Les épices spirituelles de Noël

Quand on interroge la toile sur l’origine des biscuits de Noël, et plus spécifiquement des épices de Noël, on trouve une flopée d’influences qui peuvent aller des Chinois aux Mongols en passant par les Croisés. C’est encore plus vrai pour le pain d’épices qu’on fait remonter jusqu’aux Égyptiens et aux Grecs, qui fabriquaient le « melitounta », un gâteau de miel déjà associé aux fêtes de fin d’années.

Et même si globalement, on a pu trouver à toute époque à partir du Moyen Âge pains et gâteaux mêlés d’épices évoquant de près ou de loin le célèbre biscuit de Noël, il faut reconnaître que là où la tradition reste la plus vive et la plus ancrée, c’est en Allemagne et en Alsace où on en fabrique en famille dès le mois de novembre, et sur lequel on a aussi des dictons.

Dans le blog pourdebon.com, le producteur d’épices Max Daumin estime que le biscuit de Noël est né dans les monastères allemands de la période médiévale. À cette époque, les épices étaient rares et dotées de vertus extraordinaires pour les gens du Moyen-Age qui voyaient en elles des produits médicinaux presque magiques. De fait, les épices étaient d’abord réservées à une élite.

Mais c’était en réalité pour une raison religieuse que les moines prenaient des ancêtres des biscuits de Noël à la période de l’avent. On considérait les épices comme « purificatrices du corps et de l’esprit », si bien qu’elles disposaient à se préparer à accueillir la naissance du Christ, qu’on fête à cette époque-là de l’année. Les ancêtres des biscuits de Noël semblaient donc associer les épices à des bienfaits influençant jusqu’aux humeurs – du corps jusqu’à l’esprit, donc – laissant ainsi la place à la joie que l’annonce de la naissance du Christ devait susciter dans un monde très chrétien.

Max Daumin prévient justement : « l’usage de ces douceurs était bien certainement purificateur du corps et de l’esprit, un médicament. »

Le biscuit de la Joie version contemporaine avec sucre et beurre.

D’ailleurs, à bien y regarder, l’ancêtre du biscuit de Noël ressemble à la version initiale du biscuit de la Joie, dont la recette originale consistait uniquement en fleur de farine, cannelle, muscade, un peu de girofle et un peu d’eau pour lier.

Le biscuit de la Joie d’Hildegarde von Bingen.

Des épices dans lesquelles Hildegarde voyait un tonique pour la cannelle, la vertu de « purifier les sens et donner de bonnes dispositions » pour la muscade, la stimulation de la vitalité pour le clou de girofle.

2 biscuits de la Joie : l’ancien, que plus personne ne connaît, et le nouveau, que tout le monde mange à Noël.

Tout comme le biscuit de Noël, il est possible de trouver le biscuit de la Joie dont on attribue toujours la recette d’Hildegarde qui, du haut de son XII ème siècle, ne goûtait ni le sucre ni le beurre – peu employés voire inconnus à ces époques-là où on utilisait plus volontiers miel et saindoux -. Mais évidemment, c’est une gourmandise de laquelle il ne manque aucune des douceurs dont vous avez aujourd’hui l’habitude.

C’est bien ce gâteau gourmand, délicieux et épicé dont on se régale qui semble être l’arrière-petit-fils de ce biscuit de l’âme qui avait finalement tout d’une hostie austère bien qu’épicée. Et quand on le goûte, effectivement, c’est bien un aliment d’ascèse auquel on a affaire, et seuls les plus motivés par la recherche historique en mangeront !

Alors, quand vous prendrez un biscuit de Noël, vous pourrez penser à vos ancêtres d’Europe dont vous perpétuez sans le savoir une pratique spirituelle de notre Moyen-Age très chrétien consistant à se purifier le corps et l’esprit pour se préparer à accueillir la venue du Christ le 25 décembre.

Et ce même si aujourd’hui, seule est visible la gourmandise.

(Aux fourneaux historiques : J.B Lullien-Kochanski pour les 2 biscuits de la Joie comparés)

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L’usage vivant et magique du parfum dans le Hoodoo

Le Hoodoo est un ensemble de pratiques magiques et spirituelles développé en Louisiane à l’époque de l’esclavage. De racines d’abord exclusivement africaines, il s’est enrichi et métissé au cours de son évolution des apports culturels des autres populations pauvres et ostracisées au même titre que les anciens esclaves – amérindiens, descendants de français qui n’avaient pas les moyens de rentrer en France quand Napoléon a vendu la Louisiane aux États-Unis en 1803.

La société louisianaise, très métissée comme il est peu arrivé dans l’histoire, est composée de descendants des premiers colons français, anciens esclaves d’Afrique, population amérindienne première et d’autres, arrivés là à la faveur des migrations et des aléas historiques.

Parmi ces spécificités, les pratiques magiques des anciens esclaves, conçues comme des actions de résistance et d’entraide parmi une population opprimée. Il serait long et inapproprié de décrire ici les principes spirituels du Hoodoo qui a de profondes racines et une riche histoire tout en ayant gagné le statut de véritable culture aux États-Unis et fait l’objet d’études à l’université.

Je vous propose plus simplement de découvrir son rapport aux parfums et produits de toilette – vrais sujet du blog – pour vous faire une idée de son système culturel et de sa richesse folklorique.

En effet, le nombre de recettes d’encens et de parfums divers et variés ne semble pas avoir de limites ! Une pratique plutôt généralisée dans les Antilles puisqu’on la retrouve régulièrement sous forme de lotions à visée spirituelle et magique portant le nom d’un saint ou d’une intention plus directe. Ses racines paraissent être africaines, les parfums connus aux noms évocateurs y étant souvent utilisés pour concevoir des encens à buts spirituels et magiques dans plusieurs sociétés africaines et maghrébines. Des pratiques identiques mais encore plus spécifiques existent là où est pratiquée la polygamie : dans un monde très axé sur la concurrence sexuelle pour s’attacher un homme, les encens et parfums – qui sont l’affaire des femmes – jouent un rôle de premier plan.

Héritier des cultures africaines, le Hoodoo conserve cette tradition des encens et parfums pour le désir, pour séduire, rendre amoureux..Mais tout cela au milieu des autres objectifs infinis que peut projeter l’âme humaine comme la chance, la purification, la richesse, etc..

Encens Hoodoo à but magique .

Une autre pratique à la fois ancienne et moderne très intéressante du Hoodoo est celle des bains, qui trouve ses racines dans les bains rituels et de purification, notamment du judaïsme. Les produits de bain à visée spirituelle en même temps qu’hygiénique rejoint particulièrement des idéaux modernes qui associent depuis fort longtemps les soins de propreté du corps avec des désirs de propreté de l’âme. Produits de bain, savons, nettoyants pour la maison à but spirituel en même temps existent dans le Hoodoo, accompagnant au quotidien les objectifs et les rêves d’une vie. Un judicieux mélange dans une société vivant à un rythme effréné et qui n’a pas toujours de temps à accorder à la réalisation de ses rêves ou la visée de nouveaux projets.

Bain purifiant après travaux spirituels

Les ingrédients utilisés dans ces produits sont étonnamment bien choisis et les recettes sont sûres et précises. C’est du moins ce qui ressort des ouvrages donnant des recettes utilisées dans le Hoodoo mais qui est parfois contesté par les professionnels du commerce : pour faire de l’argent – du moins aux US – beaucoup se contentent de colorer du talc et de le vendre comme un produit magique. C’est dommage, car la tradition, belle et authentique, remonte parfois très loin dans le temps…

Et parce que le Hoodoo est né d’une culture très métissée, on y trouve aussi des classiques de la médecine française des XVIII-XIX ème siècles toujours utilisés comme le Vinaigre des 4 voleurs ou le baume du Commandeur, célèbres en leur temps. Présentes dans la pharmacopée ancienne d’Europe, ces préparations sont toujours utilisées dans le Hoodoo, non comme des curiosité du temps passé mais comme des produits toujours actifs et puissants.

Vinaigre des 4 voleurs

Enfin, le Hoodoo, c’est aussi une très grande utilisation de parfums. Mais un peu comme ce qu’on a pu voir précédemment, les parfums employés le sont à la manière d’une capsule temporelle. Ici, pas de parfums à la mode : les noms de Cologne diverses et de Jockey Club – stars de la parfumerie du XIX ème siècle de France et des Etats-Unis – règnent en maîtres parmi les livres de recettes de parfums pour la chance, la protection, l’amour.

L’eau de Floride, trouvable dans tous les magasins spirituels.

La très grande star, pourtant, c’est l’Eau de Floride de Murray et Lanman, une formule de 1808 très populaire aux États-Unis tout au long du XIX ème siècle et dont l’utilisation dans le domaine spirituel est largement répandue également sur le reste du continent. On lui prête de multiples vertus, tant spirituelles que médicinales, et ses champs d’action semblent couvrir un vaste domaine d’applications possibles : piqûres d’insectes, migraines, désinfection des petites plaies, rafraîchissement, hygiène, etc..

Cette polyvalence l’a certainement rendue célèbre et durable dans la conscience populaire. Au moment de son apparition, l’eau de Cologne était d’ailleurs vantée dans les revues médicales pour les mêmes propriétés qui semblaient infinies, au point qu’on en mettait même dans la soupe !

Texte médical sur les merveilleuses vertus de l’Eau de Cologne.

Enfin, loin des marques à la mode, l’univers du Hoodoo nous transporte notamment dans l’histoire de la parfumerie française de L.T Piver, toujours active mais surtout dans le domaine spirituel où Rêve d’Or et Pompeia, Héliotrope blanc gardent l’aura populaire qu’ils avaient autrefois en aidant l’utilisateur à réaliser les rêves dont ils sont porteurs par leur nom, leur odeur…Un rôle qu’ils ont toujours eu avant le grand triomphe idéologique de la science.

L.T Piver. Lotion Pompeia

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Reconstitution de médicaments anciens

La reconstitution de médicaments et soins anciens est aux fondements du projet du Labo. En effet, bien qu’au Marché de l’histoire, quelques visiteurs mauvaises langues fassent parfois le trait d’esprit qu’évoquer Cléopâtre dans le nom de sa boutique sonne plutôt racoleur, ceux qui connaissent le blog et le projet savent que ça n’est pas gratuit puisque ma première reconstitution – par où tout a commencé – était celle d’un nettoyant issu du livre de Cléopâtre et repris par Aetius d’Amide, médecin de l’Antiquité.

Quelle était la distinction entre parfums pour parfumer et parfums pour soigner dans l’Antiquité ? À présent qu’aucun livre de parfumeur n’a été retrouvé et que les livres consacrés aux cosmétiques ont également tous disparu, il est difficile de le savoir. Mais dans le livre de Galien sur les remèdes, Méthodes de traitement, on peut voir le médecin de Pergame recommander l’utilisation d’un parfum ordinaire de parfumeur de son époque. Donc, malgré le mépris affiché des médecins anciens pour le travail de parfumeur, il y a de fortes chances que les formules n’aient pas beaucoup différé et que la distinction n’ait été que celle de la « noblesse d’intentions».

L’idée de refaire des médicaments anciens a germé très tôt dans mon esprit parce qu’en cherchant des recettes variées de kyphis – puisqu’il en existe plusieurs depuis l’Egypte ancienne – j’étais tombée sur un ouvrage français de pharmacopée du XVIII ème siècle qui m’en avait fourni une et permis de la ressusciter. Pour autant, c’était une recette plus ancienne que les médecins avaient pris soin de conserver et transmettre aussi longtemps qu’ils en avaient eu l’utilité.

Mais ce n’était pas la seule des recettes de fumigations médicinales que je pouvais avoir envie de refaire et les recettes précises de médicaments me sont apparues comme une mine d’or pour l’exploration des senteurs et remèdes anciens. Je me suis donc procuré l’ouvrage entier pour l’avoir toujours sous la main et pour pouvoir l’étudier.

Je l’ai donc parcouru à la recherche de ce qu’il était possible de faire, car effectivement, ce n’est pas une mince affaire ! Envisager une recette de médicament ancien – eux, ils disaient drogue – est en réalité affaire de circonstances favorables et de conditions précises que je m’impose à moi-même ou qui me sont imposées par les simples conditions de sécurité et de bon sens :

  • Je ne manipule pas de matières chimiques que je ne maîtrise pas ou que je soupçonne d’être dangereuses.
  • Je n’envisage pas de sacrifier un chiot, un pigeon ou un serpent même pour un remède très populaire autrefois.
  • Je peux obtenir ou je possède déjà toutes les matières premières nécessaires à la recette.
  • Je suis capable de recréer les situations de réalisation.
  • Je ne réalise les recettes que si je peux les reproduire à 100%. Si j’opère un changement que j’ai jugé nécessaire et possible, je mentionne lequel et pourquoi c’est pertinent.
  • Je m’autorise des écarts sans importance créés par la modernité (j’utilise parfois l’électricité et mon eau de source peut parfois couler du robinet)
Plaque à induction pour médicament galénique.

Une fois ceci posé, je coche les recettes qui sont réalisables selon ce cahier des charges et je les laisse infuser dans mon esprit pendant des mois. Car qui dit médicament ancien dit arrière-plan très riche de culture implicite à laquelle nous n’avons plus accès : théories médicales anciennes et toutes relatives à leur époque, procédés, gestes, croyances qui nous sont complètement étrangers. Il faut aussi s’habituer aux exigences des étapes, si on les a bien comprises et si on peut les suivre. Enfin, le dernier point et pas des moindres est celui des poids et mesures anciens qu’il faut transposer, voire conserver en l’état pour obtenir une information de plus.

C’est le cas de la poudre de Diospoli, un médicament dont la recette a été donnée par Galien et qui subsiste, inchangée, au XVIII ème siècle. Inchangée parce que l’apothicaire du XVIII ème siècle l’a trouvée parfaite ainsi et n’a de ce fait pas voulu y toucher. Mais il n’est pas rare que les auteurs d’ouvrages de pharmacopée notent la recette de base, puis en proposent une version réformée pour y apporter des améliorations qui leur semblent utiles à présent qu’ils pensent avoir avancé en connaissances.

J’ai suivi les étages de la recette, mais contrairement à d’habitude, j’ai aussi suivi les proportions données. D’habitude, ayant affaire à des proportions industrielles – pour le cas des parfums de parfumeurs – il n’est pas possible de les reproduire puisque ces cosmétiques ont désormais changé de statut : de produits à la mode et de grande consommation autrefois, ils sont passés à l’état de curiosités, reconstitutions historiques artisanales dans un but de connaissances.

Suivre fidèlement les proportions de la recette, en plus de ses ingrédients et ses étapes permet de se faire une idée précise de la quantité qu’on en gardait en officine pour satisfaire à la demande d’autrefois.

Poudre de Diospoli

Néanmoins, les médicaments anciens ne sont pas seulement difficiles à réaliser, ils sont aussi délicats à manier. J’ai failli renoncer à les faire, me disant qu’au minimum, ils ne seraient pas achetés, et au maximum, qu’ils pouvaient tomber dans de mauvaises mains ! Mais fournissant régulièrement des produits à une association de médecins enseignant l’histoire de la médecine lors de reconstitutions costumées, j’ai eu l’idée de leur proposer de reconstituer quelques médicaments pour également faire progresser les savoir. Tandis que j’ai l’habitude de réaliser des recettes médicinales anciennes, eux savent quand et dans quel contexte on employait le produit fini. Donc, ce que j’ai à proposer tombera dans les meilleures mains possibles, et les médicaments ressuscités retrouveront une raison d’être sans corruption possible.

Bien évidemment, c’est moi qui choisis les recettes que je peux faire et quand je peux les faire, mais à part ça, je compte bien explorer â mon rythme ce domaine, sachant qu’entre le moment où j’en découvre une de réalisable et que je la réalise effectivement, il peut bien se passer entre plusieurs mois et plusieurs années !

Néanmoins, ce que j’ai fait une fois, je peux plus aisément le refaire, donc, si vous êtes une association d’histoire de la médecine reconnue, que vous êtes intéressés par des médicaments reproduits à 100% et qu’on peut enfin appréhender par les sens dans l’état de fraîcheur qu’ils devaient avoir quand on les utilisait, vous pouvez me contacter sur la boîte mail du Labo de Cléopâtre pour qu’on en discute – à condition que ce soit dans un but de connaissances.

Vous pouvez aussi me rencontrer au marché de l’histoire de Compiègne et venir voir et sentir les médicaments que je réserve à Scalpel et Matula, s’ils ne les ont déjà emportés.

En attendant, je compte mettre sur le blog des articles catalogues des médicaments déjà réalisés, leur fonction, et l’époque où on les utilisait.

  • Poudre dentifrice orientale – 1878 M. Pradal. Nouveau manuel du parfumeur.
  • Poudre de Diospoli. 1763. Pharmacopée universelle de Lemery mais recette de Galien. « Pour abattre les vapeurs, les coliques venteuses et susciter les mois aux femmes. 

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Le brûle-parfum mycénien à l’usage

Après avoir construit le brûle-parfum, l’avoir essayé et noté des hypothèses sur le blog, j’ai malgré tout conscience que sans avoir réussi à entretenir un feu complètement, je n’ai pas éprouvé l’usage réel de cet objet dont la conception date d’il y a plus de 2 millénaires.

Pour m’habituer à l’usage de ce brûle-parfum, je le mets dans des endroits pratiques où je fais brûler mes plantes. Ainsi, je lui donne l’usage banal et usuel qu’il devait avoir lors de sa conception.

Et hier soir, je décide que je vais consacrer des heures à faire brûler durablement des plantes sèches dans cet objet de conception ancienne. Or, ce qui est déjà difficile avec un brûle-parfum ordinaire l’est plus encore avec un brûle-parfum ancien doté de multiples trous et d’un couvercle. Car je comprends bien que l’équilibre qui va se jouer entre attiser le feu avec l’air libre et le réduire avec le couvercle ne va pas être une mince affaire !

Par chance, la façon de faire prendre un feu depuis l’époque du brûle-parfum mycénien n’a pas changé, et comme de juste, j’essaie de brûler le sommet de mon tas de plantes coupées. Et je souffle dessus pour essayer de faire prendre le feu plus en profondeur. Honnêtement, je galère !

Quand je crois tenir quelque chose, je remets le couvercle et je souffle par les trous sur les côtés. Je galère, mais c’est assez courant quand on veut faire prendre le feu à des plantes sèches : en fonction de la légèreté de la plante, sa constitution, son humidité et la répartition de l’air, il est plus ou moins facile de l’enflammer.

Pour plus de commodité, je la tiens entre mes mains, ma bouche collée aux trous du brûleur et je souffle pour faire prendre le feu de l’intérieur, comme ça semble prévu. Je comprends vite que comme avec un soufflet, il ne faut pas s’arrêter au risque de voir le faible feu s’éteindre rapidement. Je passe donc mon temps à souffler dans les trous et inspirer pour reprendre mon souffle. Mais dès lors que je souffle sur les herbes, la fumée s’échappe et c’est elle que j’inspire à chaque fois, si bien que je finis par en ressentir les effets…

Le Labo de Cléopâtre, projet de recherche d’abord et boutique ensuite autour des parfums historiques et traditionnels, ne manque jamais de pratiquer des fumigations de toutes sortes, époques et civilisations pour pouvoir les étudier et vous les proposer sous forme de connaissances via le blog, ou produits à découvrir sur la boutique.

Ce soir-là, j’ai choisi ma plante préférée – comme sûrement la plante préférée de beaucoup de stressés – la damiana. Parmi ses bienfaits, on compte la détente aussi bien physique que psychologique, l’amélioration de la qualité de sommeil, et même de l’activité onirique.

Damiana sèche coupée

Mais elle est capricieuse, et comme ça fait longtemps que je la pratique, elle a tendance à avoir moins d’effets sur moi. Sauf que ce soir, la bouche et le nez pris en sandwich entre les plantes sur lesquelles je souffle et leur fumée que j’aspire directement sans perte dans l’atmosphère comme cela arrive habituellement, la détente se fait soudain rapidement sentir.

Au final, contrairement à d’habitude, je me couche tôt, je dors tout de suite et longtemps, et je fais plein de rêves. Connaissant cette plante depuis longtemps, je peux l’affirmer : les effets de ce soir-là sont ceux qu’on obtient dans les conditions les plus favorables, mais elles sont loin d’être assurées à chaque fois. Là, j’ai l’impression d’avoir retrouvé tout le pouvoir de ma plante préférée !

Est-ce pour autant que l’usage en était réellement celui-là ? Rien ne permet bien sûr de l’affirmer mais obtenir un résultat tel que celui-ci incite à réfléchir. Après, on ne peut oublier que bien que le brûleur original du musée d’Athènes soit d’assez petite taille, celui que j’ai créé selon les mêmes principes n’est pas forcément aux mêmes dimensions puisqu’elles me sont inconnues.

Néanmoins , sur cette base de fumigation optimisée, l’hypothèse de l’usage médicinal devient de plus en plus probable, mais il peut très bien s’être agi d’un rituel communautaire, comme il en existe chez les Amérindiens, et qui consisterait à partager la fumée de la plante sacrée ou bienfaisante en soufflant chacun son tour dans le brûleur…Qui sait ?

En ce sens, mon essai avec la damiana est très adaptée car je connais bien cette plante, que j’en connais les effets et que je sais distinguer des meilleurs effets des plus modestes. Mais en même temps, elle n’est pas réellement adaptée car c’est une plante qui pousse en Amérique et qui ne peut donc avoir été connue et utilisée par les Mycéniens. Il s’agissait forcément de plantes européennes, voire, c’est très possible, d’une seule plante dont on utilisait les effets pour une raison médicinale, religieuse ou sociale, etc…

Au final, étant parvenue à maintenir un feu à partir du système de mon brûleur mycénien, et ayant eu des effets dont je reconnais la valeur sans pour autant savoir si c’était la destination de cet objet, je pense poursuivre l’aventure en utilisant cette fois des plantes européennes connues depuis fort longtemps de la civilisation grecque. D’emblée, je pense à l’armoise et à l’absinthe qui ont la faculté de provoquer des rêves, mais on pourrait aussi penser au tussilage, que les Anciens utilisaient déjà pour calmer la toux, et qu’on emploie toujours pour cet usage.

Bien sûr, il n’y aura sûrement pas de certitudes puisque aucun texte ancien ne mentionne cet objet ni l’usage qu’on pouvait en faire. Néanmoins, le voyage de cette aventure humaine est passionnant et sa valeur réside dans le simple fait de l’accomplir pour tenter d’obtenir de petites réponses et de petites lumières.

PS : concernant le couvercle qui ne laisse pas passer les herbes enflammées, je révise mon jugement : si je souffle suffisamment fort, les feuilles passent par les trous et brûlent ce qu’elles touchent – j’ai d’ailleurs une cloque de brûlure au-dessus de la lèvre -.

Je crois donc de plus en plus à une technique d’optimisation de la fumigation pour tirer le plus grand effet des plantes qu’on fait brûler, quel que soit l’objectif pour lequel on les fait brûler.

Affaire à suivre…

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Exposition Parfums d’Orient

Petit retour tout personnel – car c’est toujours à travers notre culture et nos émotions que nous percevons le monde – sur l’exposition Parfums d’Orient qui a eu cours fin 2023 et début 2024.

Au milieu d’une très belle collection d’objets anciens et de spécimens de matières premières à parfum, l’exposition présente au visiteur la culture spécifique associée à l’idée de parfum dans les pays arabes. Pourquoi ? Parce qu’elle est unique !

Divers flacons anciens.

Des senteurs qu’on aime là-bas aux circonstances dans lesquelles on les rencontre et jusqu’aux jugements de valeur qui y sont associés, tout y diffère de ce qu’en Europe on appelle parfum !

Les matières puissantes et animales comme le musc et l’ambre gris y sont toujours très appréciées alors qu’elles ont majoritairement disparu des parfums européens passé le 18 ème siècle.

L’ambre gris issu du cachalot

Pareil pour les résines d’encens, de myrrhe, de benjoin, apportant leurs notes aromatiques profondes et qui même revenant progressivement en Europe, ne parviennent pas à détrôner le trio : fleurs, agrumes et aromates.

Ce trio gagnant des notes olfactives s’est imposé en Europe depuis les Eaux de la Reine de Hongrie, vers le 18 ème siècle, et surtout, les indetrônables eaux de Cologne. Mais avant, il avait fallu réapprendre l’art des parfums…auprès des Orientaux.

Or, en Arabie, terre exclusive des meilleurs arbres à encens, et d’où est né l’Islam, résines végétales et notes animales dominent la palette olfactive, ce dont les contes des Mille et une nuits – écrits à l’époque de notre Moyen Âge – se font déjà l’écho.

Matériel pour récolter la résine du Boswellia sacra.

Mais où les matières premières répondent à la question : « Qu’y-a-t-il dans les parfums orientaux, ce à quoi répondent à profusion les bornes olfactives conçues par le parfumeur à la tête du projet, d’autres aspects de l’exposition répondent aux questions plus techniques telles que : « Comment les fabriquait-on ? » et « Comment les conservait-on ? »

Illustration d’une machine pour distiller la rose dans un ouvrage du 14 ème siècle.

Du manuel historique qui détaille le procédé de distillation pour faire l’eau de rose au flacon qui les conserve en passant par l’appareil de distillation reconstitué, c’est le monde des procédés et du matériel de la parfumerie ancienne qui s’expose ainsi. Du moins, légèrement…

Reconstitution de l’appareil à distiller l’eau de rose tel que peint dans l’ouvrage ci-dessus.

Légèrement parce qu’en fin de compte, les parfums d’Orient existent avant tout dans les rapports qu’ils tissent avec ceux qui les vendent, ceux qui les portent et qui s’en servent pour des raisons toute culturelle, principalement liées au rapport à l’autre et au savoir-vivre.

Car globalement, en Orient, le parfum est investi plutôt positivement comme une marque de propreté et de respect, et ce d’abord parce qu’il permet de masquer les mauvaises odeurs. Pour autant, pas directement en lien avec la religion, il est un élément qui permet de montrer son respect envers le divin dans la joie et l’exaltation de la Création.

Coiffes et sandales anciennes pour le hammam.

Mais d’une manière générale, c’est dans les lieux d’intimité qu’on va retrouver les parfums. Le hammam, où le rituel de propreté sophistiqué mêle la tradition des anciens bains romains dont il est l’héritier avec les vertus médicinales et spirituelles d’un acte de purification collective d’où les principes de volupté ne sont pas exclus.

Collection d’objets anciens pour le hammam.

Dans la maison, bien que seules les odeurs de cuisine aient été données à sentir, l’exposition évoque cette pratique d’hospitalité qui consiste à parfumer ses hôtes et qui peut se rencontrer sous les rituels les plus divers : parfumer des coussins d’invités en y ajoutant des substances aromatiques variées, parfumer les convives à la fumée de l’encens…

L’objectif est d’honorer l’invité, mais aussi de laisser un souvenir du moment passé en sa compagnie au moyen de l’odeur qui s’incruste dans les fibres du vêtement et qui rappellera cet instant chaque fois que le parfum se déploiera, au gré du vent, de la chaleur ou des mouvements.

Robe dont l’extérieur est composé de fleurs de jasmin.

Enfin, le parfum, c’est aussi l’intimité conjugale : si l’exposition présente des vêtements entièrement ornés de fleurs de jasmin qui durent être impressionnants de beauté visuelle et olfactive quand ils étaient encore frais, il est connu aussi que des rituels de beauté parfumés accompagnent l’union des époux jusque dans le choix de l’encens « coïtant » à brûler dans la chambre à coucher ou même la toilette minutieuse, secrète et intime de la femme durant les préparatifs de la noce…

Accessoires et lingerie féminine entièrement recouverte de jasmin.

Un beau voyage en Orient dans l’intimité des parfums et de ceux qui les aiment.

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Collection d’encens en bâtons « Domus » : les plantes sacrées des maisons romaines

Pour cette rentrée 2023, l’idée m’est venue de créer et proposer une collection d’encens historiques à visée pédagogique pour découvrir ou redécouvrir les plantes sacrées et préférées de l’Antiquité ainsi que le sens que cela représentait pour chacune d’entre elles.

Elle est à visée pédagogique, ce qui veut dire qu’elle est d’abord là pour enseigner, mais sa vocation n’est pas de rester dans les salles de classe ou les ateliers du musée ou du parc archéologique : partout où vous voulez l’apprendre vous-mêmes, l’enseigner aux autres ou offrir un parfum romain à un lieu spécifique.

En réalité, les plantes de l’Antiquité sont très nombreuses et malgré des plantes de même espèce et très reconnaissables, on peut être surpris par leur variété. C’est surtout vrai des plantes grecques dont les variétés de thym, de menthe ou d’origan, sauvages et issues des montagnes, sont beaucoup plus racées. Il serait d’ailleurs passionnant de travailler avec elles et d’en partager la connaissance, malheureusement, elles n’existent pas en huiles essentielles – très développées en Europe occidentale mais pas ailleurs où c’est l’emploi de la plante brute qui domine – et globalement, elles nous sont culturellement étrangères, malgré leur cousinage avec des espèces que nous connaissons mieux.

Alors, oui, contrairement à d’habitude, j’ai fait le choix des huiles essentielles, mais uniquement pour compenser la perte due à la présence obligatoire de bois neutre pour créer un bâton. Le reste, c’est la plante brute. Mais si vous deviez brûler du romarin sans bâton, ce serait la plante pure et donc un parfum plus intense : avec l’huile essentielle, je compense ce manque de façon complètement naturelle.

La collection s’appelle « Domus » parce qu’elle vous fait entrer dans une maison romaine. En effet, les plantes choisies sont celles de la culture romaine qui nous est proche, et dont le Sud de la France conserve encore dans son patrimoine culinaire les plantes à parfum aimées par les Romains. Pour autant, l’usage n’était pas forcément le même, et d’une manière générale, nous avons plus utilisé les plantes à parfums de la culture romaine de façon alimentaire qu’ils ne le faisaient eux-mêmes.

Dans une société industrielle, il est difficile de se représenter la place que pouvaient avoir les végétaux dans une société traditionnelle dont l’environnement proche constitue l’essentiel de ses ressources. Pour autant, c’est la situation la plus représentée dans le monde : plantes, minéraux, animaux, investis de pouvoirs ou vertus spéciaux au gré de cultures particulières, sont porteurs de sens et d’émotions variés selon le lieu, l’histoire, les croyances et les usages.

C’était aussi comme ça pour les Anciens. Et bien que certaines croyances et usages aient complètement disparu, ils ont fait partie de l’histoire de notre civilisation.

Ainsi, dans la culture gallo-romaine, la plante sacrée était plus généralement une plante aromatique à feuillage persistant par sa façon de résister au froid et au passage des saisons. A l’inverse des plantes caduques qui perdaient leur feuillage en automne, les plantes à feuillage persistant évoquaient l’immortalité, et ce faisant, les dieux, seuls immortels dans les conceptions anciennes.

Une plante sacrée était donc plus souvent une plante qui semblait ne jamais mourir, et les jardins romains étaient principalement composés d’espèces à feuillage persistant, plutôt semi-alimentaires et très aromatiques. La plante sacrée de l’Antiquité réunissait ainsi le plus souvent ces 3 qualifiés particulières.

J’ai choisi l’encens en bâton artisanal car il est très facile d’utilisation et permet ainsi facilement la rencontre avec l’expérience de fumigation pour laquelle nous avons souvent moins de motivation que les Anciens, y associant moins de vertus médicinales et sacrées.

– Le bâton est fait à la main par mes soins depuis une formulation personnelle décidée pour ce projet et sa composition est à la fois 100% artisanale et 100% naturelle.

– La boîte est fournie avec une notice où sont données quelques informations sur la façon dont les Anciens considéraient la plante et comment ils l’employaient sous forme de fumée odorante, mais exclut l’explication de son utilisation orale – puisque ce n’est pas l’expérience que vous en ferez avec ce produit.

– En revanche, vous pouvez les employer pour créer une atmosphère, vous figurer l’ambiance des maisons de l’Antiquité, l’odeur des autels, des carrefours, des mariages, etc…

_Venez ainsi découvrir les façons anciennes de considérer et d’utiliser : le cyprès, le laurier, la myrte, l’origan et le romarin sur la boutique Etsy du Labo de Cléopâtre !

Cet article et photos sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

DIY : Bain de bouche concentré à la sauge

Ayant des problèmes de gencives, je tente et teste beaucoup de produits d’hygiène dentaire du commerce ordinaire et de parapharmacie.

En lisant le livre de Maria Trében : La santé à la pharmacie du Bon Dieu, j’ai vu qu’elle recommandait la sauge pour ce genre de problèmes : « inflammation de la cavité buccale », « dents branlantes et saignantes », « déchaussements des dents et tumeurs gingivales ». Elle recommande ainsi une simple tisane en gargarisme à 1 cuillère à café pour 1/4 de litre d’eau.

Cette tisane utilisée en gargarisme est effectivement recommandée par certains dentistes – la sauge ayant par ailleurs une très bonne réputation comme plante médicinale depuis les temps les plus anciens.

Fatiguée de faire tous les jours de la tisane, j’ai décidé de stabiliser la préparation pour me libérer de cette contrainte journalière en créant un bain de bouche aussi efficace que durable et uniquement à base de plantes, sans alcool ni conservateur de synthèse.

Mission accomplie ! Voilà 8 jours qu’elle a été faite et ne montre aucun signe de corruption. Mais pour y arriver, il faut suivre la recette et respecter strictement les conseils d’hygiène. Vous êtes prêt ?

– Ingrédients

– Sauge séchée : 4 cuillères à soupe

– Eau : 1 litre

– HE clous de girofle : 4 gouttes

– Matériel

– Casserole

– Verre doseur

– Petite bouteille de verre neuve ou stérilisée (obligatoire !)

– Tamis

– Entonnoir

– Étiquette, stylo

Mettre les feuilles séchées et l’eau dans la casserole, faire chauffer et bouillir. Continuer la décoction jusqu’à belle réduction du liquide. Passer au tamis pour enlever les feuilles et remettre dans la casserole pour affiner votre réduction jusqu’à environ 200 ml (le verre doseur sert à le vérifier).

Laissez refroidir votre préparation puis versez-la avec l’entonnoir dans votre bouteille stérilisée ou neuve – j’insiste sur son hygiène qui doit être irréprochable ! -.

Finissez par les 4 gouttes d’huile essentielle de clous de girofle. Fermez, mélangez et collez dessus une étiquette indiquant ce que c’est et la date de réalisation. Voilà, votre bain de bouche sans alcool est prêt !

– Variante sans HE

Vous n’avez pas d’huile essentielle de clous de girofle mais souhaitez quand même réaliser cette recette ?

Comptez 6 grammes minimum de clous de girofle, concassez-les pour libérer les huiles essentielles et intégrez-les à votre préparation avant de mettre la tisane à chauffer.

Puis suivez la recette normalement.

– Utilisation : ce produit est un concentré pour remplacer des tisanes, il se prend donc en dilution et ce d’autant plus que la présence d’une grosse dose de sauge en fait un produit fortement dosé malgré sa formulation 100% naturelle.

Utilisez un petit bouchon que vous mélangerez dans la même quantité d’eau pour faire votre bain de bouche.

– Remarques : le mélange est fort mais contrairement aux bains de bouche ordinaires à l’alcool, il ne pique pas, n’irrite pas et peut donc se garder de longues minutes si on le désire.

– L’étiquette mentionnant la date est très importante : elle vous permet de contrôler la durée de vie du produit. Il est prévu pour être auto-conservé et donc ne pas se corrompre, mais des paramètres dans l’environnement peuvent changer là situation. Assurez-vous toujours que le produit n’est pas dégradé ( moisissures, odeur qui change, etc. )

– Pour conserver le mieux possible votre produit, ne mettez pas les doigts dans le bouchon, sur le goulot et nettoyer de temps en temps le bouchon à l’alcool ou au savon.

– Notes sur les plantes :

– La sauge est anti bactérienne et anti inflammatoire. Elle ne présente pas de danger mais est déconseillée aux femmes enceintes, allaitantes et aux épileptiques (il est à remarquer néanmoins qu’on ne l’utilise ici qu’en gargarisme et non en interne !)

– L’huile essentielle de clous de girofle – comme le clou de girofle – a une certaine toxicité en cas de surdosage, mais à une goutte pour 50 ml, dilué encore dans 50 % d’eau, et non avalé, pas de soucis !

L’avantage du clou de girofle est double : c’est à la fois un conservateur naturel très efficace par son action antibactérienne puissante, et de ce fait, c’est un produit dont l’odeur est très associée aux dentistes dont le principe actif, l’eugénol est abondamment employé dans cette profession. Issu principalement du clou de girofle qui en contient plus de 70 %, il est utilisé dans presque tous les produits d’hygiène dentaire : dentifrices, ciment dentaire, bain de bouche, etc…

Attention : l’HE de clou de girofle est déconseillée aux femmes enceintes, aux enfants de moins de 6 ans et aux personnes souffrant de troubles de la coagulation. Ne pas ingérer.

Enfin, est-il besoin de vous dire qu’en cas d’allergie, intolérance et autre désagrément à l’usage, vous ne devez pas prendre ce produit ?

Cet article, photos et recettes sont la propriété du site Le labo de Cléopâtre. Il est interdit de les reproduire sans l’autorisation de leur auteur.

Les sens multiples du parfum

Après 5 ans passés en projet Labo de Cléopâtre, explorant l’origine et la diversité des formes du parfum dans nos civilisations, c’est l’image d’un usage du parfum protéiforme tout autant qu’indispensable qui se dessine.

Ce qui monte vers dieux et esprits

Si l’étymologie du parfum – per fumum, par la fumée – laisse deviner les origines probables des premiers usages qu’on faisait du parfum, il faut reconnaître que de nombreuses utilisations de par le monde prouvent sa survivance dans les mœurs. Il faut dire qu’avec un peu de feu, une résine ou une plante à parfum, on est déjà dans l’offrande qui agrée aux dieux, aux esprits et qui nous les concilie.

Pourquoi donc s’en priver ? D’autant que ça fonctionnait avec les résines les plus précieuses d’Arabie comme avec la plus modeste branche de romarin, l’encens du pauvre.

Ailleurs dans le monde, sauge blanche, genévriers divers – dont des espèces diversement parfumées poussent un peu partout -, résines et bois odorants ordinaires ou précieux sont comme des cadeaux que la Terre ferait au Ciel depuis la nuit des temps, éclaboussant au passage les Hommes de leurs bienfaits.

Ces usages évoluant dans le temps et l’espace, la découverte de nouveaux territoires et de nouvelles plantes à parfum enrichissent la palette de ce qu’on peut offrir au divin.

Ainsi, la conquête de l’Inde par Alexandre le Grand a ouvert la porte au safran et au nard dans la culture grecque puis l’a diffusée dans tout le monde méditerranéen – la Bible de l’époque de Jésus le mentionne – pour s’étendre sur les pratiques religieuses mais aussi celles du luxe et de la coquetterie.

Plus tard, la colonisation des Amériques a permis d’autres découvertes parfumées dont celle du baume de Tolu venu remplacer le baume de Judée – devenu rare – dans des recettes sacerdotales datant des premiers siècle de l’ère chrétienne.

Mais chez les Hommes, les intérêts du divin se mêlent toujours aux intérêts humains. Comme les dieux, les esprits qu’on convoque en magie ou qu’on veut se concilier lors d’un événement particulier aiment les parfums et sont d’autant plus sensibles aux demandes qu’elles sont accompagnées d’offrandes d’encens : Afrique, Amérique, Europe, Asie, tous ont depuis la nuit des temps des pratiques de fumigation sacrées, symboliques ou magiques censées renforcer le lien entre les dieux, les esprits – djinns, loas, saints, ancêtres – et les Hommes.

– Parfums pour séduire

Si la littérature grecque se fait le témoin bien souvent de l’utilisation de parfum dans les pratiques religieuses, hygiéniques ou funéraires, elle n’échappe à celle qu’on lui connaît aujourd’hui : le parfum pour séduire.

Les courtisanes de Lucien, les épouses d’Aristophane, sont déjà des femmes dont on pourrait dire qu’elles cocottent – du nom de ces courtisanes du 19 ème siècle qu’on repérait rapidement à Paris – et qu’ainsi on n’oubliait pas ! – à leur parfum puissant et provocateur.

Évidemment, pas besoin de faire commerce de ses charmes : vouloir séduire, vouloir marquer l’esprit de celui qu’on aime ou marquer plus favorablement l’esprit de son mari quand on est dans un couple polygame.

En Afrique, dans les pays où on pratique la polygamie, la concurrence fait rage entre épouses d’un même homme, enrichissant et développant le commerce des artifices de séduction, vêtements sexy, lingerie, parfums – mélange de résines locales, mondiales et de parfums huileux issus de l’industrie et qui ont culturellement gagné une réputation durable comme ensorceleurs.

Ces accessoires indispensables sont censés posséder des vertus magiques et aphrodisiaques après lesquelles les femmes courent pour gagner la première ou unique place dans le cœur du mari, seule condition pour une meilleure qualité de vie.

– Performances techniques et industrielles

Mais en Occident où la chimie gouverne depuis le 19 ème siècle le monde de la parfumerie, le parfum prend d’autres voies plus confidentielles que celles du début de son histoire. Comme dans les premiers âges, le parfum permet toujours de séduire, de se distinguer autant socialement.

Les échelles de prix d’aujourd’hui rappellent la description que Pline fait des différents parfums à la mode à son époque et dont les meilleurs se faisaient dans différentes régions du monde – le parfum d’iris à Corynthe et Cysique, celui de rose à Phasèle, celui de safran à Solis, etc… – comme les parfums sont réputés à Grasse, à Paris ou en Italie.

Pourtant, c’est le défi technique et la compétition industrielle et publicitaire qui vont distinguer un parfum d’un autre, à partir de limites toujours repoussées. Dans la nature, en effet, rares sont les matières premières naturelles qui acceptent de livrer leur parfum.

Les chimistes ont trouvé le moyen de s’en passer et même de faire sentir une fleur muette sans utiliser celle-ci. Des performances qui font la réputation des grandes « Maisons » pour lesquelles travaillent ces parfumeurs chimistes dans leur laboratoire, et la fierté de ceux qui se vantent de porter le jus de telle ou telle « Maison ».

Le parfum chimique est aussi une façon économique d’inonder le marché d’odeurs à la mode : les jus se font à la commande, avec des ingrédients plus ou moins chers selon l’exigence de budget du client. C’est ainsi que vous retrouvez facilement des encens indiens réalisés industriellement en plongeant des bâtons dans des cuves de parfums chimiques français sentant finalement plus ou moins un parfum connu de Dior !

Alors, bien évidemment, quand j’arrive au marché de l’histoire avec mes produits faits à la main avec de vraies plantes, j’ai appris qu’en général, il est inutile d’aborder les vieilles dames, fidèles à la confiance en la science et la chimie de leur génération qui ne jurent que par Chanel et qui se méfient du reste.

Mais je peux quand même compter sur :

– les chercheurs, historiens et reconstituteurs et tous métiers en lien avec l’histoire et la culture

– jeunes préoccupés par l’environnement

– Africains et Africaines du Nord dont la façon de faire des parfums traditionnels du Labo de Cléopâtre ressemble tant à la leur.

D’ailleurs, quand Zohra, ma voisine d’origine algérienne me demande de l’encens, elle me dit : « Maud, s’il te plaît, un peu de parfum. » Moi, là où j’ai grandi, un parfum veut dire un liquide odorant majoritairement chimique sur base d’alcool. Même si depuis, j’ai changé de sentier…

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Réalisation d’une pommade 18 ème siècle en images

Le mois dernier, j’ai tenté une recette qui m’attirait depuis quelques temps, trouvée dans un ouvrage destiné aux parfumeurs et daté du 18 ème siècle.

C’est une pommade pour les lèvres légèrement teintée et comme toujours au 18 ème siècle, entièrement naturelle. Un siècle plus tard, les choses auront bien changé et la chimie s’invitera dans les parfums et cosmétiques.

Pour autant, en 1920, encore, quand apparaîtra le premier rouge à lèvres, il aura pour base les modestes ingrédients de cette recette : un cérat pour base, du raisin et de l’orcanette pour la couleur. Et c’est tout ? Et bien oui.

Le cérat chauffe tandis que les grains de raisin attendent l’heure de leur entrée en scène.
Les voilà réunis. Je les abats au presse purée.
Cuisson.
Je retire la chair et les pépins.
J’ajoute l’orcanette.
Après plusieurs tâtonnements, je décide de faire ce que je crois juste car l’ouvrage ne mentionne comment parvenir à une homogénéité.
Je remets le cérat que j’avais retiré du mélange.
J’unis l’un et l’autre : j’ai effectivement une pommade rosée.
Je mets en pots de format baume à lèvres contemporain. J’ignore comment étaient les contenants au 18 ème siècle.

Vous voulez sans doute savoir le reste : ça hydrate bien, ça a la force colorante d’un gloss discret, ça sent bon et le raisin laisse un délicieux petit goût sucré sur les lèvres. L’ouvrage précise que ce produit se conserve 2 ans !

Bien sûr, j’imagine qu’en fonction des variétés de raisin noir, il est possible d’avoir des couleurs plus ou moins intenses, sachant que celles-ci devaient être moins variées qu’aujourd’hui. En les identifiant, on aurait la palette des rouges possibles au 18 ème siècle, du moins pour cette pommade.

Enfin, c’est évidemment un produit pour les aristocrates, et forcément un produit saisonnier qu’on ne pouvait faire qu’à l’époque de la récolte du raisin. Il en était donc un peu du rouge à lèvres pour les dames comme du vin pour les messieurs.

Perle parfumée dans la parfumerie traditionnelle

Les sociétés anciennes comme les sociétés traditionnelles ont ceci de commun que leur manière de concevoir le parfum est très élargie, par rapport à celle de nos sociétés industrielles où la chimie a complètement changé notre rapport à celui-ci depuis bientôt 3 siècles. En Occident, un parfum, c’est un flacon de liquide qui peut aussi se diffuser en spray, et beaucoup plus rarement en concrète. On peut encore les décliner en savon, gel douche, déodorants et crème pour le corps.

Dans l’Antiquité, on considérait que le parfum était ce qui sentait de façon assez agréable pour qu’on ait envie de le porter sur soi, l’offrir aux dieux ou à ses morts. Entrent donc dans cette catégorie les résines et aromates qu’on faisait brûler pour la divinité, mais aussi pour parfumer ses vêtements, des poudres de plantes à parfum, et des couronnes de fleurs. Un système logique dans une société qui ne possède que ce que la Nature offre pour se parfumer, et qui sait multiplier les façons de le faire.

Car paradoxalement, effectivement, si les parfums occidentaux de la société industrielle sont complexes dans leur formulation chimique, leur variété est pauvre. A l’inverse, dans les sociétés anciennes, la palette est pauvre car elle dépend de ce que permet la Nature (pas en molécules odorantes, par contre, beaucoup plus nombreuses que dans un parfum chimique construit), mais les variétés de ce qu’on acceptait comme parfum étaient beaucoup plus grande : encens qu’on brûle, sachet odorant à porter sur soi, graisse parfumée par enfleurage, tissu imprégné d’une essence de bois ou d’autres ingrédients odorants, etc.

Photo de classe à Bora-Bora. Dans l’Antiquité, nous employions aussi les couronnes parfumées, comme l’attestent les textes des anciens philosophes grecs.

Parmi ces possibilités, une très intéressante consiste en des perles parfumées pour faire des colliers, bracelets et autres bijoux traditionnels, souvent religieux mais pas uniquement. Si elle n’est pas attestée pour l’instant dans les textes de l’Antiquité, c’est malgré tout une forme assez répandue pour figurer dans pas mal de civilisations, dont la nôtre – particulièrement pour la réalisation des chapelets.

Boutiques religieuses en ligne ou en dur proposent des chapelets en bois parfumé à la rose ou au jasmin, fleurs souvent associées à la Vierge Marie et qui donnent une dimension agréable et magique à l’acte de récitation du rosaire. Parfumé extérieurement aux huiles essentielles, ce sont des objets peu coûteux car faciles à réaliser.

Néanmoins, il exista en France un genre de perles pour chapelets aux recettes 100 % naturelles sur base exclusive de plantes à parfums et dont le résultat a l’avantage d’être à la fois agréable, équilibré et de remonter à plusieurs siècles, ce qui en fait un véritable produit de reconstitution historique – avec tous les inconvénients que ça occasionne : fragilité du produit, durabilité incertaine, etc..

Hormis ces inconvénients propres aux produits réalisés en matières naturelles, c’est un magnifique objet 100% reconstitué de notre histoire et dont la recette remonte au 18 ème siècle – si ce n’est plus loin.

Chapelet Vieille France

Sur cette base, en employant cette technique ancestrale, j’ai conçu plusieurs autres chapelets ou bijoux originaux, mais toujours en lien avec la botanique mythologique ou le patrimoine des civilisations.

Chapelet Mauvais œil aux herbes grecques
Chapelet latino aux perles de tabac
Chapelet Santa Muerte aux perles de tabac.
Collier Anubis perles de kyphi
Collier kyphi et authentique Ushbati (serviteur d’un défunt dans l’Au-delà)
Parure scarabée bleu perles de kyphi

Mais la perle parfumée, c’est aussi, et de façon bien plus simple, des perles taillées dans un bois ou un rhizome naturellement odorants.

Ce qu’il y a de particulièrement intéressant, avec la perle en bois parfumé, c’est que contrairement aux perles en pierre semi-précieuse, elle est moins répandue au niveau du commerce international. Son emploi en bijou est à la fois plus rare et plus typique d’une civilisation, et donc beaucoup plus porteuse de sens. En effet, notre façon d’aimer ou ne pas aimer une odeur sont beaucoup plus culturelles et radicales que notre façon d’accepter des gemmes.

Ainsi les perles de santal vont être présentes en Inde et dans quelques régions d’Asie – comme d’une manière générale dans la tradition bouddhiste. On y sculptera aussi les statues des divinités, et bien sûr, on en fait des mala dans les 2 religions.

Mala Ganesh perles de santal

Autre bois asiatique odorant au parfum moins connu en bois brut mais tout aussi naturel et magnifique, le camphrier, avec lequel je fais aussi des mala.

Mala bouddhiste camphrier

Mais comme c’est un bois particulièrement sacré et lié à la culture japonaise – comme on le voit dans le film Totoro – j’en fais aussi des bracelets Maneki Neko, dont la tradition, purement japonaise, s’apparente plus au shintoïsme.

Bracelet porte-bonheur Maneki-Neko camphrier

Enfin, dernier bois dont on fait des perles parfumées que je vous propose en boutique : le cyprès, arbre européen, cette fois, autrefois consacré à Hadès, et dont je fais des bracelets dans ce but.

Bracelet cyprès Père Hadès

Je fais aussi des bijoux pour Athena – et les Olympiens – avec des perles en bois d’Olivier, son arbre consacré. Ils ne sont pas odorants mais respectent la tradition grecque de l’Antiquité

Bracelet Protection hellénique bois d’olivier

En réalité, des bois ou autres végétaux parfumés dont on fait des perles, il en existe dans beaucoup de civilisations : l’Afrique en fait de traditionnels en gowé, dont l’odeur est magnifique et qui servent surtout à la séduction et aux rapports amoureux, le Maghreb en fait aussi de traditionnels et dans lesquels entrent les clous de girofle, notamment.

Le monde arabe, lui, aime les chapelets musulmans en bois d’agar, leur légendaire bois de oudh originaire d’Asie. Mais d’autres encore, jamais vus ou jamais sentis ayant pourtant existé : un bracelet mala en fèves Tonka, dont la mention a été rencontrée dans un livre de littérature classique Chinoise : Le rêve dans le pavillon rouge.

Vous l’aurez compris, si je donne autant de place aux bijoux parfumés en bois odorants ou mélanges de plantes, c’est qu’elles ont un vrai rôle – souvent relié à la religion et au sacré – dans les parfums traditionnels du monde entier et qu’il est temps de renouer avec la merveilleuse diversité de nos traditions à tous en matière de parfums naturels.

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