Les épices spirituelles de Noël

Quand on interroge la toile sur l’origine des biscuits de Noël, et plus spécifiquement des épices de Noël, on trouve une flopée d’influences qui peuvent aller des Chinois aux Mongols en passant par les Croisés. C’est encore plus vrai pour le pain d’épices qu’on fait remonter jusqu’aux Égyptiens et aux Grecs, qui fabriquaient le « melitounta », un gâteau de miel déjà associé aux fêtes de fin d’années.

Et même si globalement, on a pu trouver à toute époque à partir du Moyen Âge pains et gâteaux mêlés d’épices évoquant de près ou de loin le célèbre biscuit de Noël, il faut reconnaître que là où la tradition reste la plus vive et la plus ancrée, c’est en Allemagne et en Alsace où on en fabrique en famille dès le mois de novembre, et sur lequel on a aussi des dictons.

Dans le blog pourdebon.com, le producteur d’épices Max Daumin estime que le biscuit de Noël est né dans les monastères allemands de la période médiévale. À cette époque, les épices étaient rares et dotées de vertus extraordinaires pour les gens du Moyen-Age qui voyaient en elles des produits médicinaux presque magiques. De fait, les épices étaient d’abord réservées à une élite.

Mais c’était en réalité pour une raison religieuse que les moines prenaient des ancêtres des biscuits de Noël à la période de l’avent. On considérait les épices comme « purificatrices du corps et de l’esprit », si bien qu’elles disposaient à se préparer à accueillir la naissance du Christ, qu’on fête à cette époque-là de l’année. Les ancêtres des biscuits de Noël semblaient donc associer les épices à des bienfaits influençant jusqu’aux humeurs – du corps jusqu’à l’esprit, donc – laissant ainsi la place à la joie que l’annonce de la naissance du Christ devait susciter dans un monde très chrétien.

Max Daumin prévient justement : « l’usage de ces douceurs était bien certainement purificateur du corps et de l’esprit, un médicament. »

Le biscuit de la Joie version contemporaine avec sucre et beurre.

D’ailleurs, à bien y regarder, l’ancêtre du biscuit de Noël ressemble à la version initiale du biscuit de la Joie, dont la recette originale consistait uniquement en fleur de farine, cannelle, muscade, un peu de girofle et un peu d’eau pour lier.

Le biscuit de la Joie d’Hildegarde von Bingen.

Des épices dans lesquelles Hildegarde voyait un tonique pour la cannelle, la vertu de « purifier les sens et donner de bonnes dispositions » pour la muscade, la stimulation de la vitalité pour le clou de girofle.

2 biscuits de la Joie : l’ancien, que plus personne ne connaît, et le nouveau, que tout le monde mange à Noël.

Tout comme le biscuit de Noël, il est possible de trouver le biscuit de la Joie dont on attribue toujours la recette d’Hildegarde qui, du haut de son XII ème siècle, ne goûtait ni le sucre ni le beurre – peu employés voire inconnus à ces époques-là où on utilisait plus volontiers miel et saindoux -. Mais évidemment, c’est une gourmandise de laquelle il ne manque aucune des douceurs dont vous avez aujourd’hui l’habitude.

C’est bien ce gâteau gourmand, délicieux et épicé dont on se régale qui semble être l’arrière-petit-fils de ce biscuit de l’âme qui avait finalement tout d’une hostie austère bien qu’épicée. Et quand on le goûte, effectivement, c’est bien un aliment d’ascèse auquel on a affaire, et seuls les plus motivés par la recherche historique en mangeront !

Alors, quand vous prendrez un biscuit de Noël, vous pourrez penser à vos ancêtres d’Europe dont vous perpétuez sans le savoir une pratique spirituelle de notre Moyen-Age très chrétien consistant à se purifier le corps et l’esprit pour se préparer à accueillir la venue du Christ le 25 décembre.

Et ce même si aujourd’hui, seule est visible la gourmandise.

(Aux fourneaux historiques : J.B Lullien-Kochanski pour les 2 biscuits de la Joie comparés)

Cet article et ces photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Condiments et mélange d’épices historiques à la boutique du Labo

La boutique du Labo de Cléopâtre a déjà 8 ans ! L’expérience elle-même et le blog courent bientôt sur les 10 ans. Si vous me suivez, vous savez que le Labo de Cléopâtre, c’est d’abord et avant tout un petit projet de recherche en archéologie expérimentale qui tente de ressusciter d’authentiques recettes anciennes, principalement d’encens et de parfums.

Mais le saviez-vous, la notion de parfum dans les époques antérieures englobe un domaine plus vaste que celui d’odeur qu’on diffuse volontairement dans l’atmosphère ou sur son corps. Elle comprend aussi les senteurs et saveurs destinées à la cuisine mais plus encore à la médecine. On peut d’ailleurs hasarder que chaque fois qu’il est possible d’outrepasser les nécessités du simple fait de se nourrir à partir de ce qu’offre le terroir et le commerce plus vaste – des épices d’Orient et des bières de Gaule, entre autres – pour concevoir des recettes à visée médicinales, les cuisiniers s’y adonnent. Et ce de façon consciente ou inconsciente, ne serait-ce que parce que les parfums ont toujours été aussi considérés comme des remèdes, même encore aujourd’hui.

C’est ce qui ressort des divers ouvrages de médecine comme de cuisine ancienne, où chez Apicius et Galien, notamment, on cite régulièrement les bienfaits d’un aliment, d’un condiment, d’un mélange d’herbes, etc..

Les préparations du Labo

  • Le defrutum

J’ai commencé par des defrutum que je faisais pour moi afin réduire le sucre ajouté de mon alimentation. En effet, cette sorte de mélasse de fruits purs extrait le sucre naturel du fruit en le concentrant. J’ai beaucoup travaillé sur fruits secs avec parfois des résultats inégaux tant les fruits peuvent avoir des propriétés différentes, ne serait-ce que dans les taux de sucre qui diffèrent d’un fruit à l’autre. Au fil du temps, j’ai un peu tout tenté avec les defrutum de fruits, même les mélanges.

Le defrutum, dans l’Antiquité, c’était la base des sauces cuisinées que l’on retrouve dans les recettes d’Apicius, en même temps qu’un produit de très longue conservation qui permettait également de garder dans son sirop de fruits cuits la fraîcheur d’un fruit frais. Ces techniques anciennes se rencontrent aussi au Moyen-Orient sous une autre forme : les fruits frais sont conservés dans de solides et hermétiques boites d’argile sans les faire se toucher et peuvent être consommés intacts presque un an après.

Defrutum de figues de la boutique.

On dit que le defrutum pouvait se conserver 10 ans, mais on soupçonne que c’était grâce aux récipients en plomb qui les contenaient. Personnellement, j’en ai fait qui se sont conservés des années en bocal de verre sans perdre ni odeur ni couleur mais à condition d’être très concentrés et non exposés régulièrement aux bactéries. Certains fermentent parfois un peu, mais honnêtement, ça porte peu à conséquence, encore plus si vous l’utilisez comme base de sauce à cuire dans un plat romain que vous cuisinez.

Le defrutum est proposé quelquefois sur le stand du Labo et sur la boutique, et peut être réalisé avec des fruits différents selon la saison où il a été fait. Néanmoins, pour plus de pertinence, je ne vous propose que des fruits communément employés dans l’Antiquité, seul moyen d’approcher la vérité historique.

Lien vers Le defrutum

  • Mélange d’épices

Je trouve les mélanges d’épices toujours très inspirants, ils constituent vraiment une énigme et en même temps un produit archéologique très concret, surtout quand la recette est bien détaillée. Selon moi, il est inutile de faire les mélanges que tout le monde fait : avec ma bibliothèque de recettes historiques et mon riche atelier de plantes à parfum du monde entier, il est plus intéressant d’ajouter à l’offre un mélange authentique, complexe et rigoureusement respecté pour enrichir l’offre d’une vraie recette ancienne.

Autrement dit, ne cherchez pas chez moi d’épices qui soient simples ou bon marché ; mon objectif est d’apporter mon savoir-faire en matière de recettes et de matières premières inhabituelles pour les mettre au service des reconstituteurs et cuisiniers qui veulent travailler rigoureusement la cuisine historique.

Le livre d’Apicius et la recette de sel épicé que j’ai recréé grâce à lui.

C’est pourquoi vous trouverez mon sel d’Apicius à un prix déraisonnable parce que pour respecter la recette, il contient autant de safran qu’il le devrait. L’amour pour cette épice a atteint son paroxysme à l’époque romaine – et divers historiens le rapportent à plusieurs occasions – mais bien évidemment, elle était seulement réservée à l’élite, celle qui a pu élaborer des recettes de cuisine et les conserver par écrit, à l’instar de cet Apicius, premier gastronome de l’histoire à qui on a attribué, 3 siècles après sa mort, la paternité de cet ouvrage. Pour l’ordinaire du peuple, plus de pain, bouillies de céréales, légumineuses que d’épices et de plats mijotés dans des sauces raffinées.

Lien vers le sel d’Apicius

Je propose aussi un mélange d’épices arabes médiévales Atraf-Al-Tib – « côtés de parfum », déjà acheté et utilisé aux États-Unis pour la reconstitution d’une recette ancienne – exactement ce pour quoi je l’ai conçue, ce qui ne peut me faire que plaisir, évidemment. Ce mélange servait pour des préparations assez diverses et surprenantes et entrait même dans la composition des parfums, dont je vous propose une version Ici. Et nul doute que si je trouve d’autres recettes qui m’inspirent et que j’aie envie de faire, je vous les proposerai en boutique.

– Lien vers Atraf-Al-Tib, mélange d’épices arabes du Moyen-Age

  • L’oxymel

Enfin, j’ai décidé de proposer l’oxymel, considéré comme le premier médicament de l’histoire occidentale. Originellement, il associe miel et vinaigre ensemble, mais la recette romaine authentique y ajoute de l’eau de mer et 10 cuissons successives avant de faire vieillir le mélange.

Aujourd’hui, on continue d’utiliser l’oxymel, mais on considère que ses vertus se déploient quand le mélange reste crû – ce qui paraît plus logique, mais la cuisson était importante dans les temps anciens –

Tout est dit sur l’étiquette !

L’oxymel que je vous propose mêle vinaigre de cidre, miel de sapin grec et dictame de Crête. J’ai voulu ce mélange pour vous offrir un Oxymel à saveur grecque authentique et rare, cumulant en plus 2 remèdes médicinaux de l’Antiquité. Un remède médicinal qui a fait son retour après la crise économique en Grèce auprès des gens qui n’avaient plus les moyens de se soigner – tant la médecine populaire fait partie de la mémoire d’une nation, même si elle est très ancienne –

L’oxymel, on peut en ajouter une cuillère à café dans un verre d’eau, jus, tisane et ce 3 fois par jour pour ses vertus médicinales (digestives et anti bactériennes, notamment) ou s’en servir pour faire une vinaigrette. J’ai créé ce produit rigoureusement pour vous le faire découvrir et utiliser de multiples façons.

Lien vers Oxymel au dictame

Et si vous me voyez vous en proposer encore d’autres spécimen, ne vous étonnez pas : ma curiosité semble n’avoir pas beaucoup de limites ! Et si la vôtre vous pousse à vouloir découvrir ces remèdes et saveurs anciens, rendez-vous dans la boutique du Labo de Cléopâtre !

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L’onction royale : un héritage de l’Ancien Testament

Le 6 mai 2023 en l’abbaye de Westminster, après avoir été proclamé roi suite au décès de sa mère, Charles III a été formellement couronné souverain du Royaume-Uni et des autres royaumes du Commonwealth. Une formalité solennelle pour les Britanniques, mais surtout une cérémonie archaïque toujours vivante !

Car entre les voisins européens devenus républicains et ceux qui avaient déjà adopté un modèle simplifié où le nouveau roi se contente de jurer sur la constitution, on doit dire que la pratique est devenue rare et doit surtout faire l’objet d’une curiosité anachronique.

Et pour cause ! Tandis que l’événement était rapporté intégralement à la télé, le moment considéré le plus sacré, l’onction, était caché des écrans par une tenture aux motifs symboliques et intégralement conçue pour ce moment.

Tenture utilisée au couronnement du roi Charles pour cacher la cérémonie d’onction royale.

Dans ce rituel, rien n’est laissé au hasard. Et si depuis le XVIII ème siècle, l’onction ne se pratique sur le souverain désormais plus que sur la tête, la poitrine et les mains, à l’époque d’Henri I, en 1100, il comprenait encore les omoplates et les coudes, explique le site Monarchie Britannique. Le moment le plus sacré de la cérémonie est donc celui où s’expose le plus la nudité du corps royal en même temps qu’est censée se réaliser une opération magique déjà connue depuis l’onction du roi David : la descente de Dieu sur le souverain.

L’onction est la voie de communication directe entre le souverain et le divin, dont l’un descend de l’autre par élection et même double élection, le souverain étant généralement oint par un religieux ayant lui-même reçu une onction pour l’établir dans ses fonctions. Car depuis l’Ancien Testament, on connaît 3 types d’onction : une onction sacerdotale pour désigner les grands prêtres, une onction royale pour le roi faisant aussi office de chef religieux, et une onction qui sacre les prophètes. (Daniel Lys). À l’époque de la Genèse et jusqu’aux Rois, tout se fait à l’initiative de Yahvé, dit le texte.

Des usages qui disparaissent avec la chute de Jérusalem, pour réapparaître dans le christianisme. Le Christ lui-même voulant littéralement dire « oint », tandis que le texte relate comment, à son baptême, Jésus a été oint par la descente du Saint-Esprit sur lui, mais par la biais d’aucune huile, bizarrement.

Pourtant, partout ailleurs, cette huile est indispensable, ne serait-ce d’abord que pour faire un parfum, à cette époque-là. Dans l’Exode, Dieu lui-même donne la recette de l’huile sacrée du Temple – dont vous trouvez mon essai de reconstitution Ici, dans la boutique -. Dans l’Ancien Testament, selon la Torah, c’est celle-là qui consacre, comme on l’a dit, prêtres, rois et prophètes, mais aussi objets sacrés et de cérémonie pour le culte.

Une pratique que la magie et la sorcellerie ont conservée, même si ce n’est pas sur la base de la recette donnée à Moïse mais selon des intentions ciblées dont divers végétaux se font le symbole.

Dans la composition de l’huile d’onction du Temple, on retrouve plusieurs ingrédients sacrés, très estimés dans l’Antiquité – comme la myrrhe et la cannelle, déjà très utilisées en Égypte pharaonique – qui garantit son authenticité.

Dans le Christianisme, religion qui semble se vouloir plus sociale et compatissante, la pratique de l’onction s’étend à tous, ne serait-ce que par le biais du baptême, le sacrement minimal auquel nul n’échappe dans une vie de chrétien.

D’autres onctions sont par la suite possibles pour des engagements religieux plus poussés comme la confirmation et l’ordination. Pour ces sacrements, l’huile utilisée – appelée Saint Chrême – est non seulement consacrée mais parfumée, comme celle de la loi mosaïque, même si ce ne sont plus les mêmes parfums. Si en Occident, l’huile d’olive pure se mêle uniquement à du baume – symbole de douceur, voire de guérison – en Orient, cette huile s’utilise également, mais consiste en une recette plus complexe, plus chargée – comme les aiment les Orientaux – et dont on peut avoir un aperçu par le biais des encens de la tradition orthodoxe dont l’héritage opulent est plutôt byzantin.

Enfin, l’huile d’olive vierge bénie est utilisée dans d’autres rituels d’onction qui ne sont pas des sacrements mais de renforcement comme l’huile des catéchumènes – pour renforcer les baptisés dans leur lutte contre le Mal – et l’huile des Malades – ancienne « extrême- onction » – administrée pour insuffler le courage de Dieu afin de les aider à alléger et supporter leurs souffrances.

Sacre du roi Charles V à Reims. Miniature BNF.

Mais revenons à notre onction royale. Elle existe aussi en France où, pour sacrer les rois, on administrait un mélange de Saint Chrême avec l’huile sainte d’une ampoule apportée par un ange à Saint Rémi lors du baptême de Clovis – du moins, d’après la légende. Car dans la réalité, il y a de fortes chances pour que la sainte Ampoula n’ait jamais été qu’une fiole de l’époque romaine laissée dans une tombe lors de rituels funéraires. De fait, on peut le lire dés Homère, l’onction fait partie de la toilette des morts – comme avec Hector – et des vivants, pour l’hygiène quotidienne et les jeux sportifs.

De la sainte ampoule, brisée par les révolutionnaires, il ne reste aujourd’hui qu’une relique, un infime contenu de ce qui a pu être sauvé. Cependant, en France, plus de rois qu’on ait envie de consacrer, semble-t-il.

Mais en Angleterre, ce 6 mai 2023, dans une cérémonie d’onction royale au symbolisme inchangé depuis l’époque des Rois de l’Ancien Testament, l’huile est composée d’olives cueillies sur le Mont des Oliviers – faisant le lien avec le christianisme – et réalisée par les chefs des églises orthodoxe et anglicane de Jérusalem, comme il y a plusieurs milliers d’années, Dieu descendait sur celui qui lui était consacré par un peu d’huile…d’olives.

Banal, pensez-vous ?

Pourtant, l’olive apparut toujours comme un don de Dieu – peu importe lequel ! – offrant nourriture, précieuse matière grasse pour l’alimentation, l’hygiène, l’éclairage, la médecine et les cosmétiques. Un phare d’espoir et d’abondance luisant au cœur de l’hiver – la récolte des olives se fait en décembre. Une matière si noble qu’elle a le pouvoir de distinguer lieux et êtres depuis plusieurs millénaires.

Le site de Béthel où Jacob avait rêvé de Yahvé et enduit une de ces pierres d’huile pour le distinguer. Wikipédia.
Dans la synagogue Ben Zakaï, on attend le Messie avec un shofar et une fiole d’huile. Wikipédia.

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Les photos proviennent de sites comme Wikipedia, la Croix, Monarchie Britannique, Hérodote.net, Aleteia.com.

Fous d’histoire du 16/17 novembre 2024

Chers abonnés, un petit post pour vous rappeler que le stand du Labo de Cléopâtre vous attend à l’événement Fous d’Histoire de ces 16 et 17 novembre 2024, dans le second bâtiment du Tigre, salle de spectacles et d’événements de Margny-lès-Compiègne.

Je vous mets ici le lien : vous y verrez tous les renseignements fournis par l’Association pour l’Histoire Vivante, organisatrice de l’événement depuis de très longues années. Achats de billets, informations diverses, listes des artistes et artisans présents à l’événement…

Spectacles, reconstitutions, démonstrations, concerts, échoppes en tout genre et public costumé seront présents et animeront l’événement pour le plaisir de tous.

Suivez le lien pour connaître le programme

Enfin, pour se faire plaisir – parce que depuis le début, c’est un plaisir ! – ma galerie des années précédentes, sans réel soucis de date, au hasard de ce que j’ai trouvé dans mon téléphone….

N’oubliez surtout pas l’adresse !

LE TIGRE 2 RUE JEAN MERMOZ
MARGNY-LÈS-COMPIÈGNE, 60280 FRANCE

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Reconstitution de médicaments anciens

La reconstitution de médicaments et soins anciens est aux fondements du projet du Labo. En effet, bien qu’au Marché de l’histoire, quelques visiteurs mauvaises langues fassent parfois le trait d’esprit qu’évoquer Cléopâtre dans le nom de sa boutique sonne plutôt racoleur, ceux qui connaissent le blog et le projet savent que ça n’est pas gratuit puisque ma première reconstitution – par où tout a commencé – était celle d’un nettoyant issu du livre de Cléopâtre et repris par Aetius d’Amide, médecin de l’Antiquité.

Quelle était la distinction entre parfums pour parfumer et parfums pour soigner dans l’Antiquité ? À présent qu’aucun livre de parfumeur n’a été retrouvé et que les livres consacrés aux cosmétiques ont également tous disparu, il est difficile de le savoir. Mais dans le livre de Galien sur les remèdes, Méthodes de traitement, on peut voir le médecin de Pergame recommander l’utilisation d’un parfum ordinaire de parfumeur de son époque. Donc, malgré le mépris affiché des médecins anciens pour le travail de parfumeur, il y a de fortes chances que les formules n’aient pas beaucoup différé et que la distinction n’ait été que celle de la « noblesse d’intentions».

L’idée de refaire des médicaments anciens a germé très tôt dans mon esprit parce qu’en cherchant des recettes variées de kyphis – puisqu’il en existe plusieurs depuis l’Egypte ancienne – j’étais tombée sur un ouvrage français de pharmacopée du XVIII ème siècle qui m’en avait fourni une et permis de la ressusciter. Pour autant, c’était une recette plus ancienne que les médecins avaient pris soin de conserver et transmettre aussi longtemps qu’ils en avaient eu l’utilité.

Mais ce n’était pas la seule des recettes de fumigations médicinales que je pouvais avoir envie de refaire et les recettes précises de médicaments me sont apparues comme une mine d’or pour l’exploration des senteurs et remèdes anciens. Je me suis donc procuré l’ouvrage entier pour l’avoir toujours sous la main et pour pouvoir l’étudier.

Je l’ai donc parcouru à la recherche de ce qu’il était possible de faire, car effectivement, ce n’est pas une mince affaire ! Envisager une recette de médicament ancien – eux, ils disaient drogue – est en réalité affaire de circonstances favorables et de conditions précises que je m’impose à moi-même ou qui me sont imposées par les simples conditions de sécurité et de bon sens :

  • Je ne manipule pas de matières chimiques que je ne maîtrise pas ou que je soupçonne d’être dangereuses.
  • Je n’envisage pas de sacrifier un chiot, un pigeon ou un serpent même pour un remède très populaire autrefois.
  • Je peux obtenir ou je possède déjà toutes les matières premières nécessaires à la recette.
  • Je suis capable de recréer les situations de réalisation.
  • Je ne réalise les recettes que si je peux les reproduire à 100%. Si j’opère un changement que j’ai jugé nécessaire et possible, je mentionne lequel et pourquoi c’est pertinent.
  • Je m’autorise des écarts sans importance créés par la modernité (j’utilise parfois l’électricité et mon eau de source peut parfois couler du robinet)
Plaque à induction pour médicament galénique.

Une fois ceci posé, je coche les recettes qui sont réalisables selon ce cahier des charges et je les laisse infuser dans mon esprit pendant des mois. Car qui dit médicament ancien dit arrière-plan très riche de culture implicite à laquelle nous n’avons plus accès : théories médicales anciennes et toutes relatives à leur époque, procédés, gestes, croyances qui nous sont complètement étrangers. Il faut aussi s’habituer aux exigences des étapes, si on les a bien comprises et si on peut les suivre. Enfin, le dernier point et pas des moindres est celui des poids et mesures anciens qu’il faut transposer, voire conserver en l’état pour obtenir une information de plus.

C’est le cas de la poudre de Diospoli, un médicament dont la recette a été donnée par Galien et qui subsiste, inchangée, au XVIII ème siècle. Inchangée parce que l’apothicaire du XVIII ème siècle l’a trouvée parfaite ainsi et n’a de ce fait pas voulu y toucher. Mais il n’est pas rare que les auteurs d’ouvrages de pharmacopée notent la recette de base, puis en proposent une version réformée pour y apporter des améliorations qui leur semblent utiles à présent qu’ils pensent avoir avancé en connaissances.

J’ai suivi les étages de la recette, mais contrairement à d’habitude, j’ai aussi suivi les proportions données. D’habitude, ayant affaire à des proportions industrielles – pour le cas des parfums de parfumeurs – il n’est pas possible de les reproduire puisque ces cosmétiques ont désormais changé de statut : de produits à la mode et de grande consommation autrefois, ils sont passés à l’état de curiosités, reconstitutions historiques artisanales dans un but de connaissances.

Suivre fidèlement les proportions de la recette, en plus de ses ingrédients et ses étapes permet de se faire une idée précise de la quantité qu’on en gardait en officine pour satisfaire à la demande d’autrefois.

Poudre de Diospoli

Néanmoins, les médicaments anciens ne sont pas seulement difficiles à réaliser, ils sont aussi délicats à manier. J’ai failli renoncer à les faire, me disant qu’au minimum, ils ne seraient pas achetés, et au maximum, qu’ils pouvaient tomber dans de mauvaises mains ! Mais fournissant régulièrement des produits à une association de médecins enseignant l’histoire de la médecine lors de reconstitutions costumées, j’ai eu l’idée de leur proposer de reconstituer quelques médicaments pour également faire progresser les savoir. Tandis que j’ai l’habitude de réaliser des recettes médicinales anciennes, eux savent quand et dans quel contexte on employait le produit fini. Donc, ce que j’ai à proposer tombera dans les meilleures mains possibles, et les médicaments ressuscités retrouveront une raison d’être sans corruption possible.

Bien évidemment, c’est moi qui choisis les recettes que je peux faire et quand je peux les faire, mais à part ça, je compte bien explorer â mon rythme ce domaine, sachant qu’entre le moment où j’en découvre une de réalisable et que je la réalise effectivement, il peut bien se passer entre plusieurs mois et plusieurs années !

Néanmoins, ce que j’ai fait une fois, je peux plus aisément le refaire, donc, si vous êtes une association d’histoire de la médecine reconnue, que vous êtes intéressés par des médicaments reproduits à 100% et qu’on peut enfin appréhender par les sens dans l’état de fraîcheur qu’ils devaient avoir quand on les utilisait, vous pouvez me contacter sur la boîte mail du Labo de Cléopâtre pour qu’on en discute – à condition que ce soit dans un but de connaissances.

Vous pouvez aussi me rencontrer au marché de l’histoire de Compiègne et venir voir et sentir les médicaments que je réserve à Scalpel et Matula, s’ils ne les ont déjà emportés.

En attendant, je compte mettre sur le blog des articles catalogues des médicaments déjà réalisés, leur fonction, et l’époque où on les utilisait.

  • Poudre dentifrice orientale – 1878 M. Pradal. Nouveau manuel du parfumeur.
  • Poudre de Diospoli. 1763. Pharmacopée universelle de Lemery mais recette de Galien. « Pour abattre les vapeurs, les coliques venteuses et susciter les mois aux femmes. 

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Le brûle-parfum mycénien à l’usage

Après avoir construit le brûle-parfum, l’avoir essayé et noté des hypothèses sur le blog, j’ai malgré tout conscience que sans avoir réussi à entretenir un feu complètement, je n’ai pas éprouvé l’usage réel de cet objet dont la conception date d’il y a plus de 2 millénaires.

Pour m’habituer à l’usage de ce brûle-parfum, je le mets dans des endroits pratiques où je fais brûler mes plantes. Ainsi, je lui donne l’usage banal et usuel qu’il devait avoir lors de sa conception.

Et hier soir, je décide que je vais consacrer des heures à faire brûler durablement des plantes sèches dans cet objet de conception ancienne. Or, ce qui est déjà difficile avec un brûle-parfum ordinaire l’est plus encore avec un brûle-parfum ancien doté de multiples trous et d’un couvercle. Car je comprends bien que l’équilibre qui va se jouer entre attiser le feu avec l’air libre et le réduire avec le couvercle ne va pas être une mince affaire !

Par chance, la façon de faire prendre un feu depuis l’époque du brûle-parfum mycénien n’a pas changé, et comme de juste, j’essaie de brûler le sommet de mon tas de plantes coupées. Et je souffle dessus pour essayer de faire prendre le feu plus en profondeur. Honnêtement, je galère !

Quand je crois tenir quelque chose, je remets le couvercle et je souffle par les trous sur les côtés. Je galère, mais c’est assez courant quand on veut faire prendre le feu à des plantes sèches : en fonction de la légèreté de la plante, sa constitution, son humidité et la répartition de l’air, il est plus ou moins facile de l’enflammer.

Pour plus de commodité, je la tiens entre mes mains, ma bouche collée aux trous du brûleur et je souffle pour faire prendre le feu de l’intérieur, comme ça semble prévu. Je comprends vite que comme avec un soufflet, il ne faut pas s’arrêter au risque de voir le faible feu s’éteindre rapidement. Je passe donc mon temps à souffler dans les trous et inspirer pour reprendre mon souffle. Mais dès lors que je souffle sur les herbes, la fumée s’échappe et c’est elle que j’inspire à chaque fois, si bien que je finis par en ressentir les effets…

Le Labo de Cléopâtre, projet de recherche d’abord et boutique ensuite autour des parfums historiques et traditionnels, ne manque jamais de pratiquer des fumigations de toutes sortes, époques et civilisations pour pouvoir les étudier et vous les proposer sous forme de connaissances via le blog, ou produits à découvrir sur la boutique.

Ce soir-là, j’ai choisi ma plante préférée – comme sûrement la plante préférée de beaucoup de stressés – la damiana. Parmi ses bienfaits, on compte la détente aussi bien physique que psychologique, l’amélioration de la qualité de sommeil, et même de l’activité onirique.

Damiana sèche coupée

Mais elle est capricieuse, et comme ça fait longtemps que je la pratique, elle a tendance à avoir moins d’effets sur moi. Sauf que ce soir, la bouche et le nez pris en sandwich entre les plantes sur lesquelles je souffle et leur fumée que j’aspire directement sans perte dans l’atmosphère comme cela arrive habituellement, la détente se fait soudain rapidement sentir.

Au final, contrairement à d’habitude, je me couche tôt, je dors tout de suite et longtemps, et je fais plein de rêves. Connaissant cette plante depuis longtemps, je peux l’affirmer : les effets de ce soir-là sont ceux qu’on obtient dans les conditions les plus favorables, mais elles sont loin d’être assurées à chaque fois. Là, j’ai l’impression d’avoir retrouvé tout le pouvoir de ma plante préférée !

Est-ce pour autant que l’usage en était réellement celui-là ? Rien ne permet bien sûr de l’affirmer mais obtenir un résultat tel que celui-ci incite à réfléchir. Après, on ne peut oublier que bien que le brûleur original du musée d’Athènes soit d’assez petite taille, celui que j’ai créé selon les mêmes principes n’est pas forcément aux mêmes dimensions puisqu’elles me sont inconnues.

Néanmoins , sur cette base de fumigation optimisée, l’hypothèse de l’usage médicinal devient de plus en plus probable, mais il peut très bien s’être agi d’un rituel communautaire, comme il en existe chez les Amérindiens, et qui consisterait à partager la fumée de la plante sacrée ou bienfaisante en soufflant chacun son tour dans le brûleur…Qui sait ?

En ce sens, mon essai avec la damiana est très adaptée car je connais bien cette plante, que j’en connais les effets et que je sais distinguer des meilleurs effets des plus modestes. Mais en même temps, elle n’est pas réellement adaptée car c’est une plante qui pousse en Amérique et qui ne peut donc avoir été connue et utilisée par les Mycéniens. Il s’agissait forcément de plantes européennes, voire, c’est très possible, d’une seule plante dont on utilisait les effets pour une raison médicinale, religieuse ou sociale, etc…

Au final, étant parvenue à maintenir un feu à partir du système de mon brûleur mycénien, et ayant eu des effets dont je reconnais la valeur sans pour autant savoir si c’était la destination de cet objet, je pense poursuivre l’aventure en utilisant cette fois des plantes européennes connues depuis fort longtemps de la civilisation grecque. D’emblée, je pense à l’armoise et à l’absinthe qui ont la faculté de provoquer des rêves, mais on pourrait aussi penser au tussilage, que les Anciens utilisaient déjà pour calmer la toux, et qu’on emploie toujours pour cet usage.

Bien sûr, il n’y aura sûrement pas de certitudes puisque aucun texte ancien ne mentionne cet objet ni l’usage qu’on pouvait en faire. Néanmoins, le voyage de cette aventure humaine est passionnant et sa valeur réside dans le simple fait de l’accomplir pour tenter d’obtenir de petites réponses et de petites lumières.

PS : concernant le couvercle qui ne laisse pas passer les herbes enflammées, je révise mon jugement : si je souffle suffisamment fort, les feuilles passent par les trous et brûlent ce qu’elles touchent – j’ai d’ailleurs une cloque de brûlure au-dessus de la lèvre -.

Je crois donc de plus en plus à une technique d’optimisation de la fumigation pour tirer le plus grand effet des plantes qu’on fait brûler, quel que soit l’objectif pour lequel on les fait brûler.

Affaire à suivre…

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Reconstitution d’un brûle-parfum mycénien

Ayant cherché dans ma galerie des photos d’Athènes que j’avais visité en 2018, je suis tombée sur des objets historiques que j’avais photographiés au musée archéologique. Comme c’est toujours un plaisir, je prends du temps pour les regarder, et là, un petit brûle-parfum en terre cuite m’intrigue par sa construction. Il est fermé, il a une rangée de trous réguliers sur la partie chaudron et plein de petits trous plus rapprochés sur le couvercle.

Je me demande immédiatement pourquoi, sachant bien sûr que ce n’est pas le fruit du hasard, mais certainement d’une science qui m’échappe mais dont je ne doute pas car je connais bien les Anciens.

Le brûle-parfum a été photographié dans la toute première partie du musée, c’est-à-dire la plus ancienne, celle du Néolithique, des civilisations mycénienne et cycladique. Je n’ai pas photographié la référence exacte mais on est plus ou moins vers 1200 avant J-C, l’âge du Bronze où on situe l’action de l’Iliade.

Photo personnelle, musée archéologique d’Athènes.

Comme j’ai l’habitude de travailler l’argile pour différents objets de la boutique, je me dis que si je veux trouver des réponses à mes questions, je dois refaire l’objet, d’abord parce que je ne pourrai jamais l’observer de plus près sans ça et surtout car c’est à l’usage que nous comprenons les choses le plus souvent. C’est évidemment plus simple quand on possède la connaissance du domaine d’action de l’objet : ici, l’encens ! Ce serait dommage de ne pas essayer.

Je décide d’un protocole très clair : je ne suis pas là pour reproduire un bel objet du musée archéologique d’Athènes pour que tout le monde s’émerveille de ma belle réalisation, mais pour trouver des réponses possibles à la question de la disposition particulière des trous sur ce brûle-parfum. Donc, du moment que je garde la structure des 3 pieds, du chaudron troué légèrement sphérique, du couvercle très troué et de l’anneau, peu importe sa beauté, il sera fonctionnel et donc en mesure, peut-être, de me révéler son secret…

Au bout de plusieurs heures de travail de l’argile que je ne détaillerai pas, j’obtiens ça. Il n’est pas aussi beau que celui du musée, évidemment mais ce n’est pas ce que je vise. Son fonctionnement sera identique puisque les règles de sa structure ont été respectées.

Choses certaines : c’était un brûle-parfum de la période mycénienne trouvée dans une tombe. Cette civilisation grecque très avancée ne connaissait pas les résines lointaines dont le commerce s’établira bien plus tard. Ce qu’on fait brûler dans ce brûleur c’est donc très certainement des plantes locales aromatiques. Ça tombe bien : la Grèce en est bien dotée, même actuellement, et notamment par son relief montagneux très favorable aux plantes sauvages qui y acquièrent plus de force en odeur et en goût, comme ça a été démontré partout dans le monde. De fait, en Grèce et en Crète, on trouve des variétés de thym, menthe et origan qui ressemblent à ceux que nous connaissons mais avec bien plus de puissance aromatique.

Néanmoins, je n’ai pas besoin non plus de plantes grecques ou crétoises pour comprendre comment mon brûleur fonctionne. Je prends une boite de thym et j’en remplis le ventre du chaudron en veillant à ne pas boucher les trous sur lesquels je me pose des questions. Finalement, j’ai pris une boite d’origan et non de thym comme je le croyais : tant mieux car il est bien plus utilisé dans la Grèce d’autrefois – et aujourd’hui aussi, d’ailleurs.

Départ de feu dans le brùleur mycénien reconstitué.

Je mets le feu à mon petit tas de plantes.

Je me suis longtemps interrogée sur ce feu : le faisait-on directement ? mettait-on une braise ? Finalement, je pense que ce n’est pas important dans le contexte de mon brûle-parfum. Dans les temps anciens de la Grèce, le feu se prenait surtout d’une première source qui le possédait. Le mythe de Prométhée raconte justement le vol du feu aux dieux qui permit l’affranchissement des Hommes. Une tradition très importante dans le monde gréco-romain autour des déesses Hestia et Vesta, mais aussi dans le cadre domestique où on veillait à laisser brûler une flamme qu’on emportait en voyage. Un foyer est ainsi un feu collectif partagé par une famille : le symbole et l’appellation sont ainsi restés. Un exemple toujours vivant et très médiatisé reste le passage de la flamme olympique…

Je mets donc le feu et je regarde ce qu’il se passe. Il ne se passe pas grand-chose. Une fois pris, la fumée sort par les trous du couvercle, mais globalement, malgré les trous qui laissent penser que le chaudron est bien ventilé pour permettre une circulation d’air suffisante pour une bonne propagation du feu, ce n’est pas vraiment ce qui se passe. De fait, il faut souvent le rallumer, le retourner pour qu’il accepte de repartir.

Finalement, je ne suis pas sûre de comprendre l’intérêt ou le fonctionnement de cet objet. Sauf que…

La fumigation, j’ai déjà bien pratiqué. Sans aide, les herbes ne prennent pas si facilement et il faut souffler dessus. Mais souffler dessus quand elles sont enflammées, c’est toujours un risque car les herbes sont légères et s’envolent facilement. Le risque de mettre le feu est grand, donc on s’y prend toujours avec une grande prudence.

Le feu ne prenant pas vite, j’ai envie de souffler comme je fais avec. Mais le couvercle est fermé. Oui, mais les trous sur les côtés laissent passer l’air…

Je m’approche des trous du chaudron et je souffle. L’odeur redouble, la fumée sortant du couvercle aussi. Et si c’était ça ?

Je n’y aurais jamais pensé et j’aurais continué à souffler sur le tas de plantes légèrement enflammé pour le faire prendre. Mais prudemment, très prudemment ! Mais avec un tel système, pas besoin de prudence : le brûleur s’en charge. En soufflant au niveau des trous vers l’intérieur, je donne au feu des chances de prendre sans donner aux plantes de chances de s’envoler et mettre le feu par accident.

Bien évidemment, je n’ai pas l’habitude : il m’a fallu plusieurs fois remuer les plantes après ouverture du couvercle pour alimenter le feu en oxygène dont il avait besoin pour prendre. Mais nul doute qu’avec de l’habitude et de la technique, l’utilisation gagne en efficacité et l’objet révèle son vrai potentiel, même si alimenter un feu de plantes aromatiques sans risques d’incendie est déjà d’une utilité non négligeable.

Pour autant, le couvercle joue aussi un rôle fondamental. En restreignant l’alimentation en air, il permet de réduire la force du feu et rallonge ainsi le temps de combustion des plantes et les empêche ainsi de brûler trop rapidement.

Ainsi régulé et contrôlé, le feu brûle les plantes doucement au gré des régulations humaines par le souffle, et les plantes aromatiques diffusent alors leur parfum pendant bien plus longtemps que si elles brulaient à l’air libre.

Sans en avoir bien sûr de certitude, je pense que ce petit objet intelligent – par sa conception minutieuse et très bien pensée pour une fumigation contrôlée – peut très bien avoir été d’un usage médicinal.

En tout cas, ne dites jamais en ma présence que les gens des sociétés anciennes manquaient d’intelligence !

Erratum : si je me mélange entre mycénienne et minoenne, on ne va pas s’en sortir ! Désolée pour les premiers lecteurs ! Heureusement que les doutes donnent des insomnies !

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Le Labo de Cléopâtre à Fous d’Histoire 2023

Une fois n’est pas coutume, au lieu d’écrire un article pour vous annoncer ma présence à venir à l’événement Fous d’Histoire de novembre 2023, j’ai décidé d’en écrire un sur l’événement à posteriori, vu uniquement de mon petit stand.

Il faut dire que ma boutique de parfums historiques y vit des aventures assez uniques à tous les points de vue. Depuis plusieurs années que le Labo de Cléopâtre est présent au Marché de l’Histoire de Compiègne, je n’ai eu qu’à me féliciter d’avoir fait la démarche de m’y proposer. Un très bon accueil lui a tout de suite été réservé car ma proposition venait combler le manque d’un sens qui faisait défaut au Marché de l’histoire et à son beau concept affiché d’histoire vivante : l’odorat.

Mais pour le Labo de Cléopâtre, cet événement est une sorte de Brigadoon – du film du même nom dans lequel un village écossais apparaît une fois tous les 100 ans. Une fois tous les 6 mois, la boutique du Labo de Cléopâtre enfile son costume – à tous les niveaux – et offre au monde ce qu’il peut de moins en moins montrer sur la boutique Etsy : des parfums et cosmétiques historiques authentiques reproduits à 100% dans la majorité des cas.

En effet, sur Etsy, c’est plus la dimension ludique, ésotérique ou magique qui sont recherchés par les clients – hormis le kyphi qui a l’avantage d’être autant célèbre chez les historiens que chez les égyptophiles . Mes reconstitutions de parfums historiques y sont peu achetées, peut-être même peu remarquées quand elles n’y sont pas tout simplement absentes parce qu’interdites à cause d’un règlement strict.

Or, l’aventure et la boutique du Labo de Cléopâtre ont commencé par la recherche historique, évolué avec et s’en nourrit exclusivement, offrant un catalogue riche de khôl, poudres visage du 14 ème, 18 ème et 20 ème siècle, parfums huileux de l’Antiquité, savons des 18 et 19 ème siècles, pomander oriental de la Renaissance, encens de tous lieux toute époque et parfums poudreux 18-19 ème siècles, entre autres propositions.

Un catalogue vivant avec lequel je viens chaque fois avec mon stand et que ma clientèle et mes suiveurs sont venus chercher, au minimum pour découvrir les parfums d’autrefois, qu’on concevait à la fois autrement, et sans chimie. Car au Marché de l’Histoire, c’est le produit historique qui est attendu, recherché, estimé.

Alors, oui, je peux proposer enfin des parfums de l’Histoire entièrement reconstitués à ma clientèle qui, parfois découvre, mais le plus souvent connaît déjà le projet, a déjà acheté des produits, lu le livre et tenté des recettes qu’il y avait dedans et avec certitude, est en train de lire cet article…

Photo prise et envoyée par Hélène, à ma droite.

Ce novembre, j’ai ainsi vu passer des gens qui sont là depuis le début et qui viennent toujours me voir, voir les nouveautés que je propose, et surtout, les sentir, discuter des matières premières et des techniques historiques. J’y ai vu des clients fidèles qui reviennent, des nouveaux qui découvrent et puis aussi des sensibilités et cultures différentes, des nez bouchés – beaucoup ! – des exaltés du parfum – parmi mes favoris ! – mais surtout des gens en lien olfactif direct avec leur mémoire – tous !-.

On y voit aussi souvent des professionnels venus faire leur marché pour des médiévales ou pour un projet d’association quelconque.

Esculape est parmi nous…

C’est ainsi que depuis quelques années, l’association Scalpel et Matula, – qui s’attache à raconter en costume l’histoire de la médecine, équipée d’instruments de chirurgie historiques et ou fidèlement reconstitués, fréquente et se fournit en produits parfumés au Labo de Cléopâtre. A cela une raison très simple : avant le 18 ème siècle, les recettes de parfums, encens, poudres, khôl, sont toutes issues de la littérature médicale.

Jocelyn, Michel et Cyrielle à leur stand présentant cette année la médecine de l’Antiquité.

Chaque chercheur et historien sait que de toutes les recettes parfumées qui nous restent, aucune n’appartient au domaine de la parfumerie – pourtant déjà bien distingué du domaine médical dès l’Antiquité. Et de fait, on les trouve chez Dioscoride, Galien, Pline, etc. dont il nous reste les textes, et jamais de Criton – qui a écrit en son temps sur les cosmétiques, sa spécialité – ou même de l’ouvrage d’Ovide sur les cosmétiques, dont il ne reste que de très courts fragments.

Cyrielle me présente les instruments de chirurgie de l’Antiquité.

C’est ainsi que les parfums du Labo de Cléopâtre avaient avant tout une fonction médicinale, les odeurs étant considérées autrefois comme aptes à soigner.

– Le Rhodinion – parfum de rose – avait la fonction de soigner, entre autres, le mal de tête, des dents, les ulcères variés, et les démangeaisons de psoriasis. Ce parfum se prenait aussi en lavement.

– L’onguent de Sénégré était surtout utilisé pour les troubles gynécologiques et purifiait les blessures de la tête, enlevait les taches du visage au point d’entrer dans la composition d’un fard. Lui aussi s’utilisait en lavement, mais aussi en cérat.

– L’onguent de lys avait la particularité de faire disparaître les cicatrices, marques de meurtrissures. Pris en breuvage, il faisait maigrir – peut-être d’abord parce que c’était un vomitif !

– Quant au kyphi – particulièrement celui de Dioscoride, dont les descriptions sont issues – il « se mêle dans les antidotes, et se donne à boire à ceux qui sont serrés de la poitrine ». Le kyphi se donnait effectivement à boire dans du vin, dans les usages médicinaux anciens.

Si vous êtes venus sur le stand, vous reconnaissez ces produits que vous avez très certainement sentis. C’est effectivement une part de l’histoire de la médecine que vous avez donc ainsi rencontrée.

Et si sur mon stand, le fait n’est pas mis en évidence car l’accent est mis sur les odeurs et les belles façons anciennes et naturelles de les concevoir, dans les démonstrations et ateliers pédagogiques de Scalpel et Matula, les produits parfumés du Labo de Cléopâtre reprennent la vraie fonction qu’ils ont eue dans l’histoire, lors de manifestations où on raconte comment on les utilisait.

Les outils de la médecine antique.

Fière de ressusciter les médicaments de l’histoire, de leur donner forme, texture, vie, couleur et odeur. Merci à l’équipe de Scalpel et Matula pour leur confiance en la fiabilité historique de mes préparations.

Enfin merci à vous de suivre le blog et l’aventure du Labo tout entière. À bientôt pour de nouvelles découvertes !

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Réalisation d’une pommade 18 ème siècle en images

Le mois dernier, j’ai tenté une recette qui m’attirait depuis quelques temps, trouvée dans un ouvrage destiné aux parfumeurs et daté du 18 ème siècle.

C’est une pommade pour les lèvres légèrement teintée et comme toujours au 18 ème siècle, entièrement naturelle. Un siècle plus tard, les choses auront bien changé et la chimie s’invitera dans les parfums et cosmétiques.

Pour autant, en 1920, encore, quand apparaîtra le premier rouge à lèvres, il aura pour base les modestes ingrédients de cette recette : un cérat pour base, du raisin et de l’orcanette pour la couleur. Et c’est tout ? Et bien oui.

Le cérat chauffe tandis que les grains de raisin attendent l’heure de leur entrée en scène.
Les voilà réunis. Je les abats au presse purée.
Cuisson.
Je retire la chair et les pépins.
J’ajoute l’orcanette.
Après plusieurs tâtonnements, je décide de faire ce que je crois juste car l’ouvrage ne mentionne comment parvenir à une homogénéité.
Je remets le cérat que j’avais retiré du mélange.
J’unis l’un et l’autre : j’ai effectivement une pommade rosée.
Je mets en pots de format baume à lèvres contemporain. J’ignore comment étaient les contenants au 18 ème siècle.

Vous voulez sans doute savoir le reste : ça hydrate bien, ça a la force colorante d’un gloss discret, ça sent bon et le raisin laisse un délicieux petit goût sucré sur les lèvres. L’ouvrage précise que ce produit se conserve 2 ans !

Bien sûr, j’imagine qu’en fonction des variétés de raisin noir, il est possible d’avoir des couleurs plus ou moins intenses, sachant que celles-ci devaient être moins variées qu’aujourd’hui. En les identifiant, on aurait la palette des rouges possibles au 18 ème siècle, du moins pour cette pommade.

Enfin, c’est évidemment un produit pour les aristocrates, et forcément un produit saisonnier qu’on ne pouvait faire qu’à l’époque de la récolte du raisin. Il en était donc un peu du rouge à lèvres pour les dames comme du vin pour les messieurs.

Le jardin romain de Nîmes

Au musée de la Romanité de Nîmes a été aménagé un jardin où ont été concentrées les espèces employées dans l’Antiquité. Une occasion pour moi de rencontrer ma palette de végétaux vivante, dans le plein épanouissement de ses parfums et de ses couleurs…

Étant allée à Nîmes pour découvrir son patrimoine antique que je savais considérable et unique en France, je dois dire que je n’ai pas été déçue. De la Maison Carrée aux Arènes – très bien conservées -, en passant par la Tour Magne, c’est un belle concentration de vestiges uniques, que j’ai ainsi pu découvrir.

Mais ce qui m’a donné le plus de plaisir, je dois bien l’avouer, c’est que le Musée de la Romanité avait aménagé un jardin organisé de façon thématique et chronologique autour des espèces utilisées dans l’Antiquité par les Gallo-romains.

Que vous ayez acheté certains produits de la boutique ou que vous ayez tenté une recette de mon livre Fabriquez vos soins naturels de l’Antiquité, vous avez peut-être remarqué que je travaille avec une palette de végétaux à la fois restreinte – par rapport à celle d’aujourd’hui – et plus ouverte.

Restreinte parce que dans l’Antiquité, on ne connaissait pas la réelle vastitude du monde, et même si on pouvait l’envisager, on n’allait malgré tout pas très loin.

Aujourd’hui, à l’inverse, dans un monde devenu exploré et bien connu, où le commerce mondial s’est globalisé, les espèces utiles sont non seulement bien connues, mais font aussi l’objet de transactions acharnées à des échelles industrielles.

Une situation de fausse abondance dans laquelle la quantité prodigieuse d’échanges restreint le choix autant que la connaissance. Car au final, seules quelques espèces « star » sont connues et sur-exploitées, d’autres, plus ordinaires ou mésestimées vont se retrouver négligées ou ignorées par manque de prestige ou de visibilité, et surtout parce qu’elles n’ont pas su faire rêver.

Parcourez avec moi ce jardin thématique bien pensé, qui a l’avantage d’être le pendant chronologique et rare des jardins de simples de certaines églises de France – devenus courants dans les communes, mais qui, bien bien que pédagogiques et passionnants, sont toujours plus inspirés par le capitulaire de Villis et Hildegarde de Bingen que par Diocoride, Pline ou Varron.

Dans l’Antiquité, comme dans beaucoup de sociétés traditionnelles, les plantes locales et leurs usages étaient étroitement mêlés à la mythologie et au sacré.

L’achillée millefeuille porte le nom du héros Achille pour avoir soigné son talon blessé. Un don de la compassion d’Aphrodite.

Le figuier, dont les racines arrêtèrent la barque qui entraînait Romulus et Rémus nouveaux-nés à une mort certaine.

L’olivier d’Athéna dont elle fit cadeau aux Athéniens et qui lui valut d’être patronne de la ville grecque.

La vigne, née des larmes de Dionysos et du sang d’Ampélos. son amant mortel tué par un taureau.

Le pin, né du sang d’Atys, que la déesse Cybèle avait rendu fou en voyant qu’il lui préférait une autre.

Le laurier, issu de la nymphe Daphné, changée en arbre par échapper à Apollon.

Le myrte, qui avait caché la nudité d’Aphrodite lors de sa naissance et qui devint une de ses plantes consacrées, symbole de l’amour durable.

Le romarin, l’encens des pauvres, mais d’abord des premiers Romains et qu’on consacrait préférablement aux lares, génies très nombreux de religion romaine.

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