Les épices spirituelles de Noël

Quand on interroge la toile sur l’origine des biscuits de Noël, et plus spécifiquement des épices de Noël, on trouve une flopée d’influences qui peuvent aller des Chinois aux Mongols en passant par les Croisés. C’est encore plus vrai pour le pain d’épices qu’on fait remonter jusqu’aux Égyptiens et aux Grecs, qui fabriquaient le « melitounta », un gâteau de miel déjà associé aux fêtes de fin d’années.

Et même si globalement, on a pu trouver à toute époque à partir du Moyen Âge pains et gâteaux mêlés d’épices évoquant de près ou de loin le célèbre biscuit de Noël, il faut reconnaître que là où la tradition reste la plus vive et la plus ancrée, c’est en Allemagne et en Alsace où on en fabrique en famille dès le mois de novembre, et sur lequel on a aussi des dictons.

Dans le blog pourdebon.com, le producteur d’épices Max Daumin estime que le biscuit de Noël est né dans les monastères allemands de la période médiévale. À cette époque, les épices étaient rares et dotées de vertus extraordinaires pour les gens du Moyen-Age qui voyaient en elles des produits médicinaux presque magiques. De fait, les épices étaient d’abord réservées à une élite.

Mais c’était en réalité pour une raison religieuse que les moines prenaient des ancêtres des biscuits de Noël à la période de l’avent. On considérait les épices comme « purificatrices du corps et de l’esprit », si bien qu’elles disposaient à se préparer à accueillir la naissance du Christ, qu’on fête à cette époque-là de l’année. Les ancêtres des biscuits de Noël semblaient donc associer les épices à des bienfaits influençant jusqu’aux humeurs – du corps jusqu’à l’esprit, donc – laissant ainsi la place à la joie que l’annonce de la naissance du Christ devait susciter dans un monde très chrétien.

Max Daumin prévient justement : « l’usage de ces douceurs était bien certainement purificateur du corps et de l’esprit, un médicament. »

Le biscuit de la Joie version contemporaine avec sucre et beurre.

D’ailleurs, à bien y regarder, l’ancêtre du biscuit de Noël ressemble à la version initiale du biscuit de la Joie, dont la recette originale consistait uniquement en fleur de farine, cannelle, muscade, un peu de girofle et un peu d’eau pour lier.

Le biscuit de la Joie d’Hildegarde von Bingen.

Des épices dans lesquelles Hildegarde voyait un tonique pour la cannelle, la vertu de « purifier les sens et donner de bonnes dispositions » pour la muscade, la stimulation de la vitalité pour le clou de girofle.

2 biscuits de la Joie : l’ancien, que plus personne ne connaît, et le nouveau, que tout le monde mange à Noël.

Tout comme le biscuit de Noël, il est possible de trouver le biscuit de la Joie dont on attribue toujours la recette d’Hildegarde qui, du haut de son XII ème siècle, ne goûtait ni le sucre ni le beurre – peu employés voire inconnus à ces époques-là où on utilisait plus volontiers miel et saindoux -. Mais évidemment, c’est une gourmandise de laquelle il ne manque aucune des douceurs dont vous avez aujourd’hui l’habitude.

C’est bien ce gâteau gourmand, délicieux et épicé dont on se régale qui semble être l’arrière-petit-fils de ce biscuit de l’âme qui avait finalement tout d’une hostie austère bien qu’épicée. Et quand on le goûte, effectivement, c’est bien un aliment d’ascèse auquel on a affaire, et seuls les plus motivés par la recherche historique en mangeront !

Alors, quand vous prendrez un biscuit de Noël, vous pourrez penser à vos ancêtres d’Europe dont vous perpétuez sans le savoir une pratique spirituelle de notre Moyen-Age très chrétien consistant à se purifier le corps et l’esprit pour se préparer à accueillir la venue du Christ le 25 décembre.

Et ce même si aujourd’hui, seule est visible la gourmandise.

(Aux fourneaux historiques : J.B Lullien-Kochanski pour les 2 biscuits de la Joie comparés)

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L’usage du parfum dans l’Antiquité

Le parfum était quelque chose de très important dans l’Antiquité, à vrai dire aussi important que de nos jours, voire plus. Il servait en effet autant à la séduction qu’il pouvait entrer dans les remèdes puisque beaucoup d’espèces végétales étaient considérées comme ayant des vertus médicinales, à plus fortes raisons si elles étaient odorantes.

« Le parfum à la rose convient au banquet, comme celui à la myrrhe ou au coing. Ce dernier est bon pour l’estomac et pour ceux qui souffrent de léthargie. »

Athénée. Les Deipnosophistes.

Et parce que la médecine de l’époque avait peu de solutions contre les maladies, la simple hygiène faisait partie de la médecine tandis que pour nous, elle n’en est que l’introduction, le préalable obligatoire aux soins, le minimum requis pour espérer une bonne santé. Cette hygiène pouvait être si minutieuse que l’utilisation d’un parfum pour chaque partie du corps était pratiquée, comme le révèlent les textes.

Dans l’Antiquité comme aujourd’hui, le parfum était un des accessoires importants de la séduction, un moyen de marquer une présence ou un instant de manière agréable de façon à frapper un esprit. Ce sont les senteurs de la chambre d’Hélène attendant Pâris qu’Aphrodite a sauvé du champ de batailles et ramené jusqu’à elle lors de la Guerre de Troie, c’est le parfum des fleurs égayant la noce et le banquet. C’est aussi, bien entendu, le parfum des courtisanes qui se distinguent par leur surcroît d’artifices pour séduire et changer les hommes qui les regardent en des hommes qui les désirent, puis qui les payent. Et comme aujourd’hui, mis avant une sortie, c’est l’indice d’un rendez-vous amoureux.Dans l’assemblée des femmes d’Aristophane, Bléphyros demande à sa femme d’où elle revient, la soupçonnant d’adultère. Elle lui propose de vérifier si sa tête sent le parfum.

« Bléphyros : Et quoi ? Une femme ne se fait-elle pas baiser sans parfum ?

Proxagora : Non certes, mon pauvre, pas moi. »

Mais le parfum, c’était avant tout le privilège des élites, et notamment du roi, l’échelle de prix de ces parfums restreignant l’usage de certains produits aux plus hautes classes sociales. C’était le cas des produits exotiques à la base du parfum, qu’on  faisait venir d’Arabie ou d’Inde et qui atteignaient des prix exorbitants créant alors une odeur caractéristique royale. Ainsi, d’après Polybe, Antiochos IV faisait amener ses vases de parfums les plus précieux dans des bains publics auxquels, malgré son statut, il aimait à se rendre. « Vous êtes bien chanceux, vous les rois, d’utiliser de tels parfums et de sentir aussi bon.« , lui dit un homme. Le lendemain, le roi revint et fit verser sur la tête de cet homme « un grand vase du plus précieux parfum appelé stakté« , c’est-à-dire de la myrrhe pure, comme le faisait Hatchepsout, grande pharaone qui, femme, régna seule sur l’Egypte et dont c’était le parfum attitré un millénaire auparavant.

Avec l’évocation des élites, on arrive aux premiers usages du parfum, celui d’honorer les dieux que dans l’Antiquité on distinguait d’ailleurs eux-mêmes non par la vision – puisqu’ils ne peuvent se manifester sous leur vraie forme au risque de nous tuer – mais par la bonne odeur émanant du personnage qui leur servait de couverture ou du lieu qu’ils avaient occupé. C’est une croyance qui a été conservée dans le christianisme puisque la bonne odeur est souvent évoquée dans le cas d’une visite ou de la présence d’un saint ou de Jésus lui-même.

Autrefois comme aujourd’hui, on brûlait les encens pour faire monter le parfum jusqu’aux divinités, habitant des hautes sphères pour qui c’était une offrande au même titre que le fumée s’échappant de la viande sacrificielle dont les hommes mangeaient la chair et les dieux la fumée.

« C’est toi (Liber, nom romain de Dionysos), selon la tradition, qui après la soumission du Gange et de tout l’Orient, as préservé les prémices au grand Jupiter : le premier, tu as offert de la cannelle et de l’encens prélevés sur le butin ainsi que les chairs rôties du boeuf qui a été mené à ton triomphe. »

Ovide. Les Fastes. III.

A ce titre, c’était aussi une manière d’honorer ses invités puisque les parfums égayaient la plupart des fêtes, soit qu’on voulut démontrer son luxe, sa manière raffinée de vivre, soit qu’on obéît à cette vieille coutume conservée dans les pays méditerranéens et orientaux de recevoir ses invités comme s’ils étaient les dieux eux-mêmes.

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