa fonctionnalité, se révèle très riche de possibilités, avec l’apparition d’un premier bâton d’encens à une période que nous appelions la Renaissance, et avec une recette primitive complexe en plusieurs étapes. Un modèle pratique qui a évolué depuis pour finalement donner de l’encens un caractère si pratique qu’il semble aujourd’hui majoritaire – grâce également aux procédés chimiques et industriels.

Plus raffinée est la culture du sceau d’encens, issue de la religion bouddhiste et qui consiste à faire un dessin avec le parfum – une poudre de bois et de plantes auto-combustible qui ne nécessite de ce fait pas de charbon. Ce dessin fait à la poudre semblera mobile à mesure que progressera la combustion. Un exercice en réalité moins facile qu’il n’y parait et qui a tout de ces exercices de patience qui font parvenir à la méditation.

D’autre part, et pour ajouter à la créativité possible, des dizaines de sceaux d’encens sont réalisables car l’offre peut être vaste. En effet, l’art de l’encens est une culture toujours vivante, en Chine comme au Japon.

À la base, les sceaux d’encens servaient à mesurer le temps : temps des veilles, qui constituaient les différentes tranches horaires découpant la nuit, temps d’un rendez-vous d’affaire, temps d’un rendez-vous chez une courtisane. Une technique également pratiquée au Japon et qui peut également se faire avec les bâtons.

N’avez-vous jamais remarqué que la durée de combustion d’un bâton était toujours précisée sur un rouleau ou une boîte d’encens japonais ? Bien que d’autres techniques plus modernes soient apparues pour mesurer le temps, l’usage de l’encens, simple et évident, demeure.

C’est cette pratique que j’ai voulu vous faire découvrir avec l’encens du grenier public de Dingzhou entièrement reconstitué grâce à sa recette donnée en exemple et dont tous les ingrédients ont pu être trouvés. C’est une recette qu’on peut situer entre le XII ème siècle et XVI ème siècle européen.

Encens historique de la Chine impériale

En outre, pour vous proposer une reconstitution totale, j’ai décidé de proposer des coffrets Art chinois de l’encens. L’encens reconstitué était en effet un sceau d’encens, j’ai pensé que vous proposer l’expérience totale était forcément plus parlante.

Le coffret comprend malgré tout un minimum d’instruments là où un coffret total vous proposerait plus d’outils.

Coffret art chinois de l’encens

J’ai donc décidé d’aller à l’essentiel :

– un brûle-parfum très chinois mais uniquement adapté à cette méthode par son ouverture assez vaste pour recevoir un sceau d’encens et un fond assez plat pour recueillir le lit de cendres.

– Un paquet de cendres de paille de riz

– Une cuillère pour aplanir parfaitement le lit de cendres

– Le sceau d’encens de votre choix – à choisir parmi les options

– Un paquet d’encens santal champaka créé artisanalement au Labo par mes soins et grâce auquel vous pourrez vous entraîner à la technique du sceau d’encens.

Prêts à vous lancer ou découvrir les encens de la Chine ancienne ? Alors cliquez sur les liens mis sous les photos, ils vous mèneront aux fiches produits issues de mes recherches et de mes choix pour partager avec vous ce voyage culturel et olfactif en Chine impériale

Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Fous d’histoire 2021

Si vous suivez le blog ou la page FB, vous savez que je participe depuis quelques années aux marchés de l’histoire de Compiègne, avec mon stand de reconstitution des parfums historiques Le Labo de Cléopâtre.

Les 2 dernières années, malheureusement, l’événement a plutôt été le Covid, mais cette fois, c’est la bonne : novembre 2021 signe le retour de l’événement, toujours magique, grâce à la participation de tous les reconstituteurs du spectacle ou de l’artisanat.

Mon stand, évidemment, propose de l’artisanat : parfums, encens historiques, parfums huileux comme d’habitude, mais aussi, pour la première fois, des encens en bâtons, et des produits parfumés diversifiés issus du 18 ème siècle français : savonnette du Grand et Petit Albert, pastilles à brûler, poudres pour perruques et chapelets parfumés.

Dans la plupart des cas, je choisis des recettes que je peux reconstituer intégralement, car c’est tout l’intérêt de la reconstitution : découvrir les parfums qu’aimaient les Anciens et les techniques qu’ils employaient pour y arriver. C’est donc ce que vous retrouverez beaucoup sur le stand, parmi d’autres plus rares produits adaptés.

Au final, le Labo de Cléopâtre a fini par rassembler quelques beaux produits parfumés de différentes époques de l’histoire de l’humanité : du monde gréco-romain – et même mésopotamien – de l’Antiquité à la France du 19 ème siècle, que vous aurez l’occasion de découvrir sur mon stand.

Évidemment, tout ne sera pas sur le stand, mais vous pourrez sentir physiquement ce qui n’est qu’accessible par les photos des fiches produits sur la boutique Etst. Autant dire que pour un stand de parfums, c’est plus qu’important !

Enfin, dernière nouveauté et pas des moindres : le Labo de Cléopâtre étant d’abord un projet de recherche qui a commencé avec ce blog et qui a abouti à tout ce que vous en connaissez désormais, je vendrai quelques exemplaires de mon livre sorti chez Améthyste – du groupe Alliance Magique – en mai dernier : Fabriquez vos soins naturels de l’Antiquité.

Ce seront mes derniers exemplaires – tout étant déjà parti en boutique – mais vous le retrouvez bien entendu sur Amazon, la FNAC, Cultura, la Procure, etc. Mais aussi, bien entendu, sur Le site d’Alliance Magique, qui l’a publié.

Bref, c’est avec plaisir que je vous retrouverai sur mon stand du marché de l’histoire, pour vous rencontrer, parler avec vous de parfums et cosmétiques historiques, et surtout vous les faire découvrir en vrai.

Quelques photos de l’événement précédent :

Je vous attends donc pour cette fois le week-end du 20 et 21 novembre 2021 au Tigre de Margny-lès-Compiègne sur mon stand de reconstitution de parfums. Une occasion idéale pour rencontrer ceux qui suivent ce blog depuis des années, connaissent mon travail par les parfums artisanaux ou mes travaux écrits.

Les détails de l’événement sont sur le site de l’Association Pour l’Histoire Vivante qui l’organise depuis plus de 30 ans : Fous d’histoire 2021

Merci de suivre ce blog, la Page FB et d’une manière générale, l’aventure du Labo de Cléopâtre. A très bientôt ! ´

Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur

Quels cosmétiques au Labo ?

Le Labo de Cléopâtre est, depuis ses débuts, un projet de reconstitution autour des parfums et cosmétiques de l’Antiquité, qui a commencé avec Cléopâtre. Mais comme dans tout domaine, il n’est pas d’objet d’étude qui ne soit, de près ou de loin, relié à son hérédité. La durée d’un cosmétique dans le temps va donc souvent du cosmétique historique au cosmétique traditionnel s’il est adopté durablement. Le cosmétique industriel, de conception moderne, a la même origine mais s’éloigne de la tradition et des croyances pour atteindre des buts plus directs.

Dans mon livre Fabriquez vos soins naturels de l’Antiquité, vous avez l’exemple type de ce qu’est un cosmétique historique, et ses liens avec les cosmétiques traditionnels : Il est aussi assez courant de trouver des cosmétiques de l’époque gréco-romaine – devenus historiques car plus employés dans notre société – toujours vivaces dans une autre société qui y accorde de l’importance et continue de les employer.

L’adage : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » se vérifie donc aussi beaucoup en matière de sciences, techniques et savoir-faire. Ainsi, bien que la société égyptienne ait abandonné la culture de ses anciens pharaons depuis l’Antiquité, la médecine populaire conserve et pratique toujours des recettes médicales inchangées depuis l’époque des pyramides. Un savoir qui a paru bon, utile, auquel on a crû ne disparaît jamais totalement : soit il est conservé intégralement, soit il est transformé, soit une autre société le conserve.

Sachant cela, je fais donc la distinction entre cosmétique historique, traditionnel et industriel.

– Le cosmétique historique a une recette datée – mème si elle peut se prolonger sur des millénaires durant – après laquelle il n’est plus du tout pratiqué. Bien que ce ne soit pas un cosmétique, je pense ici au kyphi, qui commence son office dans l’Egypte antique et dont on retrouve encore la recette dans les remèdes pharmaceutiques du 17-18 ème siècle.

– Le cosmétique traditionnel, toujours vivant, remonte à des temps ancestraux et continue d’être pratiqué par une ou plusieurs sociétés. Il a les caractéristiques d’un produit traditionnel : il emploie des matières premières et locales, spécifiques d’une société qui en connaît les vertus depuis des siècles. Il associe des connaissances chimiques anciennes à des savoir-faire imprégnés de culture.

– Le cosmétique industriel, conçu, testé et développé selon les dernières connaissances technologiques, vise un résultat précis à un coût fixé par la gamme de produits dans laquelle il s’inscrit et qui va déterminer le choix des matières premières et des techniques. C’est le plus rentable quand on se fixe un objectif esthétique, mais c’est le moins connecté à du culturel.

Dans la boutique du Labo de Cléopâtre, je ne vais évidemment proposer que les 2 premiers types de cosmétiques puisqu’ils ont tous 2 un lien avec la reconstitution : historiques, ils appartiennent au passé, traditionnels, ils sont toujours employés quelque part sur la Terre, et selon des critères et valeurs culturels qui nous sont étrangers mais dont les racines symboliques sont fortes.

En tant que projet de reconstitution des parfums et cosmétiques anciens, ce ne sont donc pas des produits faciles d’accès qui vous sont proposés dans le boutique du Labo, dès lors qu’il y aura écrit « historique » ou « traditionnel » – même s’il n’est évidemment pas question de vous proposer des produits toxiques comme les anciens fards au plomb qui ont sévi de l’Antiquité jusqu’au 18 ème siècle et plus !

Bien évidemment, c’est moi qui réalise les recettes, les conditionne et leur donne leur orientation dans une offre produit pas du tout calibrée pour l’industrie et l’usage cosmétique habituel. Pour autant, les recettes, issues de documents, sont suivies autant que possible à la lettre et ce d’autant plus que le produit est diffusé dans un but de connaissances et de transmission de certains savoir.

Il y aurait ainsi plein de choses à dire et découvrir en comparant un noir aux yeux du commerce avec un khôl traditionnel algérien ou bien encore avec un kajal indien noir profond; un parfum au solvant alcoolisé à 99% de molécules chimiques et un parfum huileux à 100% enfleurage. C’est une question de matières premières, de techniques, de savoir-faire et de culture qui se voit au résultat, mais à condition d’y être attentif, d’être connaisseur ou passionné. Autant dire que ce n’est pas forcément accessible au premier venu, et encore moins à quelqu’un qui cherche juste à se maquiller ou trouver un soin quelconque !

En somme, à quoi ressemble un cosmétique traditionnel ? A un plat du terroir, une recette qu’on connaît depuis des siècles, voire, des millénaires, qui ne se serait pas démodée et que toute une société approuve.

Et à quoi ressemble un cosmétique historique ? Un plat du terroir que l’usage n’a pas conservé car on a trouvé moins cher, plus efficace ou que les ingrédients dont il est composé ne se trouvent plus facilement et qu’il a fallu y renoncer.

En résumé, vous voulez acheter un cosmétique ? De bonnes boutiques agrées vous en proposent un peu partout et à tous les prix.

Vous voulez découvrir l’histoire des parfums et cosmétiques ? Bienvenue au Labo de Cléopâtre .

Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

La cannelle, vrai parfum antique

Concernant l’Antiquité, et surtout l’Egypte ancienne, il y un fossé entre ce que nous en percevons par le biais des images idéales et donc fantasmées, et la réalité. L’Egypte rêvée des Pharaons, des pyramides monumentales, des oeuvres précieuses d’art et d’artisanat ont beaucoup de mal à s’associer avec des réalités plus prosaïques dont on a parfois hérité à travers des inventions triviales aujourd’hui, mais en réalité fondamentales pour l’histoire de l’humanité, comme le pain ou la bière – pas inventée pour s’enivrer mais pour purifier une eau impropre à la consommation.

C’est sensible aussi dans la reconstitution de parfums où finalement, lorsqu’on veut transmettre au public ce qu’il y avait de plus caractéristique et de plus précieux comme parfum de l’Antiquité, on se retrouve à décevoir ceux qui rêvent d’Egypte à l’Empire de 3000 ans, de pharaons tout d’or recouverts et de Cléopâtre, en leur désignant la simple cannelle. Alors, certes, la cannelle sous plusieurs formes, mais la cannelle reste la cannelle, avec tout l’arrière-plan culturel que nous y avons associé. Ainsi, en France, c’est une épice à dessert qui sert à parfumer les tartes aux pommes et les teurgoules.

La cannelle aromatise en effet depuis fort longtemps les desserts traditionnels les plus élémentaires – même pas ceux de la haute gastronomie ou la haute pâtisserie – mais bien les préparations plus basiques et ordinaires.

C’est bien plus simple quand on fait réellement découvrir une senteur exotique et inconnue à des gens qui attendent du rêve et du voyage spatio-temporel que lorsqu’on leur présente la cannelle, que tout le monde possède dans sa cuisine.

Et pourtant…Non seulement la cannelle était un parfum des plus répandus mais en même temps si précieux qu’il entrait souvent dans les compositions médicamenteuses – dont les recettes de parfums qui nous restent sont un exemple – que dans les plus savantes de l’époque comme le rituel d’embaumement – grâce à ses qualités anti-bactériennes. L’Egypte, première civilisation prestigieuse de l’Antiquité – dotée déjà d’une grande ancienneté quand les autres civilisations émergeaient – fut évidemment un modèle pour les Grecs, en premier lieu. C’est donc en toute logique que la cannelle devint aussi un parfum des plus classiques et prestigieux de la civilisation grecque où elle fut utilisée comme encens, comme médicament échauffant, mais aussi comme matière première mythologique dont on racontait qu’elle était gardée par des créatures fantastiques.

Cannelle et ses strates de fine écorce

La cannelle était distinguée de la casse, mais comme aujourd’hui, on les considérait comme proches. Recherchée, estimée, adorée, son prix ne cessait de varier, certainement en raison de la forte demande. Pline dit à son propos : « L’empereur Vespasien Auguste a, le premier, dédié des couronnes de cinammome enchâssées dans de l’or ciselé dans les temples du Capitole et de la Paix. » Histoire naturelle. XII. 93. On voit ainsi son caractère sacré et précieux à Rome, au premier siècle de notre ère.

En Egypte, où son usage semble avoir commencé pour notre civilisation, la cannelle fait partie des aromates qui servaient à conserver le corps du Pharaon défunt, mais il entrait aussi dans la composition du célèbre kyphi, l’encens sacré des anciens égyptiens : Le kyphi d’Edfou

La casse, aux strates épaisses.

La culture judaïque n’est pas en reste, et la casse comme la cannelle faisaient partie des matières premières entrant dans la composition de l’huile d’onction destinée à la sacralisation des objets dans le temple de Yahvé. Exode 30-23. Huile d’onction du Temple. La cannelle, vraie ou fausse, est en effet associée dans le Livre Saint, à une vie luxueuse et royale : « La myrrhe, l’aloès et la casse parfument tous tes vêtements. Dans les palais d’ivoire, les instruments à corde te réjouissent. » Psaume 45-8

Plus encore, la cannelle est tellement appréciée qu’on la trouve encore dans plusieurs recettes sous forme de feuilles – qu’on n’emploie plus guère aujourd’hui que dans la cuisine indienne. Si on en croit Diocoride et Pline, les variétés d’arbres à cannelle et à casse furent assez variées pour avoir revêtu une palette d’odeurs et de couleurs que nous ne connaissons plus.

Feuille de casse.

Pline ajoute même : « Bien plus, on la plante aussi dans notre monde, et jusqu’aux limites de notre empire, dans la région arrosée par le Rhin, j’en ai vue plantée dans les rochers. Mais elle n’a pas cette odeur brûlée due au soleil, et de ce fait, elle n’a pas non plus la même odeur. » Histoire naturelle. XII. 98.

Bien que les façons de catégoriser les plantes à l’époque de Pline aient parfois été incertaines, on voit malgré tout à ce passage le prestige que pouvait avoir un arbre exotique et normalement cantonné à des zones géographiques fort éloignées de l’Europe que l’auteur croit reconnaître comme poussant dans la région du Rhin.

Aujourd’hui, bien plus que dans la cuisine, on la redécouvre aussi pour colorer les cheveux, réaliser des parfums d’ambiance, mais attention, elle est assez allergisante sur la peau et encore plus en huile essentielle – dermo-caustique -. Les Allemands l’utilisent aussi en baies – en réalité en boutons de fleurs séchées assez semblables aux clous de girofle – mais elle est plus rares à trouver pour nous sous cette forme, même si son odeur caractéristique est très reconnaissable.

Grand classique très estimé des parfums antiques et même au-delà, la cannelle sous toutes ses formes se retrouve dans les produits historiques de ma boutique de parfums, quel que puisse être le sentiment que je nourris à son égard et la valeur que lui donne aujourd’hui la société dans laquelle je vis. Encens de Dionysos.

Ce qui m’incite à vous dire une seule chose : redécouvrez-la avec un oeil nouveau, celui de l’amateur d’histoire.

Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Le kyphi d’Edfou

Le Kyphi d’Edfou

Parmi toutes les recettes de kyphis authentiques – ou même librement adaptés, il en est un qui s’est fait le plus attendre, le plus désirer, et pour lequel j’ai le plus patienté, c’est le véritable kyphi égyptien. Dans la boutique du Labo de Cléopâtre, il y a pourtant déjà plusieurs kyphis :

Ceux qui viennent d’une recette précise qui a été suivie à la lettre :

Nous les devons tous à des médecins grecs.

Puis, il y a les kyphis plus librement adaptés parce que les textes ne nous ont laissé qu’une liste d’ingrédients et que c’est librement que j’ai choisi les proportions sur une base déjà connue – la recette de Dioscoride.

Enfin, il y a des kyphis de type plus créatifs, ceux qui concentrent la recette sur un effet que certains auteurs mentionnent qu’il avait, et ce grâce à une plante sédative – en réalité toxique et interdite, comme la jusquiame évoquée par Plutarque – mais à laquelle j’ai substitué une autre connue pour les mêmes effets et ce, dès l’Antiquité :

  • Le kyphi intégral – qui contient de laitue sauvage, une plante consacrée au dieu Min dans l’Egypte ancienne.
  • Le kyphi de lotus – qui contient du lotus, plante sacrée des anciens Egyptiens.
  • Le kyphi de lotus bleu royal, dont le sédatif est exclusivement le lotus bleu, plante sacrée des égyptiens représentant la résurrection, le soleil autant que la Haute-Egypte. Ce produit d’exception est dit royal car il contient les meilleures matières premières, de celles qu’on réservait autrefois aux rois.

Cela fait déjà une belle collection de produits de reconstitution pour tenter d’approcher ce que pouvait être cet encens sacré des anciens égyptiens avec des propositions soit 100 % fidèles, soit historiquement justifiées d’une manière ou d’une autre – par la présence attestée par les auteurs antiques soit de certains ingrédients, soit de certains effets.

Le kyphi, comme tous produit culte de toute civilisation du monde, se déclinait en plusieurs recettes selon l’endroit du monde où on voulait le confectionner, l’usage qu’on voulait en faire, etc. Celui de Damocrates se retrouve ainsi dans un ouvrage de pharmacie qui en donne une recette qui a permis de le reconstituer.

Mais de tous ces kyphis – qui nous venaient tous d’une recette primitive qui égyptienne qui s’est complexifiée – aucun n’était réellement l’Egyptien, celui d’Edfou, qu’on préparait dans le laboratoire du temple pour l’offrir aux dieux et qu’on a gravé dans la pierre..

J’ai attendu longtemps avant d’avoir le bon ingrédient pour pouvoir estimer que c’était le kyphi égyptien que je reconstituais. Car comme il a été expliqué, des kyphis, il y en a plein de recettes différentes comme c’est le cas de tas de produits très estimés dans le monde, et à moins d’être un très grand spécialiste, difficile de déterminer si quelque chose de particulier peut caractériser l’Egyptien plus qu’un autre.

Et pourtant, malgré ma pratique du kyphi historique depuis plusieurs années, je dois dire que le plus surprenant est bien celui d’Edfou. On peut bien sûr parler de l’odeur, qui bien que semblable à celle de tous les kyphis, en diffère par la présence d’ingrédients uniques et jamais observés dans les kyphis plus tardifs – comme la fleur d’acacia ou le henné.

Mais la différence la plus remarquable réside dans la présence d’une résine rare, si ce n’est unique dans sa variété, et qui pour ça est aussi chère que très difficilement accessible. Outre son odeur prononcée et caractéristique, cette résine a pour principale propriété celle d’être inflammable, contrairement aux résines présentes dans toutes les recettes de kyphis qui ont suivi.

Lors de son voyage en Egypte, j’avais demandé à une jeune femme, Mélody Simon, de me prendre des photos de la réalisation du kyphi et l’une d’entre elles m’avait assez surprise. Le kyphi était jeté directement dans le feu, chose que je trouvais vraiment étrange…Et pourtant, je fis le test de la seule chose que je pouvais conclure, et contrairement aux autres kyphis.…

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Et bien oui : le kyphi d’Edfou est inflammable. Il n’a besoin de rien d’autre pour s’enflammer et embaumer qu’une flamme de bougie – ou de lampe à huile pour être plus chronologiquement correcte. Ce qui fait de lui, contre toute attente, le premier auto-combustible connu de l’histoire des encens !

(Texte et photos : Maud Kochanski-Lullien (sauf photo d’Edfou de Mélody Simon) pour le projet de recherche le Labo de Cléopâtre, blog et boutique artisanale de reconstitution de parfums historiques et écriture d’ouvrages spécialisés.

Le 27/12 :2020

Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre, sauf la photo du temple d’Edfou, propriété de Melle Mélody Simon. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leurs auteurs.